Agriculture: Le protectionnisme du Kenya suscite la rage des agriculteurs est-africains
-Par : Abdelouahed Labrim-
Nairobi – La politique protectionniste suivie par les autorités kényanes empêchant l’entrée dans le pays de certains produits agricoles en provenance de pays d’Afrique de l’Est, comme le maïs ougandais et Tanzanien, a été critiquée par les agriculteurs de la région qui disent être pris au dépourvu par cette décision unilatérale du gouvernement sans consultation aucune des opérateurs du secteur.
La Fédération des agriculteurs d’Afrique de l’Est (EAFF) estime ainsi que le Kenya doit arrêter les politiques qui restreignent le commerce régional. Cette réaction intervient suite à l’interdiction ce mois-ci des importations de maïs en provenance de l’Ouganda et de la Tanzanie, que l’Autorité kényane pour l’agriculture et l’alimentation (AFA) a jugé impropre à la consommation humaine en raison de niveaux élevés d’aflatoxines.
Le lait ougandais avait déjà été touché d’une interdiction d’exportation par le Kenya, une décision qui a frappé le secteur laitier du pays voisin avec le licenciement d’au moins 1500 employés. Cette mesure a été imposée après plusieurs plaintes des agriculteurs kényans concernant l’afflux de lait ougandais, qui avait vu un litre toucher le creux historique de 17 shillings.
Le Kenya avait alors confisqué des milliers de tonnes de lait en provenance de l’Ouganda avant d’arrêter les importations de ce produit.
“Nous pensons que le Kenya commence à pratiquer des politiques protectionnistes sans même consulter ses propres parties prenantes et acteurs du secteur agricole. Nous sommes préoccupés par la manière dont l’interdiction a été mise en œuvre, sans consultation aucune, en particulier les agriculteurs”, s’est insurgé Stephen Muchiri, PDG du groupe de l’EAFF
Le Kenya, qui est la puissance économique de la région, avait eu des précédents avec la Tanzanie où, en septembre 2018, il a riposté à son voisin en imposant de nouveaux tarifs sur des produits tanzaniens comme la farine.
C’était après que le pays voisin eut ignoré un accord qui accordait au chocolat, à la crème glacée, aux biscuits et aux bonbons fabriqués au Kenya une entrée sans restriction sur son marché.
Les tensions commerciales entre le Kenya et l’Ouganda ont aussi augmenté ce mois-ci après que l’AFA, ait interdit, le 05 mars dernier, ses exportations de maïs dans le pays, l’Ouganda ripostant en décourageant les importations en provenance du Kenya.
La semaine dernière, l’EAFF a conduit les parties prenantes du secteur agricole, y compris des coopératives, des agriculteurs, des experts et des responsables gouvernementaux de la région, à discuter des défis et d’une voie à suivre principalement sur le secteur du maïs et des produits laitiers, un forum d’une semaine qui s’est tenu à Nairobi.
Les incohérences et l’imprévisibilité des politiques gouvernementales affectent le secteur et “chassent” les investisseurs de la région, souligne M. Muchiri, ajoutant que les restrictions commerciales sont contre le traité de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), la Tanzanie menant le lot sur les interdictions qui remontent aux années 1960.
L’Ouganda est le seul marché régional clé qui n’a jamais interdit les importations en provenance de ses voisins, note la Fédération.
“L’Ouganda n’a jamais interdit quoi que ce soit parce que nous nous tournons vers un marché libéral”, a déclaré Consolata Acayo, commissaire du ministère ougandais de l’agriculture, de l’industrie animale et des pêches (MAAIF).
Elle a ajouté que cette décision affectait toute une chaîne allant des agriculteurs, des transporteurs, des commerçants aux consommateurs, non seulement en Ouganda mais aussi au Kenya, appelant à de meilleures relations entre les États partenaires de la CAE.
“En tant que gouvernement, nous voulons être dans le cadre de l’intégration régionale. Nous voulons travailler avec d’autres États membres de la CAE. Nous ne sommes pas seulement des partenaires, mais nous sommes aussi des amis, des frères et sœurs et des voisins. Nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres. Nous dépendons les uns des autres”, a-t-elle noté.
Elle a appelé les gouvernements et le secteur privé à se concentrer sur la valeur ajoutée dans le secteur agricole, notant que la région exporte davantage de ses matières premières et finit par acheter des produits finis et des prix plus élevés.
Pour sa part, la présidente de l’EAFF, également présidente de l’Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO), Elizabeth Nsimadala, a exhorté les gouvernements à créer un environnement propice à la croissance du secteur agricole, au commerce régional et aux investissements.
Elle a également exhorté les agriculteurs à s’assurer qu’ils respectent les normes requises pour les aliments, non seulement pour l’exportation, mais aussi pour les produits consommés localement.
Dimanche dernier, le ministre kényan de l’Agriculture, Peter Munya, a déclaré que personne n’avait interdit l’importation de maïs dans le pays, notant que le problème concerne des niveaux élevés d’aflatoxine dans le maïs en provenance des deux pays.
“On ne peut pas interdire le commerce en Afrique de l’Est, mais nous devons nous assurer quand même que les normes déjà reconnues dans nos protocoles sont respectées”, a-t-il précisé.
L’Ouganda exporte au moins 90 pc de son maïs vers le Kenya, avec une moyenne cumulée de 330.620 tonnes.
Durant l’année 2020, les exportations de maïs de l’Ouganda se sont élevées à 351 420 tonnes avec une moyenne mensuelle de 50 203 tonnes.
L’Ouganda reste en plus le principal partenaire commercial du Kenya dans la région, représentant 28,6% de ses exportations totales vers l’Afrique.
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