Archives au Maroc, une composante stratégique extirpée de l’agonie

Archives au Maroc, une composante stratégique extirpée de l’agonie

samedi, 28 novembre, 2015 à 13:32

Par Otmane ELMIBRAK

Rabat – Au Maroc, il fut un temps où “Archives” laissaient entendre une besogne des sous-fifres et des bouche-trous ou encore, parfois, un service optionnel où l’on laisse croupir des bras-cassés et toute persona non grata au sein des administrations ou sociétés.
Bien que cette acception, qui n’épargne ni le secteur public ni son pendant privé, s’obstine à s’oblitérer complètement, une culture archivistique semble, tant bien que mal, gagner du terrain, notamment après l’adoption de la loi 69-99 du 30 novembre 2007, portant création des Archives du Maroc et qui, vaille que vaille, a permis de ressusciter le débat autour de cette discipline et laissé entrevoir les prémices d’une politique d’archivage conforme aux standards internationaux.
Cette loi, dont le décret d’application n’a été adopté que le 3 septembre dernier, constitue bel et bien une percée indéniable en vue de doter le Maroc d’une véritable pratique archivistique où plan de classement, bordereau de versement et calendrier de conservation seraient monnaie courante dans le quotidien du fonctionnaire et du salarié marocains.
Et comme le Maroc va célébrer la Journée nationale des Archives ce 30 novembre, l’avis d’un connaisseur est de mise pour revisiter les avancées, établir l’état des lieux et prospecter l’avenir de la gestion des archives ou du “Records management” pour les plus avertis.
En historien aguerri et ardent défenseur de la discipline au Maroc Jamaâ Baïda, directeur des Archives du Maroc a confié, dans un entretien à la MAP, qu’il était harassant de partir du néant.
“Nous sommes partis à zéro”. Une foultitude d’actions devaient être engagées et, naturellement, sur plusieurs fronts : Législation, formation, locaux de stockage, guides référentiels etc, a-t-il précisé.
Toujours est-il que l’approbation du décret susmentionné n’est que l’aboutissement d’un travail de longue haleine mené, de bout en bout, par Archives du Maroc avec le concours précieux du Secrétariat général du gouvernement et qui, a noté le directeur d’Archives du Maroc, permettra, à terme, de doter le Maroc d’une politique archivistique en bonne et due forme, “du moins espère-t-on”.
Au tout début, on s’est rendu à l’évidence qu’il y a un retard abyssal à rattraper dans la gestion des archives nationales, a dit M. Baïda, soulignant le défaut de transparence caractérisant ce domaine qui constitue, foncièrement, un gage de la continuité des services de l’Etat et une base permettant d’épingler les carences de la gestion financière au sein des organismes.
Heureusement, s’est-il félicité, une volonté politique et une prise de conscience sociétale commençaient à se faire sentir et se sont traduites par l’approbation en conseil de gouvernement dudit décret, combien salutaire pour organiser et réglementer ce domaine qui représente “un pan essentiel de l’identité marocaine”.
Pour autant, a-t-il fait remarquer, nombre d’initiatives concrètes devraient s’ensuivre en rapport, entre autres, avec la garantie des conditions nécessaires à l’action d’Archives du Maroc, notamment un siège au diapason des standards internationaux où cette institution “stratégique” élira domicile.
Le Maroc vit au rythme d’une dynamique de modernisation tous azimuts et les archives ne doivent pas être en reste, d’autant plus que les archives nationales, du haut de leur caractère stratégique, revêtent une grande importance dans le renforcement de l’Etat du droit, a signalé M. Beida.
Le dépôt des archives, publiques soient-elles ou privées, auprès d’Archives du Maroc permet, en plus de garantir leur pérennité, de prémunir les principes de transparence et de gouvernance, ces fonds étant un trait d’union entre responsabilité et réédition des comptes.
Lapalissade. Tout responsable, en charge d’un service public, produit et reçoit des archives, a-t-il dit, ajoutant qu’à défaut, on ne dispose d’aucun document à valeur probatoire pour attester de tout dérapage managérial.
Concernant la commémoration de la Journée nationale des Archives, M. Baïda évoque une occasion de sensibiliser les responsables, les fonctionnaires mais aussi le citoyen lambda à l’importance d’assimiler, à sa juste valeur, la place qui échoit aux archives comme outil de démocratie, de progrès et de gestion quotidienne des services de l’Etat.
