Le Maroc et le Portugal partagent un passé commun depuis l’antiquité (architecte portugais)

Le Maroc et le Portugal partagent un passé commun depuis l’antiquité (architecte portugais)

jeudi, 6 août, 2020 à 12:08

Karim Naji

Casablanca – Le Maroc et le Portugal partagent un passé commun depuis l’antiquité, mais avec des influences mutuelles évidentes au cours des plus de 500 années que le Portugal a été intégré dans l’Al-Andalus, a souligné l’architecte portugais Frederico Mendes Paula.

Les évidences de cette période au Portugal sont nombreuses, dans les témoignages construits, la disposition des structures urbaines, et les influences linguistiques, avec des milliers de mots d’origine arabe dans la langue portugaise, dans la toponymie de différents lieux, l’architecture, les sciences, et même dans certains aspects de la vie comme la gastronomie, la poésie, la littérature ou la musique, a indiqué M. Paula dans un entretien à la MAP.

Les influences portugaises au Maroc sont moins évidentes et également moins étudiées, a relevé l’architecte, notant qu’un thème qui mérite d’être mentionné et qui a été relégué au second plan est la contribution des renégats portugais à la société marocaine.

“Nous ne pouvons pas oublier que la guerre de course a fait un nombre considérable de prisonniers et que seulement lors de la bataille d’Oued El Makhazen plusieurs milliers de Portugais ont été emprisonnés, dont la plupart s’est convertie à l’Islam et s’est intégrée dans la société marocaine, participant aux travaux menés par l’Etat, comme des forteresses ou des ponts, et même occupant des postes importants dans l’administration publique et dans les forces armées”, a-t-il expliqué.

Son intérêt à cette histoire commune remonte à 1976, lorsqu’il a visité, dit-il, le Maroc pour la première fois, ayant éveillé en lui “une fascination qui m’accompagne depuis ce temps-là. Il est clair que dans ce sentiment il y a une identification avec un passé commun, resuscitée lors des nombreuses visites effectuées au Maroc, et le fait que ma femme soit marocaine m’a ouvert la porte du Maroc réel”.

Cet intérêt se concrétise en termes pratiques avec la création de son blog “Historias de Portugal em Marrocos” (www.historiasdeportugalemarrocos.com), et la publication de deux livres “Le Portugal au Maroc, regard sur un patrimoine commun” (édité en 2016 en français et en portugais) et “Historias de Portugal em Marrocos” (édité en version portugaise en 2019).

Cet engouement pour cette histoire commune l’a incité à réaliser plusieurs activités sur le patrimoine d’origine portugaise, dans différentes villes du Maroc, impliquant l’ambassade du Portugal au Maroc, le ministère marocain de la culture, la région de Marrakech-Safi, la mairie de Lagos, où il travaille comme architecte dans le domaine de la réhabilitation du patrimoine, l’Association Portugaise des Municipalités, dont il est secrétaire général et qui regroupe une centaine de communes portugaises, ainsi que les communes de Ksar El Kebir et El Jadida, avec lesquelles Lagos a des accords de jumelage et de coopération, et la délégation du tourisme du Maroc au Portugal.

Pour lui, le patrimoine culturel d’origine portugaise au Maroc est assez diversifié et ne se limite pas à ses aspects visibles, c’est-à-dire qu’il comprend non seulement des témoignages construits, mais aussi un patrimoine immatériel qui se manifeste dans des événements passés et dans des influences mutuelles, certaines encore peu étudiées, comme les influences linguistiques ou le rôle des renégats portugais dans la société marocaine.

Dans le cadre du patrimoine bâti, ajoute-t-il, il y a des aspects qui ne sont pas évidents, comme les marques d’un urbanisme colonial portugais émergeant dans plusieurs villes marocaines, avec des incidences différentes, moins évidentes à Tanger et Safi, et avec une expression considérable à Asilah et Azemmour.

