Acheuléen : Cinq questions à l’archéologue Abderrahim Mohib

Acheuléen : Cinq questions à l’archéologue Abderrahim Mohib

dimanche, 1 août, 2021 à 12:31

Propos recueillis par Abdelilah EGDHOUGUI.
Rabat – Le chercheur en préhistoire, et Conservateur principal des monuments et sites, Abderrahim Mohib revient, dans un entretien à la MAP, sur la dernière découverte du plus ancien Acheuléen de l’Afrique du Nord à Casablanca.
1- Après la découverte récemment des plus anciens Homo sapiens au Maroc, le Royaume intéresse de plus en plus les archéologues de par le monde. Aujourd’hui, un autre exploit vient s’ajouter à ce palmarès avec la découverte du plus ancien Acheuléen de l’Afrique du Nord. On dirait que vous allez faire parler les pierres de la préhistoire ?
Le Maroc, durant ces dernières années, ne cesse de réaliser des découvertes très importantes en ce qui concerne la préhistoire et l’évolution humaine en général.

Cette découverte et cette publication chronostratigraphique très précise de l’Acheuléen le plus ancien en Afrique du Nord et qui date de 1,3 million d’années, replacent encore une fois la région de Casablanca, en particulier, et le Maroc, en général, en tête des discussions dans le monde sur l’origine de l’Homme, l’évolution de ses techniques, de ses cultures, ses déplacements entre des différentes régions de l’Afrique puis vers l’Europe et l’Asie.

Ces dernières découvertes sont très intéressantes aussi parce qu’elles contribuent certainement à la résolution, sinon à apporter des éléments nouveaux, en ce qui concerne toutes ces questions.
2- Comment vous êtes parvenus à mettre au jour cette découverte, est-ce que c’est l’effet du hasard ou le résultat d’une longue chasse ?
Dans les recherches archéologiques en préhistoire, le hasard est très important car il contribue à pas mal de découvertes archéologiques, sauf que pour la découverte récente au site L de la carrière Thomas I Ouest de Casablanca, ce n’est pas un effet du hasard, mais c’est le fruit d’un cursus très long de recherches qui se passe dans le cadre d’un programme maroco-français, qui est parmi les programmes les plus anciens au Maroc de recherches en préhistoire et qui a été lancé depuis 1978 en partenariat entre le Royaume, à travers l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP), et plusieurs universités françaises, notamment Bordeaux et Montpellier et le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères.

Le site de la découverte en question a été identifié en 1985, la première fouille y ayant été effectuée en 1988. Depuis, les recherches se poursuivent (fouilles, études, échantillonnage..) dans ce site très important et exceptionnel de l’histoire préhistorique du Maroc.

C’est tout un processus très long pour mettre en valeur ce niveau (L) archéologique de la carrière Thomas I.
3- Est ce qu’il y aura une immatriculation de ce que vous avez découvert (Acheuléen) et comment vous allez les valoriser ?
D’abord, l’Acheuléen c’est une culture matérielle qui caractérise, dans les périodes préhistoriques, le Paléolithique inférieur ou le Paléolithique ancien qui est la 1ere période en préhistoire caractérisée par l’Oldowayen et l’Acheuléen.

Dans les vestiges archéologiques à ce niveau là, on trouve des bifaces qui est une grande famille (triédriques, hachereaux…), ainsi que d’autres objets taillés qui entrent dans l’outillage ou l’industrie lithique de ces Acheuléens.

Pendant les fouilles, il y a un premier enregistrement, donc avant d’enlever la pièce de sa couche archéologique, il faut effectuer des dessins, puis on lui attribue une “carte d’identité” comportant le site de découverte, l’année de découverte et son numéro d’inventaire et les conserver par la suite, soit dans les laboratoires ou dans les institutions concernées, en l’occurrence l’INSAP.

Par ailleurs, lors des fouilles, on a aussi découvert les restes fossiles d’animaux, notamment de l’hippopotame, d’éléphants, de la gazelle, du zèbre, et une certaine espèce de cochon, ainsi que d’autres types d’animaux comme les rongeurs.

Aussi, en plus du matériel de l’outillage et des restes d’animaux, le site a permis de situer le contexte géologique (niveau archéologique) ce qui permet de dater nos cultures et l’occupation humaine qui se passe sur ce site là.

A travers l’association de plusieurs chercheurs (Maroc, France et d’Italie), on a associé d’autres disciplines scientifiques magnétostratigraphiques et géochimiques qui nous ont permis d’avoir un cadre chronologique précis de cet Acheuléen, tout en se basant sur les datations effectuées dans les années précédentes.
4- Est ce qu’il y aura d’autres recherches en perspective ou d’autres sites à explorer ?
Bien sûr, il y a des recherches en perspective, notamment le programme de recherche préhistoire de Casablanca et qui ne concerne pas seulement le site de la carrière Thomas 1, mais des sites limitrophes comme la grotte d’hominidés qui est un site acheuléen mais plus récent (600.000 et 700.000 années), où on a découvert des fossiles humains qui sont les plus anciens au Maroc.

En plus, il y a la grotte des Rhoniséros située à la carrière Oulad Hamida, qui est aussi un site acheuléen daté de 700.000 ans.

Dans le même sillage, en 2020, les recherches effectuées dans ces grottes ont permis de relever qu’il existe des traces de boucheries les plus anciennes en Afrique.

Un autre site à l’Est de Casablanca s’appelle Ahl al Oughlam, sur la route de Tit Mellil. C’est un site paléontologique qui regorge seulement les restes de fossiles animaux et qui sont datés de 2,5 millions ans.

Et il y a le fameux gisement de Sidi Abderrahamne qui a livré des restes humains en 1955 et classé patrimoine national 1951. On y a découvert plusieurs grottes qui remontent à cette culture acheuléenne et dont l’âge varie entre 700.000 et 200.000 ans.

Donc, on peut dire que ce sont les sites majeurs de la préhistoire ancienne du Maroc, qui peuvent jusqu’à présent nous renseigner sur cette période de notre histoire ancienne (le Paléolithique ancien).
5- Qu’en est-il de l’importance de cette découverte ?
Les sites acheuléens sont aussi nombreux en Afrique du Nord, mais leur contexte chronologique n’était pas sûr et on n’avait pas des indications chronologiques pour définir l’âge exact, sachant bien que les occupations des anciens acheuléens sont au environ d’1 million d’années. Mais grâce à cette dernière datation de la carrière Thomas 1, on est plus ancien de plus de 300.000 ans.

A part l’intérêt scientifique, cette découverte place le Maroc en tant qu’une zone de l’Afrique du Nord incontournable pour la connaissance et l’étude de ces premiers peuplements et de leurs origines et de leurs évolutions et leurs migrations.

En termes de valorisation des découvertes récentes, le ministère de tutelle est en train de réaliser un projet de valorisation sur deux sites très importants, à savoir le parc de préhistoire de Sidi Abderrahmane Nord et le Centre d’interprétation du gisement de la carrière Thomas.

Le parc de préhistoire de Sidi Abderrahmane à Casablanca sera le premier parc de préhistoire en Afrique du Nord où il sera question de raconter la saga de la préhistoire de Casablanca et de montrer la richesse du territoire national aux citoyens marocains, touristes étrangers et aux scientifiques.

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