Eskom: cette lame qui fait chanceler l’Afrique du Sud

Eskom: cette lame qui fait chanceler l’Afrique du Sud

jeudi, 21 mars, 2019 à 11:53

Par Abdelghani AOUIFIA

Johannesburg – Se battant depuis des années dans un ralentissement économique alarmant, l’Afrique du Sud se trouve actuellement confrontée à une crise de l’électricité qui tient tout le pays en haleine, sapant tout effort de décollage.

Au cœur de cette crise se trouve Eskom, l’entreprise publique de l’électricité. Minée par une grave crise financière, résultat de plusieurs années de corruption et de mauvaise gouvernance, la compagnie opère actuellement de vastes opérations de coupure du courant, qui plonge le pays dans le noir, accentuant l’incertitude qui enveloppe les perspectives de cette économie, comptée parmi les plus industrialisées du continent africain.

Entamées en février dernier, les fréquences de ces coupures ont été augmentées la semaine dernière, compliquant le quotidien des Sud-Africains. Les éléments essentiels de tous les jours, allant de la connectivité Internet aux réseaux de téléphonie mobile, en passant par les feux de signalisation et les services bancaires électroniques, sont en panne pendant des heures, ce qui entrave les activités commerciales.

Le gouvernement semble dépassé par la crise, refusant de fixer une date pour la fin des délestages. Il faudrait au moins deux ans pour résoudre le problème, a indiqué le ministre des Entreprises publiques, Pravin Gordhan, soulignant: «Nous comprenons la frustration. Nous n’avons pas de formule magique», a dit le ministre.

Les propos du ministre en charge du dossier d’Eskom résument tout le dilemme dans lequel se trouve le gouvernement, dirigé par l’ANC depuis 1994.

Les acteurs économiques sont montés au créneau pour demander une solution rapide. Si les opérateurs de la téléphonie mobile se plaignent de perturbations des réseaux qui sapent leurs investissements colossaux, les constructeurs automobiles mettent, quant à eux, en garde que leurs ventes, déjà affaiblies dans un environnement économique qui tourne au ralenti, seront sabrées davantage.

Les analystes de la place financière de Johannesburg soulignent que la situation ne sert point les intérêts du pays arc-en-ciel.

La banque américaine Merrill Lynch a fait savoir, dans ce contexte, que les délestages poussent les investisseurs à mettre en veilleuse leurs projets d’investissement dans le pays.

La réaction des investisseurs porte, sans doute, un coup dur aux plans du président Cyril Ramaphosa, qui a pris, depuis son arrivée au pouvoir en février 2018, son bâton de pèlerin, sillonnant le monde en quête d’investissements étrangers, condition sine qua non pour le décollage économique du pays.

Il avait lancé une stratégie visant à drainer 100 milliards de dollars d’investissements durant les cinq prochaines années. Cependant, avec la crise de l’électricité et l’incertitude qu’elle engendre, cette stratégie commence à paraître pour le moins trop ambitieuse.

Sur un plan global, les délestages, en cas d’enlisement, devraient plonger le pays dans une nouvelle récession, si l’on croit les estimations de la banque américaine Merrill Lynch.

Dans une précédente estimation, la banque avait indiqué que l’Afrique du Sud devrait enregistrer une croissance de 1,3 pc en 2019 contre seulement 0,8 pc en 2018. Le taux de 1,3 pc pour l’année en cours semble s’éloigner en raison des délestages, a dit l’institution.

L’optimisme suscité par l’arrivée au pouvoir du président Ramaphosa commence à s’évaporer en raison de cette crise, explique John Morris, directeur de stratégie au sein de Merrill Lynch-Afrique du Sud, soulignant que l’Afrique du Sud a besoin de mettre en œuvre de profondes réformes structurelles.

Force est de constater qu’une récession repoussera aux calendes grecques les objectifs du gouvernement de résorber les énormes déficits sociaux dont souffre l’Afrique du Sud. Ceux-ci se résument en un chômage affectant plus de 27 pc de la population active, une pauvreté plombant plus de la moitié d’une population d’environ 58 millions d’âmes et des disparités sociales parmi les plus graves au monde.

Eskom, devenue à présent le talon d’Achille de l’économie sud-africaine, figure pourtant dans le top 10 mondial des compagnies électriques en termes de production et de distribution. La compagnie, entièrement contrôlée par l’Etat, fournit 90 pc de l’énergie consommée dans le pays arc-en-ciel.

Pendant de longues décennies après sa création en 1923, Eskom a été un fleuron de l’économie sud-africaine, jouant le rôle de moteur de développement, non seulement du pays, mais de toute la sous-région d’Afrique australe.

La descente en enfer de la compagnie a commencé dès 2005, en raison notamment du manque de compétences nécessaires et du vieillissement de ses centrales fonctionnant à base de charbon. La crise allait s’aggraver sous le coup de la corruption, qui a gangréné la quasi-totalité des entreprises étatiques sous le mandat de l’ancien président Jacob Zuma (2009-2018).

La compagnie est au bord de l’effondrement financier, une tempête qui pourrait emporter toute l’économie du pays. L’Etat, appelé à gérer le ralentissement économique, continue de repousser tout plan de sauvetage de l’entreprise, garantissant ses dettes qui s’élèvent à environ 30 milliards de dollars.

Les analystes estiment que les racines de la crise d’Eskom sont intimement liées à la politique générale poursuivie par l’ANC depuis la fin de l’apartheid. Une politique qui sera mise à rude épreuve à l’occasion des élections générales, prévue dans le pays le 8 mai prochain.

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