Retour triomphal de l’UMF pour réformer de l’intérieur le CFCM

Retour triomphal de l’UMF pour réformer de l’intérieur le CFCM

jeudi, 28 novembre, 2019 à 17:54

 

                                      Propos recueillis par Jalila Ajaja

Paris – Pour sa première participation aux élections du Conseil français du Culte musulman (CFCM), les 10 et 17 novembre, l’Union des Mosquées de France (UMF) a largement remporté le scrutin, signant un retour triomphal pour peser de son poids dans la restructuration d’un organe sous le feu des critiques en raison de son manque de représentativité.

Créé en 2003 sous l’impulsion de l’Etat français, le CFCM demeure son interlocuteur privilégié sur le culte musulman. Mais, cet organe est sans cesse épinglé pour son manque de représentativité et pour son système de cooptation qui permet à des fédérations de siéger en son Conseil d’Administration, alors qu’elles n’ont pratiquement plus le soutien du corps électoral.

En effet, en vertu de nouveaux statuts adoptés par le CFCM en avril dernier, 50% des membres de cette structure n’ont plus besoin d’être élus par les fidèles pour siéger. Une situation qui fait que le Président du CFCM, peut être coopté par les membres siégeant au CA et non pas élu par les fidèles.

Un état de fait aberrant qui soulève des questionnements, alors que le CFCM est pressé de faire sa mue aussi bien par les Musulmans de France lassés de ne pas se voir véritablement représenter, que par le gouvernement français qui veut le garder comme son interlocuteur privilégié dans l’actuel débat sur la réorganisation du culte musulman voulue par le Président Emmanuel Macron.

Dans un entretien à la MAP, Hauman Yaakoubi, Secrétaire général de l’UMF, livre sa propre lecture et ses impressions sur les enjeux de cette nouvelle donne qui augure d’un chamboulement profond de la Maison Islam de France.

« Pour l’UMF qui fait un retour en force avec 19 élus (et zéro coopté), l’enjeu est de réformer le CFCM de façon significative pour le réconcilier avec ceux qu’il est sensé représenter, pour qu’il puisse se donner les moyens humains et matériels de sortir de son immobilisme et de s’attaquer enfin aux vrais problèmes de l’Islam et des Musulmans en France et qui sont identifiés et connus de tous », affirme M. Yaakoubi, pour qui « les Musulmans de France ont droit à une vraie représentativité démocratique issue des urnes et non à des cooptations et des auto-désignations ».

Selon le SG de l’UMF, « pour réformer le CFCM, il faut absolument tourner le dos aux considérations politiques qui consistent à ménager les susceptibilités des uns et des autres ». « Il y a lieu de rendre la parole aux Musulmans français qui s’exprimeront par vote. Ils le méritent bien, c’est leur droit », estime-t-il.

«Sur les 3000 mosquées que compte la France, seules 1000 mosquées ont participé au scrutin », c’est dire la désaffection que ressentent les musulmans pour une structure qu’ils estiment ne plus les représenter. Et « sans la participation de l’UMF, ce chiffre aurait été encore plus bas », affirme M. Yaakoubi, soulignant que «sans réelle représentativité, il n’y aura pas de légitimité (du CFCM) et les problèmes ne feraient que s’amplifier ».

« Actuellement, il y a un air de on prend les même et on recommence ». Il n’y a pas de renouvellement des dirigeants et encore moins de féminisation, le CFCM fait du sur place en tournant en rond. Il y a des gens qui ont fait de leur présence dans le CFCM une fin en soi, alors qu’ils n’ont rien à y faire. D’autres n’ont même pas de mosquées et ils ont recours à des stratagèmes pour participer aux élections en violation flagrante du règlement électoral. Ce sont les SDF du CFCM et cela complique le déroulement des élections et fausse la représentativité », regrette-t-il.

