La RSE à l’heure de la Covid: Quatre questions à l’universitaire Adil Cherkaoui

La RSE à l’heure de la Covid: Quatre questions à l’universitaire Adil Cherkaoui

lundi, 16 novembre, 2020 à 12:29

Casablanca – Adil Cherkaoui, professeur universitaire à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Ain Chock de l’Université Hassan II de Casablanca, et consultant en RSE (responsabilité sociétale des entreprises), décrypte, dans une interview accordée à la MAP, l’évolution de la RSE au Maroc et la place qu’elle occupe actuellement au sein des entreprises marocaines.

Auteur de nombreuses publications et communications scientifiques autour de la RSE, la gouvernance des entreprises et la finance responsable, M. Cherkaoui analyse également l’impact de la pandémie sur l’adoption des politiques RSE et leur rôle dans la sortie de crise.

1. Quelle est votre perception de l’évolution de la RSE au Maroc ? Et quelle place occupe-t-elle aujourd’hui ?

La RSE a envahi le champ médiatique et le vocabulaire managérial. Des supports d’information, des conférences et plusieurs articles lui sont consacrés. La labellisation par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la notation extra-financière pour les sociétés cotées et la production d’indicateurs ESG (environnementaux, sociaux, sociétaux et de gouvernance) ont fait leur entrée dans le champ des pratiques managériales.

Le Maroc connait des pressions sociétales croissantes, de création d’emploi et de compétitivité des entreprises. Le renouvellement de la perception de la RSE de la part de l’entreprise marocaine se voit primordial, puisque de nos jours, les préoccupations qui caractérisent le domaine de recherche sur la RSE “stratégique” visent à apporter des réponses sur des questions de création de valeur partagée et d’étude d’impact sociétal.

Cela étant, les entreprises marocaines réalisent quelques progrès en matière de RSE, mais restent encore à la traîne. D’ailleurs, nous avons publié, le 7 mai 2019 chez les éditions de l’harmattan, un ouvrage intitulé “la responsabilité sociétale des entreprises au Maroc : facteurs déterminants, analyses perceptuelles et typologies comportementales” à travers lequel nous avons étudié les pratiques RSE des entreprises au Maroc sur la base d’une enquête menée auprès de 130 entreprises marocaines, complétée par la réalisation de 40 entretiens avec des dirigeants de PME et des directeurs RH, RSE ou DD.

Notre étude empirique fait ressortir ainsi qu’en dehors des filiales de multinationales ou de quelques entreprises contraintes de se mettre à niveau pour travailler à l’export, très peu d’entreprises ont véritablement une politique RSE formalisée et imbriquée à leur business model.

2. Qu’est-ce qui incite les entreprises à se lancer dans une démarche RSE ?

Les résultats de notre recherche soutiennent l’idée selon laquelle l’adoption des pratiques RSE au Maroc est tributaire d’une conjugaison des déterminants à la fois contextuels (secteur d’activité, degré d’ouverture sur l’international, la position de l’entreprise sur sa chaine de valeur…), organisationnels (structure de capital, degré d’innovation, taille de la structure…) et individuels (valeurs de l’entreprise, perceptions et croyances des dirigeants). Les pratiques RSE au Maroc sont modulées en fonction des contextes d’affaires des entreprises.

Les initiatives de RSE sont expliquées par d’autres facteurs que de simples perspectives économiques de court terme (gains économiques procurés). Les pratiques RSE sont considérées comme un moyen de gestion des relations avec les parties prenantes, un moyen d’établir et de protéger la légitimité et l’image de l’entreprise. Ainsi, la diffusion de la RSE apparaît comme une réponse de l’entreprise aux pressions sociales et sociétales en vue de légitimer son existence. L’entreprise cherche surtout à produire une congruence avec les normes et valeurs sociétales. Elle tente d’exercer ses activités dans le cadre des normes et règles acceptées par les sociétés et de conserver une adéquation ponctuelle avec son environnement.

Sans oublier que l’appropriation des pratiques RSE est également liée aux valeurs et à la personnalité du dirigeant. L’éthique personnelle du dirigeant est prépondérante en matière d’engagement dans la RSE, notamment dans le cadre des PME au Maroc.

3. La pandémie du nouveau coronavirus s’est imposée comme un test de l’engagement réel des entreprises sur les terrains social, sociétal et environnemental. Pensez-vous que la crise actuelle peut jouer un rôle d’accélérateur en faveur des politiques RSE au Maroc?

La pandémie de Covid-19 apparaît comme une véritable épreuve de l’engagement effectif des entreprises marocaines en matière de RSE. Si la plupart des grandes sociétés ont, depuis plus d’une décennie, élaboré puis étoffé une stratégie ad hoc, seules celles qui avaient véritablement pris en compte leurs relations avec leurs salariés, fournisseurs et communautés locales, puis transformé adéquatement leur organisation, ont pu affronter la pandémie avec agilité.

En revanche, les entreprises ayant considéré ou qui considèrent encore la RSE comme une simple affaire de réputation ou de communication ont rencontré davantage de difficultés, faute d’avoir créé des espaces de dialogue avec d’autres parties prenantes de leur activité que leurs clients et leurs actionnaires.

Si l’émergence de la RSE s’est faite au fil d’initiatives disparates, la pandémie qu’affronte actuellement le monde vient brusquement de lui donner une dimension incontournable et urgente. De ce fait, la RSE constitue un nouveau dispositif de prévention et de gestion des risques environnementaux, sociaux, sociétaux et de gouvernance (ESG).

La crise du coronavirus est une occasion pour les entreprises de faire l’introspection de leurs capacités de résilience, de gestion du risque et d’adaptabilité. Face à une tension inédite, les organisations doivent s’interroger, repenser leurs façons de fonctionner, et surtout, pour l’après crise, pour ne plus revivre un tel choc et de repenser de nouvelles organisations. En particulier, cette crise doit être l’occasion de repenser la responsabilité de l’entreprise au sein de la société : sa responsabilité vis-à-vis de ses parties-prenantes, sa raison d’être, sa capacité à anticiper et à gérer les risques et les éventuelles crises.

4. Quels rôles des politiques RSE dans la sortie de crise ?

Depuis le début de la crise, les entreprises ayant les meilleures notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ont montré une plus forte résistance au choc économique et financier actuel. Une preuve empirique de la pertinence de la RSE et de la nécessité d’intégrer l’analyse extra-financière dans l’évaluation des sociétés. Bien sûr, toutes les entreprises cotées subissent le choc économique et financier général. Mais celles ayant mis en place des politiques RSE fortes résistent mieux.

En temps de crise, la démarche RSE comprise et guidée par le bon niveau d’exigences métier sera un atout utile à l’entreprise pour se réinterroger sur ses paramètres d’environnement et trouver les réponses adaptées aux attentes de ses parties prenantes.

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