L’auto-entrepreneure Aicha Harbal, entre handicap et défis de l’autonomisation économique à l’ère du Covid-19

L’auto-entrepreneure Aicha Harbal, entre handicap et défis de l’autonomisation économique à l’ère du Covid-19

samedi, 20 juin, 2020 à 12:03

.- Par Hosna AFAINO-.

Rabat – Dans son local de broderie et de couture, Aicha Harbal s’exprime d’un ton souriant et confiant sur son handicap et son projet sur lequel elle mise gros pour pouvoir assurer son autonomisation économique et investir des horizons beaucoup plus larges.

Celle qui a vu le jour, en bonne santé, à Douar Zouiriyin aux environs de Ouezzane, a achevé son sixième mois avant qu’elle ne commence à présenter des malaises couplés d’une hausse inquiétante de la température.

A cet âge si tendre, le destin a voulu tracer un autre trajet pour Aicha et contraint la maman endeuillée de chercher le remède escompté pour sa fille tantôt auprès des dispensaires de santé tantôt chez les voyantes et les marabouts.

Aicha ayant grandi avec sa maladie ne pouvait nullement marcher sans l’aide de l’un des membres de sa famille alors que l’amertume a envahi le cœur de la maman qui voit avec tant d’anxiété et de chagrin sa fille incapable de jouer, de marcher et de courir tout comme ses pairs.

Et si le malheur des uns fait le bonheur des autres. Un jour, la maman tomba malade avant d’être transférée à Rabat pour recevoir les soins nécessaires, et c’était la bouée de sauvetage ou presque pour la petite Aicha.

La famille décida alors de s’installer à Salé, ce qui a permis à la fille de 5 ans de suivre, pour le plus grand bonheur de la maman, un traitement avec des spécialistes en rhumatologie et en neurologie.

Aicha a subi dix opérations chirurgicales en autant d’années pour redresser sa jambe droite. Or, ses visites récurrentes à l’hôpital, les procédures de suivi médical et les séances de kinésithérapie l’ont privé de rejoindre les bancs de l’école.

Cependant, la passion et la grande prise de conscience de l’importance de la lecture et de l’écriture ont constitué une source de motivation intarissable pour Aicha qui n’a pas raté l’occasion de s’inscrire aux cours d’alphabétisation. Elle a réussi cet énième défi grâce à son autodidacte et son dynamisme.

Et pour aller de l’avant dans la concrétisation de ses ambitions, Aicha a transformé sa maison en un atelier, ce qui lui a permis de venir à bout de l’ennui et de l’inertie physique qui lui étaient imposés. De prime abord, elle a appris d’une amie, en un laps de temps, les techniques de la broderie et de la couture et ce grâce à son intelligence et son envie inégalée d’apprentissage.

Ses doigts créatifs et son goût raffiné lui ont permis d’acquérir une grande notoriété et sa clientèle commence à s’étoffer.

“Au fur et à mesure que mes capacités de mobilité se sont améliorées, j’ai rejoint le Centre national Mohammed VI des handicapés pour bénéficier de ses services”, confie Aicha dans un entretien accordé à la MAP.

De même, Aicha a pratiqué une pléthore d’activités sportives après avoir intégré l’Association des personnes handicapées de Témara, entre autres l’équitation, la natation et l’athlétisme et plus particulièrement le lancer du poids et lancer du javelot.

“Au début, mon seul souci était d’améliorer ma condition physique puis, j’ai été sélectionnée pour représenter des clubs sportifs dans les compétitions organisées dans plusieurs villes”, a-t-elle poursuivi, citant à titre d’exemple sa participation aux championnats locaux au Centre national des sports Moulay Rachid et sa qualification pour les jeux de lancer du javelot tenus à Khemisset, Meknès et Marrakech, qui ont connu la participation de plusieurs pays, dont la Tunisie, l’Egypte et la Libye.

Cependant, des facteurs sociaux liés au souci de la famille de voir sa fille voyager loin du foyer ont constitué la pierre d’achoppement sur laquelle vient buter le parcours sportif d’une jeune fille débordante d’énergie et d’ambitions.

“Tiraillée entre mes ambitions personnelles et les contraintes de la société, j’avais eu l’embarras du choix. Je me suis retrouvée devant deux chemins et au final j’ai opté pour celui qui préserverait la cohésion et la paix intérieure de ma famille. Donc, je me suis contentée de mes activités sportives sans aller participer aux manifestations et championnats”, a-t-elle expliqué.

Aicha ne s’est pas reposée sur ses lauriers. Elle a aiguisé son talent avéré dans le domaine de la broderie et de la couture et a pu avoir une source de revenu qui lui a permis de subvenir à ses besoins avant de commencer peu à peu à conquérir la clientèle à la faveur de sa dextérité, mais aussi de la confiance dont elle jouit auprès de ses clients.

La jeune couturière décide ensuite de passer à la vitesse de croisière. Pour ce faire, elle a recruté deux jeunes filles, puis quatre avant d’organiser un premier défilé de mode.

“J’ai toujours voulu explorer de nouveaux horizons, mais le manque de moyens me freine”, a-t-elle dit, notant qu’elle a assumé la noble responsabilité de prendre en charge ses parents après avoir pris, auparavant, celle de ses frères et sœurs.

D’ailleurs, le fait de continuer à prendre soin de ses parents était sa seule condition présentée à son futur époux, un agent de propreté.

“Ma mère est une femme au foyer, alors que mon père, vu son âge très avancé, n’était plus capable d’exercer son métier de marchand ambulant dans les rues de Salé”, souligne Aicha.

L’idée de monter son propre projet était toujours le rêve de Aicha. En 2015, elle déposa son dossier auprès de l’Entraide nationale en vue de bénéficier d’un soutien financier de 60.000 dhs.

Le dossier a été validé et la jeune Aicha a pu créer son projet après avoir acquis le matériel de broderie et de couture nécessaire et recruté une dizaine de femmes et de filles.

Avant qu’Aicha ne se lance dans sa nouvelle aventure, la pandémie du nouveau coronavirus vient tomber tel un couperet sur ses plans.

Le confinement a été décrété, et Aicha s’est vue contrainte de faire pause en raison de la situation sanitaire exceptionnelle et de revenir bredouille chez ses parents.

“J’ai arrêté mon activité, licencié les femmes qui travaillent avec moi et je me suis confinée dans la maison comme tous les citoyens. La pandémie a tout chamboulé”, dit-elle d’un ton attristé.

La seule consolation de Aicha, qui dit ne pas avoir encore bénéficier de la subvention accordée aux personnes nécessiteuses lors de cette pandémie, est bel et bien cet esprit de solidarité et d’entraide qui caractérise le peuple marocain.

En dépit de ces contraintes, Aicha nourrit l’espoir de pouvoir créer un jour une association ou une coopérative spécialisée dans la formation des filles et des femmes dans les arts de broderie et de couture afin qu’elles puissent monter leurs propres projets et assurer leur autonomisation économique.

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