Dépistage précoce et efficacité des traitements anticancéreux : Trois questions au cancérologue Ali Tahri

Dépistage précoce et efficacité des traitements anticancéreux : Trois questions au cancérologue Ali Tahri

vendredi, 25 novembre, 2022 à 9:57

– Propos recueillis par Karima HAJJI –

Rabat – Le cancer est l’une des principales causes de décès au monde, et son fardeau ne cesse de s’alourdir pour les systèmes de santé, dans un contexte qui laisse présager une augmentation du nombre de personnes touchées par cette pathologie dans les décennies à venir.

Au Maroc, près de 50.000 nouveaux cas de cancer sont enregistrés chaque année, tandis que les tumeurs constituent la deuxième cause de décès (13,4 % de décès), après les maladies cardiovasculaires.

Dans cet entretien accordé à la MAP, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le cancer ( 22 novembre de chaque année), le professeur Ali Tahri, spécialiste en cancérologie et président de l’Association des guides thérapeutiques en cancérologie, répond à trois questions concernant les facteurs entrainant la hausse du nombre de personnes atteintes de cancer, ainsi que les méthodes adoptées pour la détection précoce des cancers les plus répandus, outre le rôle du mode de vie dans la prévention de l’infection par cette maladie.

 

1 – D’année en année, le nombre de personnes atteintes de divers types de cancer augmente. Quels sont les facteurs de risque qui augmentent le taux d’infection par cette maladie ?

L’augmentation du nombre de cas de cancer s’explique principalement par l’augmentation de la durée de vie, car plus on vieillit, plus on développe le risque d’attraper un cancer. En plus, le développement des moyens de diagnostic de cette maladie a permis de détecter précocement le cancer, après que dans le passé, de nombreuses personnes mouraient sans que les causes de décès ne soient connues.

De nombreuses infections virales devenues courantes, telles que le sida et les hépatites, figurent également parmi les causes de cancer. S’y ajoutent le tabagisme et la consommation d’alcool par de larges groupes de personnes, et ce, malgré les campagnes de sensibilisation organisées tout au long de l’année pour attirer l’attention sur les dangers de la cigarette et des boissons alcoolisées qui constituent des causes directes du cancer.

Il faut préciser qu’à la lumière des développements et évolutions du monde de la médecine, le cancer n’est plus classé dans la catégorie des maladies mortelles et qu’il est principalement question du degré de cancer. Lorsqu’il est détecté à un stade très précoce, à savoir dans les premières phases, le traitement est possible pour trois cas sur quatre, soit environ 75 % des cas, et pour tous les types de cancers qu’il est désormais possible de traiter efficacement, que ce soit par des traitements topiques : chirurgie, radiothérapie ou des traitements généraux qui comprennent la chimiothérapie, l’hormonothérapie, la thérapie ciblée et l’immunothérapie. Ces types de traitements et de médicaments donnent d’excellents résultats pour le traitement des cancers en général.

 

2 – Comment se fait le dépistage précoce des cancers les plus fréquents (sein, col de l’utérus, prostate) ?

Il existe deux types de détection précoce. Le premier est le dépistage lorsqu’une personne effectue un examen médical sans présenter de symptômes. Le second type est le diagnostic précoce, qui est effectué par la personne lorsqu’elle ressent un ou plusieurs symptômes, tels qu’une masse suspecte au niveau du sein, une hémorragie ou d’autres symptômes. Dans ce contexte, nous cherchons à sensibiliser les gens sur l’importance d’un dépistage et de ne pas attendre l’apparition de symptômes pour aller chez le médecin.

Quant au processus de détection du cancer du sein, il se fait par échographie et mammographie chez la femme tous les deux ou trois ans, à partir de l’âge de 45 ans. Cela peut se faire à partir de 40 ans en cas de risque familial, à savoir la présence de plus de deux cas de cancer parmi les proches de la personne (sœur, fille, mère, tante et oncle). Nous cherchons également à sensibiliser les femmes sur l’importance d’effectuer un auto-examen mammaire une fois par mois après les menstruations.

