Le débat sur l’Islam en Allemagne ou le sempiternel questionnement sur la place de cette religion dans la société

Le débat sur l’Islam en Allemagne ou le sempiternel questionnement sur la place de cette religion dans la société

mardi, 25 juillet, 2017 à 10:50

 
                                (Par Nadia Abram)

    Berlin – Les appréhensions que ressent une partie de la société allemande vis-à-vis de l’Islam et la réserve dont elle fait en général montre à l’endroit des musulmans ne sont pas propres à l’Allemagne, surtout après la recrudescence des attentats commis dans plusieurs pays européens par des terroristes se proclamant de l’islamisme radical.
    Les jugements de valeurs portés sur l’Islam et les musulmans ancrés chez une bonne partie des sociétés occidentales sont désormais difficiles à déconstruire en ce qu’ils sont faits d’impressions, de préjugés et d’interprétations le plus souvent subjectifs alimentés par certains médias qui véhiculent une image négative des musulmans.
   En Allemagne cette problématique est plus complexe en ce sens que la question de l’appartenance ou non de l’Islam à ce pays se pose de temps à autre dans les médias allemands, question qui, si elle est soulevée dans d’autres pays occidentaux, ne l’est pas avec la même acuité. La polémique qu’elle suscite à chaque fois n’apporte néanmoins pas des réponses claires et franches.
   Les musulmans, dont la majorité sont détenteurs de la nationalité allemande, sont sans cesse invités à s’intégrer et à se fondre dans la culture allemande, nonobstant les dispositions de la constitution du pays qui prône le dialogue avec les minorités autour des règles de cohabitation.
   Les musulmans perçoivent cet appel comme une injustice, voire une provocation à leur égard et une entorse aux valeurs de l’Allemagne, pays de liberté, de démocratie et de pluralisme, dont la législation garantit pourtant à l’ensemble de la société le droit de préserver sa culture, sa religion et ses traditions.   
     Ferner Inder, professeur titulaire de la chaire des études orientales  à l’université de Freiburg a indiqué que le débat sur cette question récurrente depuis des années, n’est pas convainquant et est même en deçà du niveau escompté.
    Dans une déclaration à la MAP, il a précisé que cette question a été récupérée par les démagogues, rappelant que le débat avait été lancé lorsque l’ancien président allemand Christian Wulff avait surpris le peuple allemand en déclarant que l’islam fait partie intégrante de l’Allemagne.
   La déclaration de M. Wulff, a-t-il dit, avait besoin de clarifications d’autant qu’une grande partie des Allemands ne sont adeptes d’aucune religion et ‘’l’on ne peut de ce fait leur demander d’accepter une religion qui leur était jusqu’alors méconnue surtout à la lumière de la prolifération des mouvements radicaux à l’intérieur et à l’extérieur de l’Allemagne’’.
    M. Inder a admis qu’aussi bien les médias que les publications allemands font parfois preuve de partialité dans leur traitement de l’Islam.
     Dans une déclaration similaire, le poète et écrivain allemand Christoph Leisten estime, quant à lui, que l’Islam est une ‘’réalité’’ en Allemagne, précisant que près de 5 pc des Allemands sont musulmans et pratiquent leur culte en parfaite harmonie avec les valeurs allemandes. ‘’Celui qui met en doute l’appartenance de l’Islam à l’Allemagne est comme quelqu’un qui nie la mondialisation. Une telle attitude est aux antipodes du principe de tolérance et menace la paix sociale parce qu’elle contribue à l’exclusion de l’autre et ouvre grande la porte de l’extrémisme’’, a-t-il dit.
    Pour lui, la société allemande a grandement besoin d’un dialogue fondé sur la tolérance et le respect de l’autre et de sa culture.

    Le président du Conseil central des musulmans d’Allemagne Aiman Mazyek a indiqué que si la polémique sur l’Islam a mis cette religion au centre du débat public en Allemagne, elle a cependant permis à d’aucuns de considérer dès lors les terroristes comme des ‘’représentants de l’Islam’’, ajoutant que ce qui se colporte au sujet de cette religion lui est totalement étranger.

    ‘’Des millions de musulmans vivent en Allemagne depuis des décades et l’Islam a une longue histoire en Europe, comme en Andalousie’’, a soutenu M. Mazyek, estimant que ‘’l’Allemagne et l’Europe en général, ont besoin de temps pour reconnaitre l’Islam en tant que partie prenante de la civilisation européenne à l’instar du christianisme, du judaïsme et de l’ancienne civilisation grecque qui était arrivée en Europe grâce aux Arabes’’.
    Pour l’écrivain marocain établi en Allemagne Rachid Boutayeb, le débat engagé actuellement en Allemagne autour de l’Islam manque de sérieux et prédomine les véritables revendications des minorités musulmanes dans ce pays, notamment leur reconnaissance en tant que telle et la levée des entraves au marché de l’emploi.
 A ses yeux, ce genre de débat traduit on ne peut plus clairement la crise interne de la démocratie occidentale, ajoutant que devant les crises économiques qui ont mis à nu l’incapacité des politiques en vigueur et leur soumission aux centre de décisions internationaux, ‘’il est toujours facile de rendre les immigrés et les minorités responsables de ces échecs’’.
   ‘’Mais il parait aussi que les minorités musulmanes contribuent à corroborer inconsciemment, de par leur recours continu à la ghettoïsation, les idées reçues tissées autour des musulmans en Europe, privant ainsi ces derniers de la possibilité de se défendre et de bénéficier des droits que leur garantit la constitution’’, a-t-il reproché.
    Selon M. Abdekarim Ahoba, président de la ligue des  associations islamiques, la question de l’appartenance de l’Islam à l’Allemagne a été tranchée par la constitution depuis la fondation de la république fédérale d’Allemagne après la deuxième guerre mondiale en ce sens qu’elle stipule la non-discrimination des personnes sur la base de leur sexe, de leur race, de leur langue ou de leur religion.
    Il a ajouté que cette question a également été tranchée officiellement par la chancelière allemande Angela Merkel et l’ancien président allemand Christian Wulff qui a affirmé que l’islam fait partie intégrante de l’Allemagne, mais aussi par les musulmans eux-mêmes et dont le nombre dépasse cinq millions de personnes et qui se sont installées dans ce pays il y a des décennies et dont bon nombre ont obtenu la nationalité allemande.
       Les déclarations faites récemment par plusieurs hommes politiques allemands qui ont pris part à ce débat, soulignent que cette question gagnerait à être amplement débattue et clarifiée.
  Quoi qu’il en soit, le débat sur la place de l’Islam en Allemagne reste tributaire de deux facteurs. Il s’agit des répercussions du conflit au Proche-Orient et des attentats terroristes contre certains pays européens, d’une part, et de l’exploitation politique de ces deux facteurs par les partis d’extrême droite qui font croire que l’Islam est une menace aux valeurs de l’Europe, d’autre part.
 

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