Mariage précoce : ” Et ils ne vécurent pas heureux jusqu’à la fin des temps !”

Mariage précoce : ” Et ils ne vécurent pas heureux jusqu’à la fin des temps !”

jeudi, 5 mars, 2020 à 12:59

– Par Hind RAHMOUNE-

Rabat – Les contes de fées ne révèlent pas aux enfants que les histoires de princesses n’ont pas toutes une fin heureuse et que le prince charmant peut s’avérer être un méchant loup !

La disparition des fées et la fin de l’insouciance merveilleuse de l’enfance, Houda les a bien connues. Bercée par les contes de sa grand-mère, la jeune fille a vu tous ses rêves de petite fille s’évaporer le jour où son père décida de la marier.

À 17 ans, elle résume le revirement de sa vie lorsqu’elle a été obligée d’épouser un homme plus âgé alors qu’elle n’avait que 14 ans: “J’ai perdu mon avenir parce que je voulais poursuivre mes études. Au début, l’idée du mariage m’a séduite, une joyeuse célébration à laquelle participent mes proches, au cours de laquelle ils me mettent de beaux bijoux, et me rendent belle. Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir la réalité”, confie à la MAP cette jeune femme, qui, après plusieurs fausses couches, s’est retrouvée à nouveau chez ses parents après son divorce.

“Pour l’instant, je ne veux pas me remarier. J’ai toute ma vie devant moi et un rêve à réaliser”, confie-t-elle d’une voix sûre.

Des situations comme celle que Houda a vécue se répètent encore quotidiennement. Son témoignage s’ajoute à de nombreuses histoires de douleur et de privation dans une société encore très marquée par les mariages précoces.

Une enfance volée et un avenir perdu, telles sont les conséquences dramatiques de ces unions forcées qui augmentent d’année en année. En effet, en 2018 près de 32.000 demandes d’autorisation de mariages de mineurs ont été déposées et 26.240 acceptées, soit 81%.

Pour l’ex-présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), Saida Drissi, ce constat n’est pas étonnant eu égard au laxisme des lois. Ainsi, le Code de la famille permet les dérogations et donne au juge, dans l’article 20, le pouvoir de marier les enfants, explique-t-elle à la MAP, poursuivant que “l’article 16 reste une porte ouverte pour contourner les dispositions de la loi sur l’autorisation du mariage et la polygamie, une brèche législative souvent utilisée à mauvais escient : recours abusif à la procédure de reconnaissance du mariage pour des fins de polygamie ou de mariage de mineures”.

Selon elle, c’est une voie frauduleuse pour enfreindre le Code de la famille qui fixe l’âge légal du mariage à 18 ans.

Par ailleurs, ces demandes d’autorisation de mariage des mineurs notamment les filles ne reflètent pas l’ampleur du phénomène de ce genre de mariages, car toutes les unions conclues dans certaines régions en appellent au droit coutumier “Al Orf” pour marier les filles mineures, or ce type de mariage échappe à tout contrôle.

Dans les faits, ces unions ne sont recensées ni par les statistiques de l’état civil, ni par le ministère de la Justice et des Libertés et n’apparaissent nullement dans les statistiques du Haut-Commissariat au Plan, a-t-elle tenu à préciser.

Au moins 10,79% des mineures se marient par “LA FATIHA” au niveau national et 73% des mineures mariées ne sont pas contentes de leur condition, a ajouté l’acteur associatif en citant une étude sur le mariage des mineures élaborée par l’association “Droits et justice”.

Mme Drissi a, en outre, mis l’accent sur le caractère multidimensionnel de la question du mariage des mineures qui touche bien aussi aux aspects social et économique que culturel et juridique.

Certaines familles semblent désireuses de contourner les lois sur le mariage des enfants en raison de croyances culturelles (par exemple, que le mariage est essentiel pour tenir les filles à l’écart de la débauche ou encore de la pauvreté).

Le pouvoir octroyé au juge dans l’article 20 de la Code la famille pour statuer et autoriser à titre exceptionnel le mariage des enfants, le dote d’un large pouvoir d’interprétation et d’application de la règle de droit. Ainsi l’exception devient une règle, a avancé Mme Drissi.

Et d’ajouter que le poids des traditions et des coutumes fait en sorte que les filles et les femmes sont perçues et cantonnées dans des stéréotypes sexistes. De ce fait, la société estime que la place de la femme est dans le foyer au service de l’époux et des enfants.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a, pour sa part, révélé récemment au cours d’une conférence autour des mariages des mineurs, que plus de 30.000 filles en moyenne sont autorisées à se marier chaque année.

Unies à des personnes contre leur gré, elles se voient privées de leur enfance (et, plus que probablement, de leur éducation) pour assumer de multiples tâches physiques, des grossesses potentiellement mortelles, élever une famille et entretenir un foyer.

Ce mariage précoce est corrélé à des taux plus élevés de violence psychologique et domestique, entraînant souvent des problèmes de santé mentale et même une mort précoce.

Rappelant que le mariage des mineures exige de mener une réflexion sérieuse de tous les aspects se rapportant à cette question, l’ex présidente de l’ADFM a soutenu que la meilleure réponse à cette pratique touchant aux droits des enfants, réside notamment dans la mise en œuvre des politiques territoriales intégrées pour répondre aux besoins des populations particulièrement les femmes et les filles, la lutte contre la pauvreté, l’abandon scolaire et l’enclavement et la pénalisation du mariage coutumier et forcé des mineurs dans le code Pénal.

Elle a de même appelé à l’organisation de campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale pour sensibiliser les communautés, les familles et les parents sur l’impact du mariage précoce sur la santé physique et morale des filles.

Ce phénomène a un effet boule de neige: Un mariage forcé entraîne l’abandon des bébés, la saturation des centres avec des enfants orphelins qui, une fois adolescents, finissent dans la rue, déracinés.

Une solution est préconisée : toute demande de mariage qui porterait atteinte aux intérêts de l’enfant doit être rejetée.

Chaque fille et chaque femme mérite d’avoir la possibilité de décider si, quand et comment elle va se marier. Elles méritent au moins d’avoir la possibilité de réaliser leurs rêves et écrire elles-mêmes leurs propres “contes” avec ou sans prince charmant !

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