Quant au cancer du col de l’utérus, qui fait également partie des cancers les plus fréquents, le dépistage précoce se fait par un test Pap (frottis cervico-vaginal), qui est réalisé dès le premier rapport sexuel d’une femme tous les deux ou trois ans afin de détecter les possibilités d’infection ou de microbe, ainsi que la possibilité de la présence du VPH (virus du papillome humain), qui représente la principale cause du cancer du col de l’utérus.

S’agissant du cancer de la prostate, une analyse appelée « test de l’antigène spécifique de la prostate » (APS) est réalisée une fois par an, à partir de 45 ans. Si le résultat de cette analyse est élevée, le patient effectue un certain nombre de tests pour savoir s’il est lié à un défaut de la prostate ou à un éventuel cancer de la prostate. Ensuite, on recourt à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), et si nécessaire, à un test de biopsie de la prostate est effectué pour détecter la présence ou non d’un cancer.

En plus de ces cancers, d’autres tests diagnostiques sont pratiqués pour détecter d’autres types de cancers, à travers un test de recherche de sang occulte dans les selles (Hémoccult), qui n’est pratiquée que dans les pays développés, et ce, à partir de la cinquantaine. Cette analyse permet ainsi de détecter précocement un cancer de l’intestin ou la présence de plaies ou de saignements sanglants à un stade très précoce avant qu’il ne se transforme en cancer.

 

3 – Existe-t-il un mode de vie qui aide à prévenir le cancer ?

 

En effet, il existe une dizaine de recommandations qui peuvent contribuer de manière significative à la protection contre le cancer et qui consistent en premier lieu à arrêter définitivement et de toute urgence la cigarette, car le tabac comme l’alcool représentent environ 40% des causes de cancer, dont les plus répandus sont les cancers du poumon, du larynx, du pancréas et de la vessie.

Deuxièmement, il faut éviter la consommation d’alcool, dont le lien étroit avec de multiples cancers, tels que le cancer de foie et de l’estomac, a été prouvé.

Troisièmement, vous devez régulièrement faire de l’exercice d’une demi-heure à quarante-cinq minutes, et ce, au moins trois fois par semaine. Même s’ils sont légers, comme la marche, ces exercices sont suffisants pour prévenir le cancer.

Quatrièmement, une exposition excessive au soleil doit être évitée, et il est nécessaire de porter des vêtements de protection et d’utiliser des crèmes et des onguents qui ont un indice de protection élevé afin de protéger notre peau des risques du soleil qui provoquent des cancers de la peau.

Cinquièmement, il faut se faire vacciner contre l’hépatite virale, et contre le VPH qui entraîne un cancer du col de l’utérus. Ces deux vaccins contribuent à la prévention des cancers du foie et du col de l’utérus.

Sixièmement, il faut sensibiliser sur les dangers des relations sexuelles non protégées qui sont une cause majeure d’infection par le VIH et le virus qui cause le cancer du col de l’utérus.

Septièmement, la consommation de viande rouge devrait être réduite car de nombreuses études scientifiques ont montré qu’elle augmente le risque de nombreux cancers, dont les plus courants sont les cancers de l’intestin, de la prostate et du pancréas.

Huitièmement, il est nécessaire de maintenir un poids santé en maintenant un indice de masse corporelle (IMC) normal, qui est calculé en divisant le poids par la taille au carré en mètres (kg / mètre2). Les principales classifications de l’IMC vont de 18-25 pour un poids normal, 25-30 pour les personnes en surpoids et de plus de 30 pour les personnes obèses. Nous devons ajuster cet indicateur pour prévenir les types de cancer liés au surpoids ou à l’obésité.

Neuvièmement, assurez-vous de faire un examen périodique complet à partir de 40 ans chez le médecin de famille au moins une fois par an. Il peut être nécessaire de subir ces tests tôt chez les personnes à haut risque de développer un cancer en raison de facteurs génétiques.

Dixièmement, il est important de connaître les antécédents familiaux pour savoir s’il existe un risque génétique ou non, et de sensibiliser la personne concernée sur la nécessité d’être plus prudente que les autres.

Ce sont alors dix conseils qui contribuent efficacement à la prévention du cancer, qui n’est pourtant pas une maladie facile, car elle nécessite une détection précoce afin d’augmenter à 100% les chances de traitement du cancer de premier stade, tandis qu’elles peuvent être inférieur à 5 % si le cancer s’est propagé à d’autres organes (métastase).

 

 

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