Complexe Noor Ouarzazate: Que la lumière soit ! Et la lumière fut (reportage)

Par Houcine MAIMOUNI-

Ouarzazate – Au complexe solaire Noor Ouarzazate, des milliers de panneaux paraboliques tendent le cou vers la lumière, avec les premiers rayons du soleil. Telles des pétales de roses, en ce début de journée automnale, de géants miroirs cylindriques se débarrassent lentement des rosées du matin.

Vu de l’intérieur, ce site de plus de 3400 ha, l’équivalent de la taille de Rabat, se présente comme un entrelacs de cylindres de plus de quatre mètres de hauteur s’échelonnant à vue d’œil sur sept plateformes qui défilent, en cascades, le long d’un plateau uniforme, choisi pour son ensoleillement exceptionnel.

Nous sommes dans la plus grande station solaire au monde.

Sis au pied des contreforts sud de la chaîne de l’Atlas, à 10 km environ au nord-est sur la route allant vers Errachidia, le site livre au regard une interminable succession de tuyaux, conduites et panneaux qui, tel un intelligible labyrinthe, mène vers la lumière.

“Le principe est simple: Ces cylindres paraboliques sont orientés à partir d’une tour de contrôle pour suivre le mouvement du soleil, un peu comme des tournesols. La chaleur dégagée fait tourner des turbines et l’énergie est ainsi générée”, nous explique laconiquement un technicien sur place.

Pour ce faire, des ouvrages hydrauliques ont été prévus au Barrage Mansour Dahbi qui, du coup, se voit investi d’une nouvelle mission. Dans la foulée, des zones jadis escarpées et difficiles d’accès opèrent une profonde mue. Les hommes aussi.

Ainsi en est-il d’Anouar Maghraoui, licencié en droit, originaire de la ville de Tinghir, qui se félicite de l’impact positif de ce projet en termes de création de postes d’emploi, émettant l’espoir de voir éclore d’autres projets d’envergure dans la région.

Mohamed Ifrassen, président de la commune de Ghassate, dont relève le site, a très tôt senti l’importance de ce projet qui, lancé par SM le Roi Mohammed VI en novembre 2009 pour un investissement de plus de 72 MMDH, ambitionne, avec d’autres sources d’énergies renouvelables, de couvrir près de 42 pc de la consommation électrique, d’ici 2020.

Pour lui, Ghassate, qui détenait un des records les moins reluisants en termes de développement en raison de la succession d’années de sécheresse, est promise à un essor multiforme et sans cesse croissant (équipement, éducation, routes, santé, tourisme, etc.)

A Tasselmante, le douar le plus proche, l’enthousiasme est palpable, l’engagement est patent, les espérances et les attentes aussi. Expression d’un intérêt marqué pour un projet qui, après avoir pris racine, livre désormais ses primeurs, les langues se délient, les témoignages fusent, se succèdent et ne se ressemblent pas.

Pour Khalid, un jeune de 28 ans employé d’une entreprise de la place, les premiers effets d’entrainement du projet sont là et bien palpables, en l’occurrence la construction de la route et les programmes de soutien agricole à la population locale (projets d’élevage, aménagement des séguias, réhabilitation des palmiers dattiers).

Même son de cloche du côté de l’imam de la Mosquée Mohamed Mouawakkil ou de Lahcen Aguenjay, un des habitants du douar, pour qui le projet Noor est en passe d’opérer une transformation en profondeur de leur village, quoique “beaucoup reste encore à faire”. Mieux, Mouh Ouâali, du haut de ses 65 ans, se dit prêt à accompagner la dynamique enclenchée en proposant ses services.

Qu’à cela ne tienne, nuance Younes Belahsen, doyen de la Faculté polytechnique d’Ouarzazate, ces assertions témoignent, par leur spontanéité-même, de la volonté d’une population de s’approprier un projet auquel elle adhère.

Il précise que la Faculté a mis en place, dès 2009, des filières spécialisées en énergies renouvelables, ingénierie-programmation et informatique qui connaissent un engouement particulier. Résultat: 147 lauréats, dont une partie a déjà conclu des contrats de travail.

Pour Zoubir Bouhoute, directeur du Conseil provincial du tourisme, l’impact immédiat de ce projet d’envergure est indéniable sur l’activité touristique (hébergement, restauration, location de voitures, etc.), mais aussi et surtout sur le long-terme, puisqu’il a réussi à médiatiser à nouveau Ouarzazate à l’international.

Il en veut pour preuve l’organisation de grands événements, forums et festivals articulés autour de la thématique du solaire avec la participation de la fine fleur de spécialistes, opérateurs économiques, acteurs et artistes de renommée mondiale.

Alors que les travaux de terrassement continuent sur les chantiers de la centrale solaire, à Ouarzazate on évoque déjà, pêle-mêle, l’idée d’un circuit touristique solaire, de visites scientifiques, d’un marathon solaire et bien d’autres.

Terre hantée d’histoires et de légendes qui en font désormais une destination d’écotourisme par excellence, théâtre incontesté du ciné-tourisme, le Hollywood de l’Afrique, qui a vu le tournage de dizaines de productions bibliques ou de mythologies, n’aura pas, de sitôt, cessé de livrer toutes ses merveilles.

La nuit tombe, mère Nature reprend ses droits. Les curieux cylindres paraboliques, à l’instar d’une géante orchidée, reprennent leur position fœtale; en attendant une nouvelle journée avec Apollon.