Rabia Assoul, ou quand la force douce transperce les coutumes injustes à l’égard des femmes soulaliyates

Rabia Assoul, ou quand la force douce transperce les coutumes injustes à l’égard des femmes soulaliyates

mercredi, 15 janvier, 2020 à 11:31

Par: Hosna Afaino

Rabat – Rabia Assoul, native de Souk Larbaa, est une forte soulaliya rodée par les aléas de la vie, qui a appris que les premiers pas vers le succès est de s’armer de patience et de persistance et de ne jamais abandonner. Femme de fer, elle décroche le titre de représentante de la communauté soulaliyate de Ouled Ahmed Souk Larbaa, une première dans l’histoire des communautés soulaliyates au Maroc.

Mme Assoul a acquis, dans son environnement où elle a grandi au milieu de ses sept frères, les qualités de la lutte, la force et l’indépendance, faisant de ses échecs des voies vers le succès. Divorcée, cette militante a frayé, avec force et persévérance, un chemin vers un travail digne qui lui permettra d’assurer les frais de la scolarisation de son fils.

Déterminée, Mme Assoul incarne l’adage qui dit que les grandes portes ont de petites clés. Elle a, en fait, commencé son premier travail dans une téléboutique, mais son ambition l’amène à se lancer dans l’entrepreneuriat en développant son propre projet de couture traditionnelle.

Après avoir acheté le matériel nécessaire, elle s’est lancée dans sa quête de travail indépendant et a pu développer son projet en se procurant plusieurs machines jusqu’à ce qu’elle crée deux magasins spécialisés dans la vente des outils de couture.

Cette femme soulaliya, qui n’a pas terminé ses études secondaires, a poursuivi son apprentissage à l’école de la vie, qui lui a procuré suffisamment de force et lui a permis de faire face aux différentes catégories de personnes qu’elle côtoie de par la nature de son travail commercial, un domaine qui, selon elle, était initialement réservé aux hommes de la ville.

“Comme j’étais la première femme de la ville, j’ai été confrontée à un harcèlement continu, d’autant plus que j’étais une femme divorcée qui doit subir la pression de la société”, a-t-elle affirmé.

Mme Assoul a souligné, dans une déclaration à la MAP, qu’elle portait “le masque d’une extrême rigueur et fermeté” pour imposer son respect dans un environnement professionnel dominé par les hommes.

Grâce à sa persévérance, son expérience professionnelle et son intelligence sociale, elle a réussi à surmonter les obstacles, se forger une bonne réputation et à récolter de brillantes réussites.

“J’avais l’habitude de travailler dans trois magasins en une journée, parfois jusque tard dans la nuit, en particulier lors d’occasions religieuses comme le mois de Ramadan”, a t-elle déclaré, mettant en exergue sa patience et sa combativité qui lui ont permis d’accompagner le parcours scolaire de son enfant.

Ce n’est pas facile de retracer un parcours aussi épatant en quelques lignes et de résumer une vie de souffrances pour assumer de lourdes responsabilités et garantir une vie décente.

Après avoir accompli sa mission de mère, Mme Assoul a été impliquée dans de nombreuses initiatives à caractère social et caritatif à travers des associations et des fondations

“Lorsque les voix se sont élevés pour résoudre le problème des communautés soulaliyates (…), j’ai suivi le sujet et examiné ses détails. J’ai alors décidé de me porter volontaire pour servir les ayants droits de la communauté des soulaliyates dans la région de Ouled Ahmed à laquelle j’appartiens, notamment le droit de cette communauté féminine. Et c’est ainsi que j’ai déposé ma candidature pour le poste de représentante de la communauté soulaliyate et cela afin de corriger la situation qui était fondée sur l’obscurcissement, l’exclusion et la marginalisation”.

Rabia Assoul, qui a remporté ces élections le mercredi 21 décembre 2019, par 135 voix contre 99 voix, et avec un taux de participation de 63,75% parmi 371 soulaliyines et soulaliyates inscrits sur les listes des électeurs, considère sa victoire comme une consécration démocratique unique inspirant le reste des communautés à travers le pays.

Au sujet des difficultés rencontrées pour obtenir ce poste, Mme Assoul a déclaré avoir été “victime de harcèlement, insultes, injures, diffamation, menaces, moqueries, dégradation…”, racontant avec amertume le refus des détracteurs à sa candidature qui espéraient maintenir la situation actuelle pour servir d’une manière ou d’une autre leurs intérêts.

