Affiches électorales : Quand la campagne tourne à la dérision

Affiches électorales : Quand la campagne tourne à la dérision

lundi, 13 novembre, 2017 à 11:46

– Par Hamid Aqerrout -.

 

Alger – Jamais une campagne électorale n’a fait parler d’elle comme celle pour les élections municipales et départementales du 23 novembre en Algérie. Il faut dire que les candidats ont redoublé d’ingéniosité pour la rendre «hilarante» voire «ridicule». De l’avis de tous, les affiches conçues pour l’occasion sont, en effet, un modèle de médiocrité et un non-sens en matière de communication.

Pas de programme pointu ni de débat houleux autour de ce scrutin que d’aucuns qualifient de «sans enjeux», seulement d’innombrables affiches plus atypiques les unes que les autres, tournées en ridicule, détournées puis parodiées sur la toile.

En effet, depuis le lancement de la campagne électorale, le 29 octobre, les affiches choisies par certains candidats font le buzz. Certains candidats ont eu recours à des affiches surprenantes et parfois hilarantes, pour faire campagne.

La photo la plus «ridicule» et la plus partagée par les Algériens sur les réseaux sociaux reste, sans conteste, celle des «Aigles du futur», l’une des listes des candidats du Front El Moustakbel (sans appartenance politique). Un photomontage plutôt grossier qui affiche le candidat tête de liste debout sur la nuque d’un aigle géant, habillé en qamis blanc, tandis que les autres candidats sont accroupis sur ses ailes écartés.

Un tacle ironique qui a immédiatement fait réagir les citoyens algériens, en ce sens que les moqueries ne se comptent plus. «Nous en sommes arrivés à un point où l’on a du mal à distinguer le vrai de la satire», déplorent certains citoyens. D’autres ironisent : «Soit ce sont des Ikhwan (islamistes) miniatures qui font du yoga sur un aigle, soit il s’agit d’un aigle géant. Sur les réseaux sociaux, le photomontage a suscité de nombreuses moqueries, tant sur sa qualité qualifiée de “ridicule” que sur la référence, à double tranchant, aux rapaces, “réputées pour leur capacité à repérer et à chasser leurs proies”.

Du côté du Mouvement populaire algérien (social démocrate) basé en Kabylie, le visuel n’est pas plus valorisant, surtout pour les candidates. Le visage de deux militantes a en effet été remplacé par des roses. Qui voterait pour une personne incarnée par une fleur ? », s’interroge un internaute sur Twitter. L’image de la gent féminine algérienne est fortement touchée, selon un autre, qui précise qu’«on ne rigole pas avec l’honneur des femmes».

Comme pour les législatives de mai dernier, le visage de certaines candidates a également été occulté et, cette fois, remplacé par un avatar en hijab chez les Indépendants de Boghni (wilaya de Tizi Ouzou) ainsi qu’au Front des forces socialistes (FFS) à Bordj Bou Arreridj, entre la Kabylie et les Hauts-Plateaux.

Sur une autre affiche la liste des candidats a été présentée sous ce qui semble être un arbre généalogique. Portant le slogan «Toutes nos voix pour El Moustakbal», cette affiche a eu, comme la première, son lot de moqueries. «Je vais l’ajouter à mon dossier d’immigration», plaisante un commentateur qui déplore le fait que l’Algérie est devenue «une risée» du monde, à cause de cette «mascarade électorale».

Toujours sur le registre de la «médiocrité électorale», une autre affiche a suscité la curiosité des Algériens et des observateurs. La photo d’un candidat du Mouvement populaire, avec barbe hérissée et bonnet vissé sur la tête, laisse penser qu’il s’agit d’un islamiste. Un contraste avec le libéralisme affiché par le président du parti Amara Benyounes, qui n’est pas connu pour être un islamiste. «Une alliance contre-nature, un islamiste en tête de liste d’un parti laïc. Ni principe, ni programme, ils sont tous pour la courtisanerie», lance un citoyen, notant que cette affiche explique très bien la situation politique en Algérie.

A Bordj Bou-Arréridj, à 200 km au nord d’Alger, l’affiche électorale de l’Alliance formée par les partis El-Adala (FJD), Ennahda et El-Bina soulève des remous du côté des électeurs. Le visage de deux candidates, portant le hijab, est brouillé de telle manière à ne pas être visible, contrairement à ceux de leurs colistiers hommes. Sous la photo ainsi voilée, sans jeu de mots, sont mentionnés le nom, les diplômes et la profession des deux postulantes à la députation.

Dès lors, les électeurs sont appelés à voter pour une liste dont une partie de la composante n’est pas visuellement identifiée.

Deux semaines donc après l’entame de la campagne électorale pour ce double scrutin local, les partis politiques rivalisent d’originalité à telle enseigne que certains sont retombés dans les travers des élections précédentes. Ainsi, des femmes sont représentées sur certaines listes par des pictogrammes ou des fleurs, alors qu’un candidat du parti du Front de libération nationale (FLN), au pouvoir, s’est surnommé Nelson Mandela.

Force est d’admettre que si l’arrachage des affiches est monnaie courante lors des différentes élections, dans certaines régions du pays, des habitants ont un génie dans la guerre psychologique de l’affichage. Certains candidats auraient payé des colleurs d’affiches pour non seulement arracher les affiches de leurs rivaux mais, pis encore, les faire remplacer par des posters d’animaux sauvages, tel le sanglier.

En plus de tous ces travers, la campagne électorale comptabilise aussi les désagréments de l’affichage anarchique sur les murs des structures publiques et privées. Il suffit de se balader dans les rues de la capitale ou des autres grandes agglomérations urbaines pour prendre la mesure de ce phénomène qui revient avec la même intensité qu’aux législatives de mai dernier. Les affiches se trouvent partout, sur les façades des immeubles, les portes, les rideaux de magasins, les panneaux de signalisation routière, les mosquées et les écoles, les autobus, voire même sur les bacs à poubelles. Elles sont étrangement moins présentes sur les espaces qui leur ont été dédiés. Dans certains cas, l’affichage électoral prend l’allure d’une «agression», notamment quand les gens se lèvent le matin et découvrent le portail de leur maison et de leur magasin totalement couvert par des affiches électorales.

«Ce que nous voyons est absurde. Des affiches sur des bacs à ordures, c’est du jamais vu. Qu’est-ce qu’on peut attendre d’un candidat qui se conduit durant sa campagne d’une telle façon ?», lance un habitant d’un quartier résidentiel d’Alger.

S’il est prématuré d’anticiper sur la réaction des électeurs à mesure qu’approche le 23 novembre, il reste que le spectre d’une désaffection plane plus que jamais sur le prochain scrutin local au regard du faible engouement affiché par la population. Et de l’avis de nombreux observateurs et analystes politiques, un remake d’un scénario, similaire à celui des législatives, n’est pas à exclure tant l’ambiance générale durant ces deux semaines de campagne donne à penser que l’Algérie ne s’apprête pas à vivre un rendez-vous électoral.

 

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