2è tour de la présidentielle en Tunisie: un scrutin atypique, un pronostic incertain

2è tour de la présidentielle en Tunisie: un scrutin atypique, un pronostic incertain

samedi, 12 octobre, 2019 à 16:56

Tunis – Malgré le coup de tonnerre provoqué par la libération, à quatre jours du scrutin, du 2ème candidat qualifié pour la présidentielle, Nabil Karoui, président de “Qalb Tounes” (cœur de Tunisie), qui a raflé, le 6 octobre dernier, 38 sièges dans le futur parlement, le résultat du second tour de la présidentielle de dimanche n’est pas connu d’avance.

En dépit du grand soutien dont est crédité le candidat indépendant Kais Saied, qui a mené une campagne silencieuse, solitaire et avec peu de moyens, sa victoire n’est pas acquise d’avance.

Il n’est pas exclu que Nabil Karoui renverse le dimanche Kais Saied à la faveur d’une plus forte mobilisation, d’une plus grande participation du corps électoral qui a boudé massivement les urnes lors des législatives avec un taux d’absentéisme qui avoisine les 60%.

Cette indécision a été renforcée par le sentiment mitigé qui a résulté du débat télévisé qui a réuni vendredi soir les deux candidats et qui a été retransmis en direct. En ne voulant pas abattre toutes leurs cartes, les deux candidats n’ont pas convaincu et ont laissé une chance leur échapper pour monter à 48 heures du scrutin au créneau.

Ils se sont contentés de reprendre les grands slogans qu’ils ont lancé sur des sujets divers se rapportant sur la sécurité nationale, les orientations de la diplomatie, les choix économiques et sociaux, les grandes réformes et initiatives qu’ils comptent entreprendre, sans séduire et encore moins sans pouvoir trouver de bons arguments.

Le caractère imprévisible du scrutin se perçoit également dans les dissensions des familles politiques dont l’appui qu’ils ont porté aux deux candidats risque de ne pas être suivi le jour J.

Manifestement outre la difficulté de prononcer un pronostic fiable sur les chances de chacun des deux candidats, il faut admettre que ce scrutin est considéré par de nombreux observateurs comme “atypique”. La course vers le palais de Carthage (siège de la présidence de la république) pourrait propulser, dans les derniers mètres, un candidat que les sondages ne le donnaient pas grand favori.

Cela tient au fait au profil des deux prétendants dans cette finale inédite mais aussi et surtout à la perception dégagée par leurs déclarations, leur conduite de leur campagne ou la qualité des programmes qu’ils ont présentés.

L’ascension de ces deux hommes a constitué, le 15 septembre dernier, lors du premier tour de la présidentielle, un véritable tsunami politique, qui s’est soldé par l’éviction ou plutôt la sanction infligée à la presque totalité des partis traditionnels qui ont payé le prix fort de leur bilan calamiteux et marqué l’émergence d’une nouvelle classe politique qui a pu gagner l’estime des électeurs en agissant autrement.

C’est le cas de Kais Saied, professeur de droit constitutionnel âgé de 62 ans, qui s’est présenté dans cette course sans parti politique, sans mobiliser de grands moyens dans sa campagne empreinte de beaucoup d’austérité.

Son ascension surprenante a résulté de l’appui qu’il a trouvé sur les réseaux sociaux par une jeunesse qui a cru en son discours, son honnêteté en faisant relayer les messages du candidat via “Facebook”, “Twitter” qui ont prouvé leur influence dans un pays qui compte près de huit millions de comptes sur ce réseau pour une population d’à peine onze millions.

Ce conservateur assumé a séduit les jeunes surtout en proposant de revenir aux origines de la révolution et s’engageant à répondre aux aspirations des Tunisiens les plus élémentaires en termes d’éducation, de santé, de protection sociale et de refonte du système politique à travers le développement des pouvoirs locaux.

Candidat anti-système, Kais Saed est connu par sa discrétion, sa réserve face aux médias, mais aussi par ses prises de position peu orthodoxes. Quelques jours avant les législatives, il a soutenu que “cette élection ne nous concerne pas”. Remettant en cause le principe de l’élection des députés au suffrage universel, il estime que les partis ont trahi la révolution par leurs querelles interminables et préconise une mise à bas du système, une révolution par les urnes.

Il refuse de formuler de promesses estimant qu’il “ne vend pas des rêves”, préférant se promener incognito dans les rues et s’entretenir avec les citoyens.

