Les Polonais peu enthousiastes pour l’adoption de l’Euro

Par Abdellah AKDIM

Varsovie – Les Polonais qui ont accueilli chaleureusement l’adhésion de leur pays à l’Union Européenne le 1 er mai 2004, sont peu enthousiastes, neuf ans plus tard, pour l’adoption de la monnaie unique européenne.

Les résultats d’un récent sondage publié par le quotidien Rzeczpospolita (La respublica), font ressortir que 62 pc des polonais rejettent l’adhésion à la monnaie européenne, alors que 32 y sont favorables et 6 pc n’ayant pas d’opinion sur la question.

Ce rejet s’explique en grande partie par la crainte des scénarios des crises qui ont frappé Chypre et la Grèce ayant mis ces deux pays au bord du précipice.

Les Polonais appréhendent également une hausse des prix qui a accompagné l’adoption de la monnaie unique dans la majorité des Etats membres de l’UE. Le Zloty (la monnaie nationale), a encore de beaux jours devant lui. Les Polonais, contrairement aux Russes, aux Ukrainiens et aux Biélorusses, n’ont pas adopté le dollar ou l’Euro en monnaie parallèle, d’où leur peu d’engouement des pour les devises étrangères et les bureaux de change qui se font discret dans la capitale. Le Zloty est convertible dans l’espace européen, ce qui permet aux Polonais de voyager et se déplacer sans restrictions monétaires.

Les dirigeants polonais, eux aussi, ne sont pas pressés d’adopter la monnaie européenne. S’ils affirment volontiers que cela demeure un objectif, ils ne s’empêchent pas de repousser l’échéance. Le président polonais, Bronislaw Komorowski, a récemment déclaré que la Pologne prendrait la décision sur son adhésion à la zone euro après 2015. Moins optimiste, le premier ministre, Donald Tusk (libéral), a été plus direct en affirmant que la Pologne ne pourra pas adopter l’euro avant plusieurs années, notamment parce que le passage à la monnaie européenne requiert une révision de la Constitution.

Dans un long entretien accordé au quotidien Gazeta Wyborcza (la gazette électorale), M. Tusk, dont la popularité est en baisse dans les sondages en raison de la crise qui frappe le pays, n’est pas sûr d’obtenir une réforme de la Constitution par le parlement où il lui faut la majorité des deux tiers.

“Nous ne disposons pas de la majorité requise pour cela, ni actuellement, ni, selon mon intuition, dans le futur parlement”, élu pour quatre ans, a reconnu le chef du gouvernement.

Selon la Constitution polonaise, la majorité des deux tiers est requise pour apporter des changements à la loi fondamentale en vertu de laquelle seule la banque centrale de Pologne (NBP) peut décider de l’émission de la monnaie sur le territoire de ce pays. Or, avec l’entrée dans la zone euro, ce rôle reviendrait à la Banque centrale européenne (BCE).

Pour le premier ministre, l’adoption de l’euro reste un objectif de la Pologne, mais la perspective reste “lointaine”.

Face à cette situation, le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, a indiqué que l’adhésion de son pays à la monnaie européenne ira bien au-delà de 2016, date à laquelle les dirigeants espéraient initialement voir la Pologne adopter l’Euro.

En dépit de la crise internationale, la Pologne avec ses 38 millions d’habitants, est de loin la plus grande économie parmi les anciens pays communistes devenus membres de l’UE. Elle est le seul pays parmi les 28 autres états de l’UE à continuer à avoir une croissance économique tout au long de la crise surgie en 2008. Pour ne pas être écartée des décisions du noyau dur que représentent de plus en plus les 17 membres de la zone euro, Varsovie a adhéré au pacte budgétaire européen, histoire d’éviter une marginalisation qui menace les pays non membres de la zone euro.