“Modernités arabes, de la modernité à la globalisation” ou la rencontre du monde arabe avec les Empires européens du point de vue sociologique

Par: Saad BOUZROU

Rabat – “Modernités arabes, de la modernité à la globalisation” est le dernier essai de Khalid Zekri, professeur à l’Université de Meknès et président de l’Association culturelle Tafkir, qui traite la question de la rencontre du monde arabe avec les Empires européens d’un point de vue sociologique.

Lauréat ex aequo du prix du Maroc du livre 2019, M. Zekri analyse en cinq grandes parties cette rencontre à l’aune des discours modernistes et contre-modernistes et passe au crible les conséquences de l’hégémonie occidentale sur les cultures post-coloniales.

En 387 pages, l’essayiste marocain tente également de démêler la question des appartenances et de la “réappropriation de soi” avec, en filigrane, une confrontation idéelle de la pensée des plus grands écrivains arabes en la matière, pour aboutir in fine à un concours d’idées sur la place des sociétés arabes dans la globalisation.

Chaque partie du livre plonge le lecteur dans une histoire aux multiples bifurcations, sans pour autant lui faire perdre de l’œil, malgré l’abondance et la complexité des idées conjuguées avec les tournures du langage de l’auteur et la densité, sans a priori, de ses argumentations.

Partant, M. Zekri ébauche son essai par l’auscultation de deux concepts en conflit depuis la nuit des temps, à savoir la “servitude” et la “résistance”. Sa grille d’analyse repose, dans cette partie, sur un compte rendu historique qui retrace la pensée de Bartolomé de las Casas jusqu’à l’Europe vue par des voyageurs maghrébins en passant, entre autres, par un enfouissement dans la vie d’Elias Al-Mawsilî et une critique sur l’émergence de l’impérialisme moderne.

Dans la même veine, M. Zekri transfigure son œuvre d’essayiste et revisite dans une grande mais néanmoins intéressante partie du livre la genèse des nations arabes, leurs rapports avec les grands empires, naguère puissants, à l’instar de l’empire ottoman et la naissance par ricochet du nationalisme et du panarabisme, aboutissant au final et à point nommé à la question du devenir des États arabes.

Sa lecture de la notion “post-colonial” occupe un bon chapitre du livre, a fortiori quand il met au point les grands concepts du sujet en emmenant le lecteur vers un conflit d’approches par écrivains interposés, à l’instar de l’Anglais Rudyard Kipling, souvent considéré par les siens comme le “prophète de l’impérialisme britannique” et Edward W.Said, dont les analyses sont considérées par l’auteur comme “fertiles”.

L’ouvrage se veut également une interprétation de l’entrée des sociétés arabes dans la globalisation, ce phénomène qui, selon l’écrivain, enfonce, bon gré mal gré, les pays arabes dans un tiraillement entre une arabo-islamité de jure et une occidentalité de facto.

Khalid Zekri a aussi été professeur invité aux Universités de Aachen, Leipzig et Mannheim (Allemagne). Sa formation de comparatiste est à la jonction de la littérature et des Sciences humaines. Il a publié, entre autres, “Incipit et clausules” dans les romans de Rachid Mimouni (2004), “Fictions du réel” (2006, 2010), “Repenser le Maghreb et l’Europe” (co-direction avec Alfonso de Toro, Réda Bensmaïa et Hafid Gafaïti, 2010), “Lire les villes marocaines” (Codirection avec Marc Kober, 2011), “Études postcoloniales : théories, art, littérature” (Codirection avec Anouar Ouyachchi, 2011), “Récits du corps au Maroc et au Japon” (co-direction avec Véronique Bonnet et Marc Kober, 2013), “Littératures du Maghreb et d’Afrique subsaharienne : lectures croisées” (Co-direction avec Anne Begenat-Neuschäfer, Daniel Delas et Tania Macedo, 2016), “Modernités arabes. De la modernité à la globalisation”, 2018 (Prix du Livre du Maroc en Sciences sociales 2019).