Beaucoup de ces principes urbanistiques subiraient des ajustements après le départ des Portugais, pour réadapter les villes au mode de vie marocaine, surtout en annulant plusieurs voies ou en interrompant d’autres pour créer des impasses.

Un autre aspect aujourd’hui disparu, mais qui a également laissé des cicatrices dans certaines villes, selon lui, était la structuration des terrains environnants d’anciennes places-fortes portugaises avec des éléments construits précaires combinés à des procédures de routine rigides, pour son utilisation diurne en vue de réaliser une agriculture de subsistance, le ramassage de bois de chauffage, l’élevage de bétail et en atténuant le sentiment d’incarcération que la vie dans les places faisait naître, sur la base d’un système de murs de pierre, de palissades en bois et de tours de guet.

Le patrimoine bâti d’origine portugaise au Maroc reflète principalement les transformations de l’architecture militaire dans une période révolutionnaire, la période de transition de la neurobalistique à la pyrobalistique, c’est-à-dire la transition de l’utilisation d’armes à propulsion mécanique à l’utilisation de la poudre à canon, et le Maroc a été un véritable “laboratoire” d’expérimentation des nouveaux concepts de la Renaissance.

Les interventions portugaises dans les villes marocaines ont eu lieu en trois périodes différentes. Au XVè siècle, avec un caractère tardo-médiéval, elles reposent sur des interventions primitives à Sebta, Ksar Seghir, Asilah et Tanger, principalement pour réparer les dégâts causés par les violentes conquêtes de ces villes et pour créer des conditions pour l’installation des garnisons portugaises. La première moitié du XVIè siècle est la période de la transition, au cours de laquelle les bâtiments militaires commencent à se transformer pour s’adapter à l’utilisation des armes à feu.

A partir du milieu du XVIè siècle, les interventions sont devenues de véritables exercices de géométrie, les bastions étant conçus de forme pentagonale selon les trajectoires nécessaires aux projectiles, les remparts se rompent vers l’intérieur pour ouvrir les angles de tir et créant des canonnières latérales pour le tir rasant protégées par des orillons, situation qui résout le problème du tir de proximité et des angles morts.

À part ces innovations technologiques, les Portugais ont dû introduire des éléments singuliers dans les villes conquises pour permettre leur gestion rationnelle et assurer le contrôle des fronts de mer, en s’assurant que les opérations de chargement et de déchargement pouvaient être effectuées en toute sécurité, car les places-fortes étaient de vraies “îles” isolées dépendantes des approvisionnements maritimes.

Pour ce qui est des actions menées par les autorités portugaises pour l’entretien et la maintenance de ce patrimoine civilisationnel, l’architecte a tenu à souligner que les organismes de l’Etat, notamment le ministère de la Culture, interviennent directement ou normativement dans les biens sous leur tutelle, c’est-à-dire dans le patrimoine classifié, mais ce sont les municipalités qui assument normalement la responsabilité du devoir de sauvegarde, de réhabilitation et de promotion du patrimoine en général.

Il est de plus en plus admis, poursuit-il, que l’intervention dans le patrimoine n’est pas une action subsidiaire, mais un investissement avec un retour, notamment indirect, du fait des bénéfices qu’elle apporte au développement local. “En ce sens, les politiques de valorisation culturelle et patrimoniale sont indissociables des politiques de développement, et les questions de réhabilitation doivent être étroitement liées à la propre gestion, dans une perspective de durabilité”.

Dans le même ordre d’idées, un effort notable est déployé ces dernières années au Maroc pour récupérer le patrimoine d’origine portugaise, impliquant dans certains cas les autorités du pays, “ce qui doit nous rendre tous fiers et motivés pour que la coopération entre les deux pays soit de plus en plus efficace”.

Les défis sont grands, les processus sont complexes et coûteux et le travail de réhabilitation, de valorisation, de gestion et de promotion du patrimoine se poursuit toujours et reste inépuisable, a-t-il conclu.

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