Nouveaux variants du Covid-19: Cinq questions à Salah Dine Qanadli, professeur à l’Université de Lausanne

Nouveaux variants du Covid-19: Cinq questions à Salah Dine Qanadli, professeur à l’Université de Lausanne

vendredi, 15 janvier, 2021 à 13:46

-Propos recueillis par Taoufik El Bouchtaoui-

Genève – Alors que les annonces s’enchainent sur le front des vaccins contre le nouveau coronavirus, éveillant l’espoir de l’opinion publique internationale de voir disparaître la pandémie, l’irruption de nouveaux variants du Covid-19 et leur propagation rapide sèment l’inquiétude et suscitent un flot d’interrogations, bien que les premières informations se veulent rassurantes sur la virulence et la dangerosité de ces variants et sur la réponse immunitaire apportée par les vaccins.

Dans cet entretien à la MAP, M. Salah Dine Qanadli, professeur à l’hôpital universitaire de Lausanne, qui a contribué à plusieurs travaux et recherches sur le nouveau coronavirus, aborde différents aspects liés au processus de mutation du Covid-19, et à son impact sur la transmissibilité du virus, la pathogénicité de la maladie, et l’efficacité des vaccins mis au point, outre les projections pour atteindre l’immunité collective tant souhaitée pour enrayer la pandémie.

Q: Les nouveaux variants du coronavirus préoccupent l’opinion publique internationale. Que signifie la mutation d’un virus?

R: Pour simplifier les choses, la mutation est un changement qui se fait sur le code génétique du virus, par le remplacement d’un acide aminé par un autre. Ce phénomène s’opère de manière aléatoire. Il s’observe sur tous les virus et fait partie de leur mode évolutif habituel. Il est donc tout à fait normal que le virus mute et la plupart des mutations se produisent dans des segments du code génétique qui ont peu ou pas de conséquences sur les propriétés du virus. En revanche lorsqu’une mutation touche un segment qui est responsable du codage de la protéine (protéine S ou Spike en anglais) qui permet au virus d’aller sur le récepteur de la cellule, d’entrer dedans et de l’infecter (domaine du récepteur), les propriétés du virus se trouvent modifiées avec des conséquences cliniques potentielles. Les mutations qui touchent ce segment (domaine du récepteur dans la protéine S) créent des variants dits d’intérêt (VOC en anglais) qui peuvent modifier la transmissibilité par exemple du virus. Toute modification dans la protéine S est évidemment très importante à observer puisque c’est elle qui fait que le virus peut entrer ou pas dans une cellule et peut le faire plus ou moins facilement. C’est aussi le même segment qui confère au virus la capacité d’interagir avec les anticorps, c’est-à-dire les défenses immunitaires qu’on va développer, ce qui lui permet de résister à ces défenses en modifiant plus ou moins cette protéine. Le SARS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19, a subi depuis son émergence il y a plus d’un an de nombreuses mutations. Certaines de ces mutations ont touché cette partie sensible qu’on appelle la protéine S qui est responsable du codage de ce segment et qui permet au virus de se lier directement à son récepteur et de rentrer dans la cellule. Par exemple, la mutation N501Y (observée initialement en Grande Bretagne et en Afrique du sud) a modifié le comportement du virus, qui peut désormais infecter les cellules, s’y multiplier et se transmettre plus facilement.

Q: Le processus de mutation diffère-t-il d’un virus à l’autre?

R: Tous les virus étant assujettis à des mutations, la différence réside dans la rapidité de ces mutations. En effet, certains virus mutent rapidement et d’autres plus lentement. Cela se passe comme si par cette évolution naturelle, les virus cherchent à se protéger et à se multiplier pour continuer à exister et à résister le plus longtemps possible. S’agissant du SARS-CoV-2, il mute plus lentement que d’autres virus, comme le VIH ou les virus grippaux.

Q: Faut-il s’inquiéter de ces mutations?