C’est, aussi, une opportunité de remettre en cause la politique archivistique du Maroc qui n’arrive toujours pas à retrouver ses repères, a-t-il repris.
Comme toute date commémorative, cette journée est l’occasion de dresser les bilans. M. Beida a ainsi fait savoir qu’Archives du Maroc a inventorié, depuis son éclosion en 2011, quelque 2.500 mètres linéaires d’archives publiques datant de l’ère d’avant l’indépendance, déplorant que certaines administrations n’aient toujours pas versé leurs “archives historiques” à l’institution dont il préside aux destinées.
Archives du Maroc, a-t-il poursuivi, œuvre également à sensibiliser à l’importance des archives privées, se réjouissant, dans ce sens, que plusieurs citoyens, des mondes du théâtre et de la politique, une zaouïa ainsi que l’église catholique de Tanger ont, volontairement, fait donation de leurs archives respectives.
Et d’enchaîner qu’Archives du Maroc a conclu des accords de partenariats et de coopération avec nombre d’institutions nationales et étrangères, notamment en France, pour bénéficier de leurs expériences en matière archivistique, particulièrement pour ce qui est de la formation des compétences et de la numérisation des documents.
Le clou des réalisations, a-t-il fait valoir, n’est autre que l’adoption du décret d’application de la loi 69-99 qui constituera la tête de pont de la Stratégie nationale de gestion des Archives, son énoncé stipulant notamment la création d’unités centrales d’archives au sein de tous les départements publics et qui seront des interlocuteurs directs des Archives du Maroc.
Et d’indiquer qu’Archives du Maroc est en train de formaliser un guide référentiel de la gestion des Archives publiques, permettant de départager les documents à conserver et ceux à détruire. Aussi, cette institution est en train d’établir un diagnostic de l’état des archives nationales, vis-à-vis desquelles on a manifesté un désintérêt “lamentable” depuis l’indépendance, sur les plans du traitement, du conditionnement et de la conservation, a fait constater M. Baïda.
Concernant la régionalisation avancée, a-t-il fait observer, l’Institution des Archives du Maroc, soucieuse d’apporter sa pierre à ce chantier, veillera à doter chaque région du Royaume d’une entité d’archives régionales, par accords de partenariat interposés.
La Journée nationale des archives intervenant des jours après le quarantenaire de la Marche verte, M. Beida a affirmé, comme pour contextualiser cette journée commémorative, que les Archives font également office d’un instrument de défense de l’intégrité territoriale du Royaume.
“Pour l’organisation de cette glorieuse Marche, le Maroc s’était appuyé aussi sur les avis consultatifs de la Cour internationale de Justice à La Haye, dans l’élaboration desquels les Archives historiques ont eu le dernier mot” a-t-il étayé.
Sur les handicaps face à la promotion des Archives nationales, M. Baïda a évoqué le manque d’une culture archivistique notamment chez les responsables, dont certains rechignent à accompagner les projets de l’Institution.
Autre bémol. Il a cité le défaut d’un cadre juridique régissant la profession d’archiviste, appelant à mettre au point des textes juridiques à cet effet, au regard de la mission “noble et colossale” dont s’acquittent ces professionnels.
Le programme de célébration de la Journée nationale des Archives, à laquelle l’on a retenu le signe “Archives privées : Patrimoine national ?”, prévoit une table-ronde sur certains fonds d’archives privés et les modes de leur gestion, animée par un parterre d’universitaires et experts marocains et étrangers. Il comporte aussi une rencontre-hommage à des personnes ayant fait don de leurs fonds à Archives du Maroc.
Force est de souligner qu’au-delà de la simple gestion d’une paperasse dans ses stades courant, intermédiaire et historique, un système perspicace de gestion des archives se veut un piédestal de la mémoire des pays et un témoin éternel de leur histoire.
Qui plus est, il s’agit d’un prélude clé pour pouvoir aborder avec aisance et assurance le management des Archives électroniques, dont la volumétrie, comparativement aux archives traditionnelles, est exponentiellement tentaculaire.

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