« Tout cela, les Musulmans ne le savent que trop bien et ils manifestent leur dégoût en boudant les élections. Tout cela, et plus, n’est qu’une partie de ce qui peut expliquer la crise de représentativité du CFCM et ce n’est un secret pour personne », dénonce le SG de l’UMF.

Selon M. Yaakoubi, « dans son état structurel actuel, son mode d’élection et son fonctionnement stérile, le CFCM ne peut pas répondre aux vœux du président Macron », préconisant de « faire table rase, en finir avec le système des cooptations qui permet à des fédérations qui ont zéro élu ou un seul élu de siéger quand même avec 10 membre au C.A. puisqu’ils ont le droit de coopter 9 sièges ».

« De l’autre coté vous avez l’UMF, grand vainqueur de ces élections avec 18 voire 19 sièges loin devant la Grande Mosquées de Paris (6), le Rassemblement des Musulmans de France (6) et le CCMTF (6), qui a zéro siège à coopter. C’est là le côté pervers de la réformette du CFCM : une fédération représentative est affaiblie parce qu’elle n’a pas le droit de coopter alors que d’autres avec zéro ou un siège élu ne sont pas représentatifs et pourtant on les impose à ceux qui ne veulent pas d’eux, en leur donnant 9 sièges ».

« C’est le monde à l’envers, faut-il que les français musulmans descendent dans la rue ou occupent le siège du CFCM pour se faire entendre ? », se demande-t-il.

« Le président français appelle le CFCM à opérer de vraies réformes pour être crédible, représentatif et donc le bon interlocuteur. La réforme ne peut se faire sans en finir avec la cooptation des dirigeants et leur auto-désignation s’éloignant chaque jour un peu plus des Français musulmans qui ne sont pas dupes », a martelé le SG de l’UMF.

Et c’est pour peser de son poids et réformer de l’intérieur le CFCM que l’UMF a décidé de prendre part aux élections du 10 et du 17 novembre.

Forte de son score qui reflète sa réelle représentativité sur le terrain, l’UMF entend apporter sa contribution, son expertise et ses compétences pour réformer en « profondeur un CFCM frileux qui a du mal à trouver la voie de la représentativité ».

« Il n’y a pas de secret, pour réformer le CFCM il faut le démocratiser en rendant la parole aux musulmans de base. Seules des élections libres et démocratiques sont de nature à rapprocher le CFCM de sa base qui disposera de son droit de choisir ses représentants et de les sanctionner s’ils ne répondent plus à ses attentes. Les Musulmans n’en peuvent plus de se voir imposer des dirigeants dont ils ne veulent pas », estime M. Yaakoubi.

« Sur le fond, l’UMF est porteuse de plusieurs projets dans différents domaines et qui peuvent apporter des réponses adéquates aux attentes des musulmans français », affirme le SG de l’UMF qui a tenu à préciser que « l’UMF ne vient pas avec ses gros sabots en donneur de leçons, qu’elle n’a pas une baguette magique non plus, au contraire elle souhaite travailler en toute humilité, dans l’entente et la fraternité avec toutes les bonnes volontés et toutes les composantes du CFCM ».

Prié de s’exprimer sur le débat actuel en France sur l’Islam, et son instrumentalisation par des médias et des partis politiques, le SG de l’UMF n’y va pas par quatre chemins. Il épingle « la misère du débat politique » dans l’hexagone.

« Pour certains dirigeants politiques en France, si l’Islam n’existait pas, il fallait l’inventer surtout à l’approche des échéances électorales. La misère du débat politique, le vide au niveau de la pensée philosophique et économique, le manque d’idées pour résoudre les vrais problèmes des Français apparaissent au grand jour », pointe-t-il.

Pour lui, le vrai débat consiste à résoudre “les vrais problèmes comme le chômage, la précarité, la condition des étudiants qui sont au dessous du seuil de la misère, la paupérisation des classes moyennes, les conditions des agriculteurs et des paysans, la crise des hôpitaux, le manque de moyens de l’école et de la police, le poids des multinationales qui ne payent pas d’impôt, les réformes institutionnelles, l’état des routes etc.». Les médias aussi doivent s’emparer de ces même vrais problèmes et d’en débattre, a-t-il affirmé.

