Tabraâ: Un effort académique pour l’étude et l’archivage de cette poésie hassanie exclusivement féminine

                       – Par : Zhor Saih –

Rabat  – Le “Tabraâ”, un récital de poésie féminine puisée dans le riche patrimoine oral hassani, est demeuré prisonnier de retrouvailles efféminées, dans l’attente fougueuse d’un rédempteur à même de le faire sortir des ténèbres et de le préserver dans la mémoire culturelle collective.

Une tâche, dont les prémices sont l’oeuvre de la chercheuse El Alia Ma El Aïnin, grâce à son ouvrage “le Tabraâ, poésie féminine hassanie : concept, contexte et culture”, qui vient de paraître à la Maison d’éditions Bouregreg, dans lequel l’auteur tente d’élucider le contexte culturel de ces brèves poèmes et d’archiver une bonne partie de ce patrimoine, dépassant les 200 Tabriaâ.

Ce livre, qui comprend notamment un ensemble de 200 Tabriâ, constitue une partie importante d’une thèse de doctorat soutenue par la chercheuse à l’université Hassan II à Casablanca. “La partie liée à l’archivage est composée d’exemples utiles à l’étude et à la recherche et qui puisent leur force de sources individuelle, collective et intellectuelle”, souligne l’auteur.

La Tabraa a constitué, incontestablement, un moment d’existence qui a risqué de tomber dans l’oubli, en particulier lors des séances féminines de contage loin des regards et affranchies de la censure. Cette forme de poésie, à laquelle aucune date ni origine précises ne pourraient être attribuées, a été à l’origine utilisée par les jeunes filles amoureuses pour exprimer leurs sentiments à leurs amants et dans lesquelles elles formulaient leurs émotions allant de l’évocation à la souffrance d’un amour non partagé.

A travers cet ouvrage de 205 pages en format moyen et grâce à un effort académique, El Alia Ma El Aïnin a non seulement levé le voile de l’oubli qui a entouré cette expérience poétique, mais elle a aussi mis l’accent sur “une série de conceptions, de valeurs et de concepts qui ont commencé à se dissiper et à s’éclipser de la scène publique et de la pratique quotidienne et culturelle”.

Dans le même ordre d’idées, la chercheuse Zhor Karam, qui a signé la préface de ce livre, s’est attardée, de manière discursive, sur une question d’actualité portant sur la situation de la femme hassanie, en tant que modèle et référence dans le combat visant à améliorer la situation de la femme marocaine dans la gestion notamment, de la vie et de la société. Ainsi, “pourquoi demeurons-nous à la recherche de concepts de libération en dehors du contexte local, sans tenir compte des acquis contextuels”, s’est-elle interrogée.

En effet, la rédaction du livre a été inspirée par un questionnement existentiel de la chercheuse, portant sur “la profondeur de la relation liant la femme à la poésie qu’elle produit et qui constitue l’incarnation de sa pensée et le moyen intime de s’exprimer et d’extérioriser”, un questionnement découlant de son expérience personnelle et celle des autres femmes en réagissant à la vie à travers notamment l’art de Tabraa.