Les yeux rivés vers le Royaume-Uni

Les yeux rivés vers le Royaume-Uni

mardi, 21 juin, 2016 à 13:02

Par Mohammed Badaoui

 

    Rome – A l’instar des autres pays européens, l’Italie suit de près, mais non sans préoccupation, l’évolution de la situation en Grande-Bretagne qui s’apprête à organiser un référendum, jeudi, pour décider si elle veut toujours faire partie de l’Union européenne ou pas.

    Au fil des jours, le Brexit, drôle de mot pour nombre d’Italiens, remplit les colonnes des journaux de la péninsule. Analystes, économistes et autres experts dans les Affaires européennes tentent depuis des semaines d’éclaircir l’opinion publique locale mettant en relief les enjeux d’une telle consultation populaire. Ainsi, ils sont unanimes à souligner “les conséquences imprévisibles” sur les plans économique et politique d’une sortie du Royaume Uni aussi bien pour ce pays que pour le reste de l’Europe voire même au-delà.

     Ces analystes estiment qu’une sortie de Londres de l’UE, impacterait largement l’Italie, faisant observer que souvent synonyme de terre promise pour trouver du travail, le Royaume-Uni en cas de Brexit fermerait la porte à de nombreux candidats étrangers dont un grand nombre d’italiens. De nombreux britanniques partisans du Brexit pointent du doigt la grande facilité d’accueil des étrangers et le fait que ceux-ci volent le travail de nombreux chômeurs britanniques.

     Plusieurs sociétés de la City, le quartier d’affaires de Londres, habituées à recruter des cerveaux du monde entier envisagent donc en cas d’une victoire du “oui” au référendum de transférer leur quartier général dans d’autres villes européennes comme Dublin, Amsterdam ou Milan, au nord de l’Italie, ont-ils relevé.

      Du côté des étudiants, chaque année quelque 5.000 Italiens franchissent la Manche pour aller étudier dans les universités anglaises. Le Brexit pourrait entraîner une dépréciation de la livre sterling et une augmentation des frais universitaires. Le coût de la vie étant déjà cher à l’étranger et encore plus chez les Britanniques, une augmentation du coût d’apprentissage pourrait décourager de nombreux étudiants. Une sortie de l’UE signifierait également la fin de la libre circulation en Grande Bretagne pour les ressortissants des États membres. Un visa serait donc nécessaire, faisant grimper encore un peu plus la facture d’un séjour à l’étranger.

       Sur le plan économique, actuellement, l’Italie a une balance commerciale positive de 12 milliards d’euros avec Londres. Le Royaume-Uni exporte 2,8 pc de sa production vers l’Italie et importe 3,7 pc de la production de la péninsule. Du fait de la présence des deux pays dans l’Union européenne, les marchandises circulent librement, facilitant grandement les échanges et renforçant leurs relations commerciales. L’Angleterre investit 24 milliards d’euros en Italie qui, en contrepartie en investit 13,9 milliards en Angleterre.

       Une victoire du “oui” au référendum signifie la réapparition de taxes et autres barrières tarifaires. Des conséquences qui auront forcément une répercussion sur les échanges entre les deux pays. A noter qu’environ 90 mille travailleurs Italiens sont employés dans des sociétés anglaises et qu’à contrario près de 68 mille anglais travaillent dans des entreprises italiennes.

       Un autre point soulevé par les analystes concerne les sociétés pharmaceutiques. Beaucoup d’entre elles sont en Angleterre. Les spécialistes prévoient de nombreux transferts de leurs laboratoires et bureaux dans d’autres pays de l’UE en cas de Brexit. Une dégradation des rapports commerciaux pénaliserait donc le Royaume-Uni, obligeant bon nombre d’entreprises à plier bagages vers d’autres pays européens dont l’Italie.

      De ce fait, ces analystes se demandent si une sortie de l’Union européenne ne priverait pas le Royaume-Uni de nombreux partenaires économiques et d’une main d’œuvre étrangère notamment italienne nécessaire à sa croissance.

