Présidentielle en Autriche: heureux épilogue d’un scrutin à haut risque qui jouait les prolongations

Présidentielle en Autriche: heureux épilogue d’un scrutin à haut risque qui jouait les prolongations

lundi, 5 décembre, 2016 à 11:22

Par Rachid Sami

Vienne – En remportant dimanche les élections présidentielles par 53,6 pc des voix, selon les derniers résultats du scrutin que le chef de file du parti d’extrême droite (FPÖ-extrême droite) Norbert Hofer reconnait avoir perdu, le candidat indépendant, Alexander Van der Bellen, a mis fin à un suspense qui n’a que trop duré, plongeant le pays dans le doute.

L’ancien leader des Verts a battu de nouveau M. Hofer qui a obtenu 46,4 pc, la marge d’erreur est de 1, 2 point et ce, dans le cadre d’une répétition du second tour annulé le 1er juillet par la Cour constitutionnelle d’Autriche pour des irrégularités de procédure dans le dépouillement des votes par correspondance.

Immédiatement après l’annonce des premières estimations publiées peu après la fermeture à 17H00 (16H00 GMT) des bureaux de vote, le FPÖ a reconnu la défaite de son candidat par la voix du directeur de sa campagne, Herbert Kickl qui a félicité le vainqueur.

Les résultats officiels ne seront pas annoncés avant le dépouillement lundi du vote par correspondance, très prisé en Autriche, et qui avait fait basculer l’élection en faveur de M. Van der Bellen dans le second tour annulé qui a eu lieu le 22 mai.

Dans une déclaration à la presse, le ministre de l’intérieur, Wolfgang Sobotka (ÖVP-conservateur) a assuré que cette élection répétée n’a pas été entachée d’irrégularités. Ce qui écarte d’emblée le risque d’une nouvelle répétition, d’autant que M. Hofer qui se projetait déjà comme le premier président d’extrême droite en Autriche et dans l’Union européenne, a appelé ‘’tous les Autrichiens à travailler ensemble’’, dans un message posté sur Facebook, assurant que son parti n’a pas l’intention de contester ce résultat.

Et même si les sondages ne lui ont pas été toujours favorables, cet écologiste de sensibilité libérale et centriste, a réussi le challenge de remporter les élections, en comptant sur le soutien de ses anciens camarades dans le parti des Verts (Die Grünen) et celui d’éminentes personnalités de tous bords mais sans l’appui direct des deux grandes formations politiques au pouvoir, les sociaux-démocrates (SPÖ) et les conservateurs (ÖVP), dont les dirigeants n’ont donné de consigne de vote en sa faveur tout en exprimant individuellement leur choix personnel pour lui.

Peu avant le début de ce scrutin crucial et très serré, M. Van der Bellen s’était montré très optimiste et assuré de la victoire malgré les pronostics des sondages qui n’excluaient pas sa défaite face au candidat d’extrême droite, disant qu’il allait gagner comme la première fois lors du second tour réglementaire en mai dernier.

Dans ses déclarations à la presse, il se disait toujours assuré de la victoire, se positionnant en tant que candidat rassembleur ayant le soutien de toutes les composantes de la société autrichienne alors que son adversaire, M. Hofer n’a que son parti, appelant à la mobilisation des électeurs pour faire barrage à la vague bleue (extrême droite).

Tout en critiquant le FPÖ, un parti europhobe, selon lui, M. Van der Bellen assurait qu’il s’opposera en tant que président à toute tentative de sortie de l’Autriche de l’Union européenne (Öxit).

Pourtant, cette victoire n’était pas à 100 pc certaine, pour ne pas dire une mission impossible au vu de la forte poussée de l’extrême droite autrichienne et l’acharnement des dirigeants et militants de l’ÖVP contre M. Van der Bellen pour le décrédibiliser aux yeux de l’électorat, surtout sur les réseaux sociaux, support propice à la propagation des rumeurs qui évoquaient, entre autres, sa supposée collaboration avec les services de renseignement russes à l’époque de la défunte Union Soviétique ou encore qu’il est atteint d’un cancer. Serein et imperturbable, M. Van der Bellen a jugé que l’accusation d’espionnage est ridicule et sans fondement. Fumeur, M. Van der Bellen, a également publié son bilan de santé délivré par l’hôpital général de Vienne (AKH), certifiant qu’il est en bonne santé.

