La street food de Bangkok, l’emblème de la mégapole qui risque de disparaître dans une opération de lifting urbain

La street food de Bangkok, l’emblème de la mégapole qui risque de disparaître dans une opération de lifting urbain

mercredi, 31 janvier, 2018 à 11:07

                 -Driss HIDASS-

   Bangkok – Célèbre pour sa street food, ces restaurants de rue ambulants qui meublent partout son espace urbain, Bangkok s’est adjugée le titre de capitale culinaire de l’Asie et une réputation mondiale de sa riche gastronomie. Un patrimoine qui risque toutefois de disparaitre sous le coup d’un grand lifting urbain entrepris par la mairie de la mégapole.

    Ces petites échoppes sur roues qui déclinent la richesse culinaire du pays et emplissent l’air des rues de ses saveurs au grand plaisir des touristes et des autochtones, ne sont plus les bienvenues dans le décor urbain une fois que les autorités métropolitaines ont engagé le toilettage de la mégapole pour la moderniser, quitte à bannir l’un des aspects les plus originaux de son identité.

    Ils sont partout ces échoppes proprettes et souvent customisées. A chaque coin de rue, dans chaque quartier, aux alentours des sites touristiques où même des grandes artères des centres d’affaires de la capitale.

    En dehors de ses célèbres temples, de son palais royal, de ses night markets et de ses embouteillages monstres, Bangkok est aussi réputée pour sa gastronomie, en particulier sa cuisine de rue qui incarne la vocation culinaire de cette mégapole.

    Après des emplettes tôt le matin sur les marchés populaires pour se fournir en aliments frais, les «chefs» de la street food, dont beaucoup de femmes, déploient tables pliantes et petits tabourets pour investir les trottoirs et proposer des plats à bon prix à leurs nombreux clients qui affluent toute la journée et jusqu’à tard le soir.

    Brasero, cuit-vapeur, ou barbecue, chaque cuisinier est spécialisé dans la confection d’un plat. Au menu des échoppes, nouilles, brochettes de viande ou de poisson, salades de fruits tropicaux, aux curiosités culinaires exotiques faites d’insectes et reptiles, le tout assaisonné aux plantes aromatiques et surtout ultra-pimenté. En commandant un plat, le touriste aura intérêt à apprendre la formule «mei paei» pour éviter de s’enflammer les papilles au piment fort, ingrédient indispensable et utilisé sans modération dans la cuisine thaï.

    Et les clients ne manquent pas. Les Thaïlandais adorent grignoter, prenant jusqu’à six petits repas par jour, et quel plaisir d’immersion gastronomique pour les nombreux touristes que de picorer des spécialités locales au gré des ballades n’importe où et à n’importe quelle heure jour et nuit.

     Une ultime reconnaissance pour cette cuisine de rue est intervenue en décembre dernier, lorsqu’une une cantine de rue s’est vu attribuer une étoile au célèbre Guide culinaire Michelin. Depuis, l’heureuse étoilée du prestigieux guide, une femme de 70 ans spécialisée dans les nouilles aux crevettes et au crabe cuites au feu de bois, est devenue une célébrité dans le pays et au-delà des frontières.
    Selon des statistiques des autorités métropolitaines de Bangkok, ils seraient près de 500.000 échoppes ambulantes dans les rues de Bangkok.

    La mairie veut changer l’image de la ville, la relooker à l’image des grandes métropoles asiatiques aseptisées et ultramodernes comme Singapour ou Hong Kong.

     L’Autorité métropolitaine de Bangkok accable de reproches les restaurants de rues et les accuse d’être source de diverses nuisances.

     S’exprimant à ce sujet, la mairie évoque en premier lieu l’occupation illégale des trottoirs qui participent à aggraver les embouteillages monstres de la ville. Les trottoirs étant occupés par les échoppes, les piétons se rabattent parfois sur la chaussée qu’ils partagent avec les véhicules. L’on reproche aussi à ces petits marchands le fait qu’ils échappent à toute régulation, un problème d’hygiène en l’absence d’accès à l’évacuation des eaux usées, et surtout le fait de ne payer ni impôts ni taxes.

    “Nous travaillon à essayer de débarrasser les 50 districts de Bangkok de touts les restaurants de rue, afin de rendre les trottoirs aux piétons”, affirme sans ambages un conseiller du gouverneur de Bangkok.

   Les autorités de la capitale thaïlandaise ont déjà lancé l’offensive contre les petits restaurants de rue. Dans un premier temps, des centaines d’échoppes ont été délogées des grandes artères du centre, les forçant à s’installer dans des quartiers adjacents ou en périphérie.

    Assawanon, qui vend ses grillades depuis plus de 20 ans dans un quartier du centre ville avant d’être repoussé vers un quartier périphérique, ne cache pas son désarroi. “Mes recettes ont fondu de plus de moitié, même ici c’est provisoire et on sera obligés de quitter tôt ou tard, c’est mon métier qui fait vivre toute ma famille”, déplore-t-il, évoquant un possible retour à son village en cas d’impasse.

    Les réseaux sociaux bruitent de cette décision de débarrasser la ville de ses restaurants de rue. Pratiquement tout le monde déplore cette décision. “Avec mon salaire, je ne peux pas me permettre un repas à plus de 50 bahts (1,8 dollar)”, lance en hashtag un internaute qui suscite une nuée de partages. Un autre réplique que c’est simplement impossible d’imaginer les rues de Bangkok sans ses restaurants ambulants.

     Théo, un quinquagénaire français installé de longue date à Bangkok, se désole de cette décision et trouve les avenues tristes sans l’animation des restaurants de rue. Les restaurants de rue font le charme et l’authenticité de Bangkok, c’est l’âme de cette métropole, ce serait dommage de la banaliser et la mettre aux standards des mégapoles sans personnalité, dit-il.

    De l’avis de nombreux observateurs à ce sujet, largement traité par la presse locale, il serait peu probable qu’une réalité bien ancrée dans l’histoire de la métropole soit évincée sur une simple décision administrative.

     Les élections sont en perspective et il serait inconcevable de voir un programme électoral adopter une telle décision et se mettre à dos le plus grand corps de métier de la capitale, fait-on valoir. Beaucoup estiment qu’un tel remue ménage ne serait juste qu’une tourmente passagère pour la street food de Bangkok.

 

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