Devant cette opposition farouche et ces harcèlements extrêmes et continus, au nom des coutumes et des traditions injustes à l’égard de l’humanité et de la femme en particulier, “nous avons mené des campagnes de sensibilisation, des formations et un encadrement intensif pour clarifier la question des soulaliyates et soulaliyines, et les sensibiliser à leur droit de bénéficier des terres des ancêtres, hommes et femmes à même pied d’égalité”, a déclaré Mme Assoul.

Elle a ajouté que ces efforts ont été couronnés de succès et ont abouti à sa victoire au poste de naiba (représentante) de la communauté soulaliyate Ouled Ahmed Souk Larbaa.

Elle a, à cet égard, loué la collaboration et la communication intenses entre les soulaliyates et soulaliyines, le soutien de l’Association des représentants des familles de la communauté soulaliyate de Ouled Ahmed Souk Larbaa et les autorités locales qui ont sécurisé le déroulement de l’opération électorale.

“Cette victoire est dédiée à chaque femme, en particulier la femme soulaliyate, à nos pères et nos ancêtres, en guise de gratitude à leur égard, ainsi qu’aux vieux et aux malades qui ont pris la peine de se déplacer pour voter, aux soulaliyates et soulaliyines de Tanger à Lagouira (…)”, a déclaré Assoul.

Avec cette consécration, les descendants d’Ouled Ahmed Souk Larbaa sont entrés dans l’histoire et Mme Assoul a montré en filigrane la capacité de la femme, en tant que force douce, à persister face aux coutumes masculines injustes et rigides.

Les hommes et les femmes d’Ouled Ahmed, à l’intérieur ou à l’extérieur du douar, dans les villes et à l’extérieur du pays, ont le droit d’être fiers qu’ils ont pu procéder, après plus de deux ans de travail acharné et de communication constructive et continue, à la création de la première association dans l’histoire qui regroupe les représentants des familles de la communauté soulaliyate Ouled Ahmed Souk Larbaa.

Ils doivent s’enorgueillir aussi de l’adoption de l’élection dans la détermination du représentant au lieu de la nomination, établie précédemment, et de l’occupation par une femme soulaliyate de poste de naiba de la communauté soulaliyate Ouled Ahmed, et ce pour la première fois dans l’histoire des communautés soulaliyates au Maroc.

Mme Assoul a affirmé que sa main est tendue à toutes les soulaliyates et soulaliyines, qu’il s’agisse de ceux qui la soutenaient ou des opposants, et qu’elle est déterminée à servir tout le monde avec sincérité, transparence et honnêteté afin de rendre justice aux ayants droits, femmes et hommes, “conformément au serment que j’ai prêté devant Dieu et les gens et en incarnation de mes principes”.

De ce point de vue, Mme Assoul estime qu’il est du droit de chaque soulaliyate et soulali d’exprimer son avis sur les questions de la communauté soulaliyate Ouled Ahmed, et d’enrichir le débat à ce sujet afin de développer la région, de façon à en faire un modèle à suivre au niveau national.

Elle a également souligné que la gestion du dossier des terres soulaliyates est d’une grande complexité, ce qui nécessite beaucoup de sagesse, de finesse, de coopération et d’équilibre dans le traitement et la gestion de la différence.

À cet égard, elle a affirmé que l’institution du naib aujourd’hui devrait être lancée avec un nouvel état d’esprit et de nouveaux membres, qui ont la compétence, l’expérience, la sagesse et la logique pour servir la “soulala”, afin de réaliser les aspirations de la communauté Ouled Ahmed à un développement local durable qui puisse mettre fin à la précarité de la région et améliorer les conditions sociales et économiques de ses habitants.

La naiba Assoul, autorisée par la loi à nommer les membres du conseil des représentants, estime qu’il comprendra des membres de la majorité des partisans et quelques opposants qui n’étaient pas auparavant membres du conseil précédent, tout en renforçant son rôle à travers la création de son propre forum, afin d’élargir le cercle de concertation sur les dossiers concernant la communauté soulaliyate.

Mme Assoul insiste à transmettre son expérience de développement personnel à d’autres femmes dans une situation précaire de la région, en particulier les femmes au foyer analphabètes en les aidant à apprendre des métiers et à acquérir des compétences.

Elle aspire également à créer des coopératives au sein de la communauté Ouled Ahmed, en particulier celles féminines, dans le domaine de l’artisanat, de la couture et autres, et à drainer des projets de développement et d’investissement locaux (par exemple, un complexe commercial et des magasins au profit des soulaliyines), en vue d’améliorer la situation des habitants de la région et limiter le fléau du chômage.

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