 Il regrette qu’«à chaque fois que des élections approchent, tous les hommes politiques font du coude à coude devant les médias pour défendre la laïcité qui est, selon eux, menacée par l’Islam et les Musulmans ou pour dénoncer le port de signes ostentatoires».

«Nous leur disons avec insistance que l’Islam est compatible avec la laïcité et les lois de la République, que les Musulmans sont des fervents défenseurs d’une loi qui leur garantit le libre exercice de leur culte, le droit de croire ou de ne pas croire, le droit de s’afficher ou de ne pas s’afficher. Mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre».

Prié de dire si les manifestations contre l’islamophobie, comme celles de dimanche 10 novembre, sont-elle la meilleure réponse à apporter face à ce climat, le SG de l’UMF a affirmé que « les français musulmans sont des Français comme les autres et ils ont tout à fait le droit de manifester et de revendiquer. Tout ce qu’ils demandent c’est qu’on les laisse tranquilles et de ne pas les impliquer malgré eux dans un débat politique à somme nulle ».

 «Le 10 novembre, ils ont manifesté dans le calme et la bonne humeur apportant une des réponses au climat islamophobe pesant. Sur ce point précis les français musulmans aimeraient que la loi traite l’islamophobie comme elle traite les autres …phobies».

Du rôle que peuvent jouer les mosquées de France et leurs préposés pour lever l’amalgame entre Islam et terrorisme, le SG de l’UMF dira que les mosquées ont toujours été et elles seront toujours en première ligne pour lutter contre les amalgames qui sont faits entre Islam et terrorisme. De façon générale toutes les mosquées sont mobilisées pour identifier et dénoncer tout ce qui peut porter préjudice à l’Islam de près où de loin, a-t-il noté.

« Pour ne parler que des mosquées de l’UMF dont nous sommes responsables, elles sont sur tous les fronts. Dans le cadre des activités de l’UMF, nous avons organisé des journées d’étude sur l’extrémisme et ses déterminants, ses causes, ses effets tant sur la France que sur les musulmans et l’Islam. Nous avons mis en place des journées d’études sur la laïcité, le Jihad et sur le vivre ensemble. Tous les imams de l’hexagone ainsi qu’un large public jeune et moins jeune y ont été conviés à la mosquée d’Evry. Le succès de l’action était tel qu’il nous a été demandé d’organiser ces journées d’étude dans toute la France, ce que nous avons fait avec un impact considérable », s’est-il félicité.

Et, « parmi les idées reçues auxquelles nous avons tordu le cou, il y a ce cliché selon lequel l’Islam est incompatible avec la laïcité. Toutes nos mosquées d’Evry à Carpentras en passant par le Nord, le centre ou la Normandie ont pris une part active dans la lutte contre tout ce qui entache l’Islam et les musulmans en démontrant que l’Islam est une religion de paix, de fraternité, de coexistence pacifique et du vivre ensemble », a assuré M. Yaakoubi.

« Nous avons proclamé haut et fort que l’Islam est innocent de tout ce qui est terrorisme commis en son nom par des ignorants. Nous avons aussi clamé que les musulmans de France ne sont pas plus comptables des actes de quelques brebis galeuses parmi eux, que d’autres des brigades rouges, d’action directe, d’ETA et autre FLNC. Toutes nos mosquées sont vigilantes à ce qui se passe autour d’elles et y apportent des réponses », soutient le SG de l’UMF.

« Dans une action collective et concertée encadrée par l’UMF, nos mosquées ont massivement investi les réseaux sociaux combattant les extrémistes sur leur propre terrain et par leurs propres armes ».

De même, « nos mosquées prêchent un islam modéré pour rendre à cette belle religion ternie, souvent par des ignorants, son lustre d’antan », affirme-t-il.

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