Grâce à ce triomphe électoral, M. Alexander Van der Bellen a bien montré sa capacité à se positionner en tant que rempart à l’extrême droite, au grand soulagement d’une grande majorité d’autrichiens et aussi des pays européens qui redoutaient une possible victoire d’un candidat représentant l’extrême droite.

Au grand soulagement aussi de la communauté musulmane dans ce petit pays alpin (600.000 musulmans), d’autant que le candidat déchu et son parti le FPÖ, battu par deux fois, ne cachent pas leur islamophobie. En septembre dernier, M. Hofer avait déclaré à l’Agence de presse autrichienne APA, que s’il était élu, il sera contre l’organisation au palais du Hofburg (siège de la présidence) de la traditionnelle réception de rupture du jeûne au mois de Ramadan en présence des représentants de la communauté musulmane en Autriche, comme cela était le cas lors des deux mandats de l’ancien président social-démocrate, Heinz Fischer (2004-2016).

Dans une déclaration à la MAP, Tarafa Baghajati, Président de l’initiative des musulmans autrichiens et responsable pédagogique au sein de la communauté des musulmans d’Autriche (Islamische Glaubensgemeinschaft in österreich-IGGIÖ), a, d’emblée, souligné que les musulmans et les arabes ont accueilli avec grande joie et un réel soulagement la victoire de M. Van der Bellen contre le candidat d’extrême droite, lequel est franchement islamophobe, ne reconnaissant pas l’islam comme faisant partie intégrante de la société autrichienne et européenne alors que l’Autriche a été le premier pays européen à reconnaître officiellement la communauté musulmane en adoptant un loi sur l’islam, il y de cela plus de 100 ans.

Et ce responsable religieux d’origine syrienne qui réside en Autriche depuis 1986, de rappeler que M. Hofer avait déclaré qu’il s’opposera en tant que président à la nomination d’une femme ministre portant le voile dans le gouvernement autrichien.

Tout en notant que les musulmans d’Autriche connaissent bien la valeur de M. Van der Bellen et apprécient ses qualités humaines et son ouverture, il a affirmé que ce triomphe électoral a permis de faire barrage à l’extrême droite qui cherche à rétablir le rideau de fer en Europe pour stopper l’arrivée des réfugiés.

Alexander Van Der Bellen qui aura 73 ans peu avant son investiture, a enseigné pendant 20 ans l’économie dans les universités de Vienne et Innsbruck dans le land du Tyrol (extrême-ouest d’Autriche). Fils d’une mère estonienne et d’un père russe de la noblesse russe, il s’est remarié peu avant l’annonce de sa candidature en janvier dernier avec la présidente du groupe du parti des verts-Alternative verte au parlement, Doris Schmidauer. Lors de sa très longue campagne électorale, onze mois, il se définissait comme un outsider, affirmant qu’il envisageait ce deuxième tour crucial avec sérénité et confiance.

Tout en se réjouissant ce dimanche de la victoire d’une “Autriche pro-européenne’’, il a déclaré à la presse qu’il s’activera durant son mandat à défendre les valeurs d’égalité, de liberté et de solidarité.

Le président autrichien est élu pour un mandat de 6 ans. Il est rééligible une seule fois. Il s’agit d’une fonction honorifique, les pouvoirs étant détenus par le chancelier fédéral. Mais il n’en reste pas moins qu’il bénéficie d’une grande autorité morale, un président-arbitre au-dessus des partis.

A signaler, enfin, que le parlement autrichien avait annoncé le 19 septembre dernier avoir choisi le 26 janvier 2017 comme date de la cérémonie de prestation du serment du nouveau président d’Autriche. Une fixée de manière à permettre un délai suffisant à l’instruction d’un éventuel recours en annulation comme cela a été le cas le 1er juillet dernier. Mais cette perspective est, d’ores et déjà, écartée puisque le candidat déchu a reconnaît sa défaite avant même la proclamation officielle du résultat du scrutin prévue ce lundi.

 

 

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