Afrique du Sud: De Hillbrow à Alexandra, le quotidien amer fait de criminalité et de précarité

Afrique du Sud: De Hillbrow à Alexandra, le quotidien amer fait de criminalité et de précarité

vendredi, 19 octobre, 2018 à 10:28

.-Par Abdelghani AOUIFIA-.
Johannesburg – Thabiso Mawela s’empresse pour rentrer chez-lui avant la tombée de la nuit à Alexandra, un township situé non loin du centre de Johannesburg et compté parmi les zones les plus dangereuses de cette Afrique du Sud, rongée par la criminalité.

«Rentrer tôt est une de mes mesures de sécurité de base», indique ce père de 4 enfants, qui affirme avoir été victime de vol et d’agressions à plusieurs reprises dans ce township où se côtoient pauvreté et marginalisation.

L’insécurité est palpable de ce township, qui se situe, pourtant, à quelques encablures du très huppé quartier d’affaires de Sandton, cœur battant de Johannesburg, premier centre financier du continent africain.

Selon les chiffres officiels de 2018, pas moins de 90 meurtres ont été commis à Alexandra durant l’année jusqu’à mars dernier. Ceci sans compter les milliers d’autres crimes graves dont les viols, les agressions, les vols à main armée…

La hausse de la criminalité dans cette localité traduit la situation globale dans le pays. Pas moins de 56 meurtres sont commis par jour en Afrique du Sud, faisant de la Nation arc-en-ciel un des pays les plus dangereux au monde.

C’est un constat d’échec pour les autorités d’un pays que se bat dans une profonde crise ponctuée par de graves déficits sociaux, dont une pauvreté en hausse et des inégalités qui ne cessent de s’approfondir.

Ceci se passe aussi bien à Johannesburg, qui abrite le mile carré le plus riche du continent, qu’au Cap, destination de choix pour des millions de touristes.

Au CBD de Johannesburg, ancien cœur battant de la ville sous l’ancien régime de l’apartheid, se trouve un autre foyer de criminalité et de marginalisation: Hillbrow. Ce quartier, réputé pour sa forte densité de population et ses taux élevés de chômage, de pauvreté et d’insécurité, est le Harlem sud-africain par excellence.

«Il n’y a pas de travail. Je sens que la vie est un gâchis. Je me réveille le matin pour ne rien faire. Parfois, je suis tenté de commettre un crime, comme le trafic de stupéfiants, pour gagner un peu d’argent», indique David Motaung, un jeune de 20 ans.

Dans les années 1970, Hillbrow était un quartier riche et désigné «whites-only». Plus de deux décennies après la fin officielle de l’apartheid, il s’est transformé en une «no go zone» rongée par la criminalité. Il est l’un des quartiers les plus dangereux du pays, avec 98 meurtres en 2017-2018.

La nuit, les conducteurs, sous l’effet de la peur, ne s’arrêtent pas aux feux rouges d’Hillbrow. «C’est par sécurité», indique Motaung.

Déserté par les Blancs, Hillbrow est désormais envahi par les Noirs, en majorité des personnes issues des townships et des sans-papiers venant de plusieurs pays africains.

Les habitants du quartier déplorent l’absence de toute politique de développement dans leur région, une situation qui constitue le terrain fertile pour la dégradation sociale et la prolifération des crimes de tout genre.

«Les services de police sont pratiquement absents dans cette zone», indique Brian Khumalo, un activiste local qui milite en faveur des droits des communautés pauvres. «C’est une communauté brutalisée. Nous assistons à une culture de négligence qui dure depuis plusieurs années», regrette-t-il.

C’est cette culture de négligence qui suscite des mouvements de protestation devenus quasi-réguliers à Alexandra, Hillbrow ou toute autre localité marginalisée en Afrique du Sud.

«Ces mouvements sont destinés à envoyer un message à l’adresse du gouvernement que nous faisons partie du peuple de ce pays marginalisé pendant de longues années», indique Keith Duarte, activiste d’Eldorado Park, un quartier au sud de Johannesburg.

Les analystes estiment que la crise sociale en Afrique du Sud est en partie le legs de l’ère de la ségrégation raciale. «Il est courant de voir la criminalité augmenter dans les pays au passé douloureux», explique Anine Kriegler, de l’université du Cap, citant l’exemple de certains pays d’Amérique latine comme le Honduras.

Les chiffres montrent que la criminalité avait baissé en Afrique du Sud dans le sillage du démantèlement de l’apartheid en 1994 à la faveur notamment d’un regain de confiance dans le système judiciaire et la création d’une police nationale unifiée et multiraciale.

Cependant, la tendance a été inversée dès 2011, les efforts de lutte contre la criminalité étant paralysés par l’instabilité de la direction des forces de l’ordre sous l’ancien président Jacob Zuma, lui-même personnellement impliqué dans une série de scandales politico-financiers.

Le ralentissement économique, avec son lot en termes d’aggravation du chômage et de la pauvreté, a accentué la montée de la violence.

Cyril Ramaphosa, qui a succédé à Zuma en février dernier, s’est engagé à endiguer la criminalité. Pour ce faire, le locataire de l’Union Buildings, quartier général du gouvernement à Pretoria, veut redynamiser une croissance inclusive et créatrice d’emplois, rétablir la justice sociale et interdire le port d’armes. Autant de mesures qui prendront sans doute du temps pour se concrétiser.

Entre-temps, pour Mawela, le jeune père du township d’Alexandra, le rêve de vivre dans une Afrique du Sud sûre et accueillante s’éloigne de plus en plus.

 

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