Implantation cochléaire, une nouvelle vie aux enfants souffrant de surdité

-Par : Omar Er-rouch-

Marrakech – Pour son deuxième anniversaire, Hafsa Manssoum a obtenu un cadeau très spécial : un implant cochléaire. Un bijou de la technologie pointue qui lui permettra, désormais, de retrouver le son de la pluie, les notes musicales, le vacarme de la rue… des bruits et sons, certes, banals pour des personnes normales, mais d’une magie exceptionnelle pour cette petite atteinte de surdité.

En 2011, quand les parents ont appris que leur fille souffrait de surdité, ils ont opté pour l’implant cochléaire, après consultation de plusieurs médecins spécialistes en ORL et associations œuvrant dans le domaine.

“Grâce à l’implant cochléaire, notre fille mène, de manière quasi-normale, sa vie d’enfant et réussit à suivre ses cours et sa formation à l’école “, a souligné Ahmed, le père de la petite Hafsa.

“Après l’opération, elle a bénéficié de deux séances d’orthophonie par semaine. Après quelques séances, elle a produit ses premiers sons langagiers”, raconte son père très ému, des larmes de joie aux yeux.

“C’est une nouvelle vie qui commence pour notre famille et pour notre petite Hafsa qui a soufflé cette année sa 10è bougie”, a-t-il soutenu sur un ton de fierté.

Emportée par de belles émotions, Hafsa ne cache pas sa joie. “Après quelques séances de rééducation, j’ai découvert pour, la première fois, les bruits de tous les jours que je n’ai jamais eu la chance d’entendre, mais que j’ai toujours imaginé”, a fait savoir Hafsa, élève en 4e année du primaire, dans une déclaration à la MAP.

“Grâce à ce petit appareil, j’ai pu intégrer l’école et jouer avec mes copines. Je suis très heureuse et très reconnaissante à tous les médecins qui m’ont donné une nouvelle vie”, s’exalte la petite Hafsa mettant, dans un geste machinal, ses petites mains sur l’implant cochléaire comme pour témoigner encore une fois de sa grande joie.

En effet, grâce à ce véritable bijou de la technologie, beaucoup de personnes atteintes de surdité pourraient récupérer l’audition, mais les obtenir relève souvent d’un parcours du combattant.

A cela s’ajoute le fait que ces implants cochléaires demeurent peu connus chez le public, avec un coût exorbitant les rendant inaccessibles : Plus de 200.000 DH, sans compter les frais de l’opération chirurgicale, des séances de rééducation et de réglage.

Pour remédier à cette situation, le ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille a procédé, la semaine dernière à Marrakech, au lancement de la campagne NASMAA d’implants cochléaires au profit des enfants sourds.

Le programme, dont la MAP est partenaire, qui cible sur deux ans, plus de 800 enfants sourds à l’échelon national, âgés de 5 ans ou moins, issus de familles défavorisées, est mis en œuvre en coopération avec la Fondation Lalla Asmae pour Enfants Sourds, le ministère de la Santé, l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, les CHU et les associations œuvrant dans ce domaine.

Ce Programme s’inscrit dans le cadre du renforcement de la transversalité et la convergence des efforts de plusieurs intervenants pour promouvoir les droits des enfants en situation de handicap auditif au niveau du Royaume et pour soutenir leur intégration sociale, notamment en leur permettant de retrouver l’audition et la communication, de se scolariser et s’intégrer dans la société, et d’alléger pour les familles, les charges financières issues du processus d’implantation cochléaire et de rééducation auditive et orthophonique.

Selon les résultats de la deuxième Enquête Nationale sur le Handicap au Maroc, le taux de prévalence de handicap au niveau national est de 6.8%, soit 2.264.672 personnes. Le taux d’incapacité fonctionnelle liée à l’audition représente 22,1% du nombre total des personnes en situation de handicap moyenne à très sévère.

L’implant cochléaire s’adresse notamment, aux enfants nés sourds, une naissance sur 1.000. La défaillance de la cochlée est responsable de la plupart des cas de surdité.

Située dans l’oreille interne, la cochlée joue un rôle vital dans l’audition. À l’intérieur, quelque 16.000 cellules ciliées- cellules sensorielles coiffées de structures filamenteuses- transforment les fréquences sonores en signaux électriques, et les envoient au cerveau.

L’implant cochléaire permet de passer outre ce dysfonctionnement et d’apporter directement les informations sonores codées au nerf auditif, explique le professeur Abdelaziz Raji, chef du service ORL du CHU Mohammed VI de Marrakech.

Selon le professeur Raji, l’implant cochléaire comprend trois composantes à savoir : des micros situés derrière l’oreille, un processeur qui convertit les sons en signaux numériques et un implant qui envoie ces signaux à des électrodes placées dans la cochlée.

L’implantation de ces trois composantes se fait lors d’une opération chirurgicale qui dure généralement une heure, a expliqué ce spécialiste, ajoutant que l’implant est activé trois semaines après l’opération, annonçant le début d’un long processus, avec six mois de séances de rééducation orthophonique.

Pour obtenir le meilleur résultat chez les enfants, le professeur Raji a préconisé une implantation cochléaire le plus tôt possible. “L’opération doit se faire avant l’âge de 5 ans. Après cet âge, c’est trop tard”, a-t-il tenu à préciser, ajoutant sur un ton optimiste que “tant que les réseaux de neurones existent, on peut toujours les mettre en marche”.

Un brin d’espoir donc, pour les enfants sourds au Maroc, notamment grâce au programme “NASMAA” qui comprend toutes les étapes du processus de prise en charge des enfants sourds, depuis l’intervention chirurgicale pour l’implantation cochléaire au suivi de l’état de santé des bénéficiaires, notamment à travers les services d’orthophonie et de rééducation auditive.

“Le lancement du programme NASMAA revêt une grande importance au vu de sa contribution à la protection des enfants sourds et l’accompagnement de leurs familles, dans le cadre d’une approche sociale basée sur l’inclusivité et l’intégration”, avait souligné la ministre de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille, Mme Jamila El Moussali, dans une allocution à l’occasion du lancement depuis le CHU de Marrakech de ce programme.

“Ce programme donne une nouvelle vie aux enfants et constitue un investissement dans le citoyen, en le libérant d’un handicap qui hypothéquerait son avenir, notamment sur les plans social et professionnel”, avait conclu la ministre.