        Dans un entretien à des quotidiens européens, Ignazio Visco, gouverneur de la Banque d’Italie, a souligné que “de toute évidence le risque de Brexit est notre principale préoccupation”. “Nous en voyons déjà les effets sur les marchés des changes et des obligations. Il est clair qu’une sortie du Royaume-Uni aurait des effets concrets à court et à long termes. Mais elle ne se déroulerait pas du jour au lendemain, ce serait un long processus de négociation dont les conséquences financières sont difficiles à prédire. Nous surveillons la situation au jour le jour, nous observons les effets sur les marchés”, a-t-il dit.

      Selon lui, toutes les banques centrales, pas seulement la BCE, sont prêtes à intervenir avec leur panoplie d’instruments, les “repo”, les “swaps” (opérations d’échanges financiers) et les taux d’intérêt. Mais, a-t-il relevé, l’inquiétude “n’est pas seulement économique et financière, elle porte clairement aussi sur la force politique de la construction européenne, sur son maintien et son renforcement. Et dans tous les cas, a fortiori en cas de Brexit, il sera nécessaire de la renforcer’’.

      Pour en empêcher la fin, il faut renforcer l’intégration. Comme l’indique un dicton italien, datant de la réunification du pays, il y a 150 ans, “Fatta l’Italia, bisogna fare gli Italiani”, “nous avons fait l’Italie, maintenant nous devons faire les Italiens”.

      Romano Prodi, ancien Président de la Commission européenne et ex-Premier ministre italien, s’est dit, lui, convaincu que “l’Europe ne sera pas disloquée”, mais elle sera, par contre, contrainte par les événements à converger vers “des politiques plus harmonieuses”. Il est possible que cet objectif soit atteint seulement après un examen approfondi de la crise en cours, comme il est probable que, si ce processus évolue dans la bonne direction, la Grande Bretagne sera obligée de reconnaitre que son avenir sera au sein de l’Union européenne, a-t-il écrit sur les colonnes du quotidien Il Messaggero.

      Au lendemain du référendum, il est nécessaire d’entamer une action immédiate de la part des pays qui représentent le noyau européen pour mettre en acte des formes plus étroites de coopération, sans lesquelles l’Europe n’aura aucun avenir dans un monde globalisé, a-t-Il ajouté. “C’est le parcours que nous devons faire dans tous les cas parce que face aux États-Unis et à la Chine, une Europe qui n’est ni cuite ni crue ne peut jouer aucun rôle”, a-t-il fait observer.

     Après avoir formé l’espoir que la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE n’aura pas lieu, l’ancien Premier ministre s’est dit convaincu qu’en cas de Brexit, il est possible de trouver des compromis nécessaires pour préserver les intenses rapports économiques et les alliances politiques et économiques, construits durant toutes ces années.

     Évoquant les risques d’une sortie de Royaume uni de l’UE, M. Prodi a estimé que la plus grande menace demeure le “message de fragilité” que transmettrait l’UE au monde, celui d’une “Union réversible et qui n’est pas durable dans le temps’’.

     Par ailleurs, un sondage de l’institut IPSOS-MORI réalisé sur internet et publié en mai dernier, et dont la presse transalpine s’est fait l’écho, 45 pc des plus de 6 000 européens interrogés en Belgique, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Pologne, Espagne et Suède veulent leur propre scrutin national sur la sortie de l’UE.

     L’étude a permis de constater que les individus les plus enclins à vouloir sortir de l’UE proviennent en grande majorité de l’Italie avec 48 pc de l’échantillon.

     “Les Italiens sont ceux qui espèrent le plus avoir leur propre chance de voter sur leur appartenance à l’UE, ce qui permet de penser que cela ne mettra pas un terme aux maux de l’Union, même si le vote des Britanniques débouche sur un statu quo en juin”, a déclaré Bobby Duffy, chercheur à IPSOS-MORI.

     D’autre part, nul ne peut ignorer que les partis eurosceptiques de droite se sont renforcés en Europe ces dernières années, certains ayant même réussi à prendre des places assez confortables dans le paysage politique, et ce, de manière remarquable en Italie.

      Le Mouvement 5 Étoiles fondé par l’humoriste italien Beppe Grillo vient juste de réaliser ce dimanche une percée lors des élections municipales partielles, remportant une victoire éclatante à Rome. Ce parti populiste prend ainsi de plus en plus d’envergure revendiquant sans cesse une sortie de l’euro.

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