R: Tant que les mutations ne touchent pas de manière directe les défenses, il n’y a pas de raison d’inquiétude. En théorie la mutation devient problématique lorsqu’elle s’opère au niveau du segment qui empêcherait la résistance ou le développement des anticorps. En réalité cette hypothèse reste improbable car il faudrait plusieurs mutations qui touchent le même segment et confèrent des propriétés convergentes pour s’inquiéter. Une mutation peut aider le virus à résister aux traitements monoclonaux, c’est-à-dire des traitements faits avec des anticorps monoclonaux. En revanche, une mutation ne serait pas suffisante pour annihiler les effets des vaccins tels qu’ils sont conçus aujourd’hui. Tous les vaccins disponibles actuellement sont polyclonaux, et sont dirigés contre plusieurs protéines et plusieurs segments du virus.

Les mutations constatées jusqu’à présent sur les variants du Covid-19 n’ont eu qu’un seul effet cliniquement mesurable, en ce sens qu’elles sont associées à une augmentation de la transmissibilité, mais sans aucun effet sur la gravité, ni preuve ou crainte sur une éventuelle évasion immunitaire c’est-à-dire sur la résistance.

Cependant, cette augmentation de la contagiosité peut poser de sérieux défis en termes d’organisation et de prise en charge des patients au niveau des services de santé qui se trouveront soumis à une forte pression. C’est là des inquiétudes indirectes liées à la mutation actuelle du virus.

Q: Ces mutations risquent-elles d’altérer l’efficacité des vaccins anti-Covid?

R: Pour le moment, rien n’indique que ces mutations observées mettent en cause l’efficacité des vaccins développés, parce que ces vaccins sont dirigés contre plusieurs segments du virus et pas contre un seul segment. C’est la même chose pour les test PCR qui ont aussi plusieurs cibles au niveau des virus; si l’une d’elle change, les autres composantes des variants resteront en principe à leur portée.

Cela dit, la mutation reste un phénomène aléatoire, qui, s’il se poursuit, pourrait engendrer un niveau élevé de modification génétique susceptible de conférer de nouveaux avantages aux virus qui peuvent devenir problématiques pour les vaccins, bien que ce risque semble très faible.

Q: Les vaccins, qui sont distribués actuellement dans le monde, peuvent-ils favoriser une immunité collective dans un futur proche?

R: Pour atteindre une immunité collective, il faut avoir un nombre élevé de gens qui présentent des défenses, c’est-à-dire des anticorps. On parle dans ce cas d’une séroprévalence élevée qui est le seul moyen pour que le virus arrête de circuler. Ce nombre de patients qui doivent avoir une immunité pour freiner la propagation du virus, est variable d’une maladie à l’autre.

Une analyse de la situation épidémiologique depuis l’émergence de la pandémie, permet de constater que le virus se transmettait au début beaucoup moins rapidement que maintenant. Lorsque le virus se développe beaucoup plus rapidement, le nombre des personnes qui sont immunisées dans la population pour que l’on atteigne cette immunité collective va devenir beaucoup plus important.

Le fait que le virus se transmette aujourd’hui beaucoup plus vite, signifie probablement que les prévisions pour atteindre l’immunité collective vont être révisées à la longue parce qu’il faut qu’un nombre élevé de personnes soit immunisé.

D’autre part, il faut bien préciser que chaque politique de vaccination se fixe un calendrier pour atteindre un seuil d’immunité collective. Or, il se trouve que la première étape de cette mise en œuvre de la campagne de vaccination contre le Covid-19 a pris du retard dans beaucoup de pays. Et puisqu’on n’arrive pas à vacciner les gens selon le calendrier préétabli, les projections pour atteindre l’immunité collective seront de nouveau repoussées plus loin.

Il y a donc deux raisons principales qui permettent de penser que l’immunité collective ne va pas être atteinte dans un proche avenir: d’une part, le seuil d’immunité qui doit être plus élevé à cause de ce facteur de transmission rapide, et d’autre part, le retard dans les campagnes de vaccination.

Forcément, il faut s’attendre à ce que cette immunité soit atteinte dans le meilleur des cas vers le 4e trimestre de cette année, s’il n’y a pas d’autres facteurs ou aléas susceptibles de survenir dans les prochains mois.

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