Mémoire et citoyenneté, “grands enjeux’’ d’un demi-siècle d’immigration marocaine en Belgique

Mémoire et citoyenneté, “grands enjeux’’ d’un demi-siècle d’immigration marocaine en Belgique

lundi, 17 février, 2014 à 12:05

Propos recueillis par Mohammed HAMIDDOUCHE

Bruxelles – Mémoire et citoyenneté sont les deux “grands enjeux” de la commémoration des cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique, a affirmé la ministre belge de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Fadila Laanan.

“Commémorer le cinquantenaire de l’immigration marocaine en Belgique, c’est célébrer la mémoire encore très vive de la première génération d’immigrés marocains qui ont eu le courage de se lancer dès les années soixante dans un pays qu’ils ne connaissent que de très loin et qui ont dû faire des efforts considérables pour trouver leurs repères et s’intégrer dans la vie sociale belge”, a indiqué Mme Laanan dans une interview à la MAP.

Pour la ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a consacré un demi-million d’euros à cette commémoration exclusivement culturelle, le 50ème anniversaire de la présence marocaine en Belgique est aussi l’occasion de célébrer tous ces Belges qui ont accueilli et côtoyé la première génération d’immigrés marocains dans la vie quotidienne, développant ainsi, ensemble, au fil des années, un espace d’échange et de métissage qui a progressivement infusé dans de nombreux domaines.

La commémoration des 50 ans de l’immigration marocaine est également une manière de souligner combien la Belgique a su construire une citoyenneté partagée, fondée sur des valeurs d’égalité sociale, de solidarité et de reconnaissance de la liberté individuelle de chacune et chacun, a ajouté Mme Laanan, première belge d’origine marocaine à occuper une fonction ministérielle.

Il s’agit donc, d’après la ministre, d’un moment symbolique important pour célébrer une Belgique qui s’est construite notamment au travers de sa diversité et rendre hommage aux immigrations méditerranéennes, marocaine notamment, qui ont participé pleinement à son Histoire dans les divers domaines économique, social, culturel et politique.

Evoquant la contribution économique des tout premiers immigrés marocains auxquels la Belgique avait fait appel en 1964 pour combler les carences de la main-d’oeuvre après la seconde guerre mondiale, la ministre a indiqué que ces immigrés, par la force de leur travail, dans les mines et dans l’industrie lourde, dans des fonctions pénibles et souvent nuisibles à leur santé, ont soutenu la croissance économique des “trente glorieuses”.

Néanmoins, ils ont été parmi les premières victimes des licenciements massifs de la fin des années 70 et des années 80, et pour beaucoup laissés sur le côté, a-t-elle déploré.

Mme Laanan, qui fait partie de la deuxième génération d’immigrants marocains en Belgique, a en outre fait observer que les difficultés rencontrées par les premiers immigrés n’ont pas empêché pour autant leurs descendants de suivre des cursus professionnels qui leur ont permis de participer pleinement à la vie sociale, culturelle et politique.

Depuis les années 90, des personnalités belges issues de l’immigration marocaine connaissent des trajectoires qui les mettent au premier plan et témoignent de ce mouvement et de cette synergie réussie entre ceux qui accueillent et ceux qui immigrent, s’est-elle réjouie, faisant remarquer que ces “success story ne sont que la partie émergée de l’iceberg”.

Des dizaines de milliers d’histoires de familles participent à l’élaboration de la société belge, a-t-elle insisté, regrettant toutefois que ces acquis incontestables sont en partie “occultés par des discours de peur et de rejet qui désignent l’immigré, le musulman, l’autre comme le responsable des difficultés que peut vivre une partie de la population”.

Pour ce qui est de l’intégration des marocains de Belgique, la ministre a indiqué qu’il y a vingt ans, les jeunes issus de l’immigration considéraient qu’ils étaient partagés entre deux mondes, ici et là-bas, mais aujourd’hui, la majorité d’entre eux se réclament d’une culture métissée, belge, européenne et marocaine et considèrent faire au quotidien la synthèse de ces composantes plutôt que de les opposer.

Et d’ajouter : S’agissant d’une communauté marquée par ses origines ouvrières, elle est particulièrement exposée aux mutations économiques et sociales du tissu économique des régions. Une grande partie des jeunes belges d’origine marocaine connaît d’importants problèmes d’emploi dans la région de Bruxelles-Capitale par exemple, notamment en raison de la raréfaction des postes de travail non qualifiés, a-t-elle dit.

“D’autres problèmes concernent particulièrement cette communauté, en matière de pauvreté, de sécurité, de rapport au religieux et c’est pour notamment prendre ces questions à bras le corps que nombre de Belges issus de l’immigration marocaine sont engagés dans la vie politique et associative’’, a-t-elle fait observer.

La ministre Laanan, également en charge de l’égalité des chances, a en outre fait savoir que les belges d’origine marocaine veulent aujourd’hui être ‘’perçus et considérés comme des citoyens à part entière. Ils veulent pour la plupart ce à quoi chacune et chacun, en Belgique, peut aspirer : choisir leur style de vie librement et une certaine indifférence dans le regard que l’on porte sur leur origine’’.

S’agissant de valeurs, elle a indiqué que les immigrés marocains ont bénéficié des valeurs universelles de solidarité et d’égalité qui prévalent en Belgique au point que nombre d’entre eux se sont engagés politiquement pour réclamer plus d’égalité, l’abolition de toute forme de discriminations et plus de participation de la diversité dans tous les secteurs de la vie politique, culturelle et sociale.

“Je pense que, de manière plus spécifique, les Marocains de Belgique ont contribué à affirmer publiquement et à inscrire dans les politiques publiques le refus de toute forme de racisme et de xénophobie, la promotion de l’égalité des droits et de l’égalité des chances, le respect égal envers toutes les religions, l’ouverture culturelle et ses développements au travers de rencontres avec les cultures du Sud”, a-t-elle dit avec beaucoup de fierté.

En conclusion, la ministre a livré sa vision de la réussite aux jeunes issus de l’immigration marocaine qu’elle résume en trois mots, trois valeurs fondamentales selon ses termes qui sont les études, le travail et la persévérance.

“Dans le cadre de mes compétences en tant que ministre de la Culture, j’ai la chance de rencontrer régulièrement des jeunes issus de l’immigration plein de créativité, dotés d’une motivation sans fin et de beaucoup de talent. A l’image de ces artistes qui réalisent leurs rêves, je ne peux qu’encourager la jeune génération à suivre ce chemin”, a-t-elle déclaré.

Et sur un ton confiant, Mme Laanan a tenu aussi à rassurer les générations montantes parmi la communauté marocaine: “Durant ces 50 ans d’immigration, un beau chemin a été parcouru en termes de réussite et de représentation des populations issues de cette immigration”.

Elle-même un exemple de réussite de la diversité, la ministre affirme sans prétention aucune que la Légion d’honneur qui lui a été décernée par la France en janvier dernier est un signal fort à la jeune génération qui doit se donner le droit de rêver et les moyens de réaliser ses rêves.

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