Violence faite aux femmes: 5 questions à Leila Rhiwi

Violence faite aux femmes: 5 questions à Leila Rhiwi

mardi, 31 décembre, 2019 à 16:22

.-Propos recueillis par Kawtar Tijari-.

 

Rabat-La représentante du Bureau Multi-pays de l’ONU Femmes pour le Maghreb, Leila Rhiwi, répond aux questions de la MAP, au sujet des violences faites aux femmes au Maroc.

Q: Pensez-vous que l’on parle assez des violences faites aux femmes au Maroc ?

On ne parlera jamais assez des violences faites aux femmes ni au Maroc ni à travers le monde. Malgré toutes les mobilisations que le pays a connues et tous les efforts fournis au niveau normatif et institutionnel, notamment la dernière loi n°103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, nous continuons à observer un taux de prévalence de la violence assez important au sein de la société marocaine. En effet, selon l’enquête nationale sur la prévalence des violences à l’égard des femmes réalisée le 10 décembre dernier par le Haut Commissariat au Plan (HCP), il s’avère que son taux reste élevé, toutes formes de violences confondues (physique, psychologique, sexuelle, économique, etc). Le taux demeure très important que ce soit en milieu urbain ou rural puisqu’il représente 58% dans le milieu urbain contre 55% dans le rural, ce qui signifie qu’une femme sur deux au Maroc a été victime, durant les douze derniers mois, d’une forme de violence.

Q: Quelle est la forme de violence à l’égard des femmes la plus répandue au Maroc ?

Selon l’enquête nationale sur la prévalence des violences à l’égard des femmes réalisée le 10 décembre dernier par le HCP, la forme de violence la plus importante au Maroc est la violence conjugale et familiale, qui est le fait du mari, de l’ex mari, du fiancé, de l’ami intime ou bien d’un membre de la famille. Cette violence représente selon la même source un taux de 52% lorsqu’il s’agit du concept conjugal élargi qui inclut les membres de la famille, cependant il faut s’arrêter sur le chiffre de 46% qui est le fait uniquement du conjoint. On remarque donc que l’espace domestique où on devrait se sentir le plus en sécurité est finalement l’espace où les femmes vivent le plus de violences. Dans ce sens, le HCP a répertorié la violence psychologique comme étant l’une des formes les plus importantes vécues dans l’espace domestique avec un taux qui s’élève à 49%.

Q: Que faut-il entreprendre pour lutter contre ce fléau ?

Il faut faire beaucoup de choses et à différents niveaux (publics et institutionnels), notamment en ayant un cadre légal et institutionnel, des moyens humains, une cohérence des réponses institutionnelles et une coordination entre les secteurs. D’un autre côté, il faut sensibiliser l’opinion publique et la société marocaine.

Il est très important de relever qu’aujourd’hui selon le HCP, 38% des femmes et 40% des hommes témoignent qu’il faut accepter la violence pour préserver la famille et plus de 40% de femmes témoignent que la violence conjugale est une affaire qui relève de la sphère privée. Ce sont des chiffres très importants qui démontrent que la violence continue malheureusement à être légitimée et acceptée et c’est ce qui peut expliquer que seulement 10% des femmes battues osent porter plainte.

Tout cela pour dire que le deuxième point sur lequel devrait travailler les gouvernements à travers le monde et notamment ici au Maroc est la question des mentalités et des stéréotypes. C’est pour cette raison que nous avons centré cette année le message de notre campagne sur les «Masculinités positives : les hommes et les garçons rejettent les violences faites aux femmes et aux filles», pour interroger ce concept de masculinité chez les hommes et chez les femmes et déconstruire la norme sociale qui considère qu’être un homme c’est être dur, viril et battre sa conjointe.

Q: Que pensez-vous des campagnes de sensibilisation lancées sur les réseaux sociaux?

Ces campagnes, qui ont été lancées il y a deux ans avec ce fameux mouvement “Me Too” qui dénonçait les violences que subissent les femmes dans le milieu professionnel et public et qui a été relayé à travers le monde dans des déclinaisons comme hashtag “Masaktach” au Maroc et bien d’autres, ont permis de libérer la parole des femmes, d’interpeller les gouvernements à travers le monde et de montrer que le phénomène de la violence dont sont victimes les femmes est un phénomène mondial extrêmement important. Cette libération de la parole par les mouvements sociaux est très salutaire car cela a eu un impact sur la sensibilisation de l’opinion publique au niveau des pays et des sociétés partout dans le monde.

Q: Quels sont les chantiers sur lesquels ONU Femmes travaille? Y a t-il des dossiers prioritaires?

L’ONU femmes travaille sur notre stratégie pluriannuelle déclinée en trois grands axes qui représentent des priorités nationales du Royaume du Maroc notamment la gouvernance, la violence et l’économie.

Dans ce sens, nous avons travaillé avec la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) qui a très vite commencé à matérialiser les textes d’application en adoptant les mécanismes de gouvernance appropriés au niveau de leur 132 cellules de violence à travers le Maroc, notamment au niveau de la formation des agents de police, des équipements et des normes qu’ils ont établies et que nous sommes en train d’accompagner.

Nous sommes également en train de travailler avec les ministères publics ainsi que la société civile, qui représente un puissant mouvement de monitoring des politiques publiques. Dans ce cadre, nous avons établi des partenariats stratégiques avec le ministère de l’Intérieur et la DGSN portant sur la planification territoriale sensible au genre, qui est un vaste programme couvrant trois grandes régions du Maroc.

L’autonomisation économique des femmes est également une des questions qui nous préoccupe. A ce niveau là nous nous sommes préoccupés par le taux d’emploi des femmes au Maroc qui reste très faible, et nous sommes aujourd’hui en train d’accompagner le Ministère de la Solidarité de la Femme de la Famille et du Développement Social dans le développement d’une stratégie nationale d’autonomisation économique des femmes.

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