Le deuxième candidat Nabil Karoui, a trouvé un écho auprès des Tunisiens qui vivent dans la précarité. Durant deux ans, il a sillonné les régions du pays à coup d’action humanitaire aux relents populistes, profitant de la faiblesse de l’Etat et de la désintégration de “Nidaa Tounes”, pour remplir le vide crée. Le mois qu’il a passé en prison était pour lui “difficile” mais également profitable. Sa campagne menée tambour battant par sa femme a retenu l’attention et lui a procuré un élan de sympathie.

Il déclare que son incarcération abusive lui a coûté plusieurs points dans les résultats de la présidentielle et des législatives. Il a déclaré, non sans amertume, aux médias : ” j’ai perdu 10 points pour la présidentielle à cause de mon emprisonnement”. Il ne s’avoue pas pour autant abattu.

Pour lui, les idées de “Qalb Tounes” “sont des idées de gauche”. “C’est un parti qui défend les gens qui n’ont plus de quoi manger, de quoi boire, de quoi éduquer leurs enfants. Cela reprend les idées nobles de la gauche”, explique-t-il.

Il se défend d’être populiste ou d’avoir investi l’action associative qu’il a entrepris depuis maintenant plus de deux ans, estimant que “ce n’est pas du populisme. La politique c’est de répondre à la volonté des citoyens”.

Nabil Karoui ne ménage pas pour autant son concurrent, faisant valoir que Kais Saied est l’une des armes d’Ennahdha (parti islamiste), affirmant ne pas être sûr que celui-ci pourra se tenir contre le parti dirigé par Rached Ghannouchi et ses alliés afin de créer l’équilibre.

Face au flou persistant, les réactions des partis politiques, confuses et contradictoires, ont apporté une autre couche rendant toute visibilité incertaine. Le Mouvement “Ennahdha” dont le candidat a essuyé un échec lors du premier tour, a été le premier à apporter un soutien franc et inconditionnel à Kais Saied. Dans le communiqué qu’il a publié, le parti islamiste a annoncé avoir choisi de soutenir le choix du peuple.

Le Parti unifié des patriotes démocrates (gauche) a appelé à voter pour le même candidat. Le parti, tenant à la Constitution, à la pluralité politique, aux droits et libertés et militantisme pour réaliser les demandes économiques et sociales du peuple, appelle les Tunisiens à voter pour Kais Saied au second tour de l’élection présidentielle.

Ce parti considère que Karoui représente “l’ancien système et ses lobbies corrompus”.

Par ailleurs, l’ancien président de l’Assemblée nationale constituante et ancien secrétaire général d’”Ettakatol”, Mustapha Ben Jaâfar, a appelé les électeurs à voter pour le candidat au second tour de la présidentielle Kaïs Saïed.

Il estime que “pour beaucoup d’entre vous, il n’est peut-être pas le meilleur mais il reste le plus apte compte tenu des résultats des élections législatives et de la mosaïque qui en a résulté ainsi que des défis de la prochaine étape”.

Pour sa part, le conseil national du mouvement “Tahya Tounes” a décidé de laisser la liberté de choix à ses partisans pour élire l’un des deux candidats.

Pour le Parti des travailleurs, il appelle au boycott du 2ème tour et “à ne pas légitimer un processus électoral entaché de violations et d’ambiguïtés et un futur président qui ne fournit aucune garantie pour l’avenir de la Tunisie et son peuple”.

De son côté, le parti “Amal Tounes”, dirigé par Selma Elloumi, a appelé ses partisans à voter pour le candidat Nabil Karoui justifiant ce choix par la qualité du “programme présenté qui donne la priorité aux réformes économiques et sociales et qui veut faire triompher les libertés”.

La même position a été adoptée par la présidente du Parti Destourien Libre (PDL), Abir Moussi, qui a appelé, vendredi, ses partisans à ne pas voter pour Kais Saied. Elle affirme que “Le PDL ne peut pas soutenir le terrorisme, le chaos, les gens qui ne reconnaissent pas l’Etat, qui menacent le modèle républicain, bourguibiste, moderniste et civil”.

Il faut rappeler que d’ores et déjà toute la logistique est mise en branle par l’ISIE (instance supérieure indépendante des élections) avec l’installation de 13.450 bureaux de vote à l’intérieur du pays et 384 bureaux à l’étranger et la mobilisation d’une armée d’observateurs tunisiens et internationaux censés assurer la transparence de ce scrutin.

Il ne reste plus qu’à attendre le verdict des urnes et surtout la réaction des Tunisiens et leur mobilisation pour conférer légitimité et réussite à cette échéance électorale.

Quand le nouveau président de la République, qui sera élu dimanche 13 octobre, sera investi au plus tard le 30 octobre prochain, bien des zones d’ombre sur pas mal d’apriori seront levées notamment au sujet de la coalition avec laquelle il va présider aux destinées du pays.

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