Modèle de développement: Cinq questions à M. Rachid Guerraoui, membre de la CSMD

Modèle de développement: Cinq questions à M. Rachid Guerraoui, membre de la CSMD

mercredi, 4 mars, 2020 à 19:45

-Propos recueillis par Salim Oulidi-

 

Rabat – L’informaticien et professeur à la Faculté informatique et communications de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, Rachid Guerraoui a été désigné par SM le Roi Mohammed VI, membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD).

Dans un entretien à la MAP, M. Guerraoui met en lumière le rôle de la recherche scientifique dans le nouveau modèle de développement ainsi que l’influence de son expérience dans des domaines comme l’intelligence artificielle, sur les orientations et la vision de la CSMD.
1- Quelles ont été vos motivations pour intégrer la CSMD ?

Contribuer, dans la mesure de mes possibilités, à faire du Maroc un pays plus égalitaire et plus prospère. Je n’habite certes pas au Maroc, mais le Maroc m’habite.
2- Quel regard portez-vous sur la composition de la CSMD ? La variété de ses profils reflète-t-elle concrètement les différentes couches de la société marocaine ?

Je ne sais pas si la variété des profils reflète les différentes couches de la société marocaine. Je suis naturellement soumis à un devoir de réserve sur ce qui se dit dans la commission, mais il y a clairement différentes sensibilités, des origines sociales diverses, des compétences variées, une représentation féminine non négligeable, ainsi que des Marocains issus de différentes régions, y compris donc des Marocains de l’étranger. Enfin, et cela est loin d’être négligeable, les séances d’écoute sont nombreuses et, croyez-moi, les opinions s’expriment le plus librement du monde et proviennent de toutes les couches de la société.
3- La recherche scientifique est un pilier incontournable vers le développement, comment jugez-vous cet élément au Maroc et quels rôles celle-ci pourrait-elle avoir dans le nouveau modèle de développement ?

La recherche scientifique est une condition nécessaire au développement d’une nation. Ce n’est pas une condition suffisante, mais une condition nécessaire. Les pays qui se développent sont ceux qui arrivent à créer de la richesse et à maîtriser le monde qui les entourent : les avancées scientifiques sont cruciales pour cela. En ce qui concerne le Maroc, l’absence d’une politique scientifique ambitieuse et efficace dans certains domaines pourrait même nous être fatale. Je peux paraître radical, mais je suis sincère.

Nous faisons face à deux tsunamis : le réchauffement climatique et le numérique. Le premier pourrait détruire notre environnement et en particulier nous assoiffer. Certains pays comme le Costa Rica arrivent à surfer sur la conscience écologique mondiale et deviennent un « havre vert » vers lequel se précipitent de plus en plus de touristes. Je ne suis pas expert dans le domaine mais je souhaite que le Maroc protège plus son environnement et investisse encore plus dans les technologies de l’eau et les énergies renouvelables. Les dernières initiatives dans ce domaine me semblent très encourageantes.

Le second tsunami est le numérique. Il pourrait détruire nos emplois et nous affamer. L’automatisation est en train de changer le monde du travail et nombre d’emplois créés chez nous ces dernières années pourraient être remplacés par des robots, installés ailleurs qu’au Maroc. De plus, Internet et les réseaux sociaux pourraient être en train d’abrutir notre jeunesse. La seule manière de nous en sortir est de tout faire pour surfer sur la vague du numérique au bénéfice du développement en tirant tous les avantages possibles plutôt que d’en subir passivement les risques et effets néfastes.
4- Votre longue expérience dans des domaines techniques tel que l’intelligence artificielle influence-t-elle vos orientations et vos visions par rapport à cette commission ?

Certainement. J’ai certes mes sensibilités de citoyen qui font que je défends des causes qui me sont chères comme l’environnement et les libertés individuelles, mais ma vision est clairement façonnée par mon expérience professionnelle dans la recherche scientifique, en particulier dans le domaine du numérique. Ce numérique pourrait certes nous affamer comme je le rappelle ci-dessus, mais aussi nous enrichir et faciliter la vie du citoyen. Notez que j’utilise le mot « numérique » plutôt que le terme « intelligence artificielle (IA) » même si ce dernier est très à la mode. L’IA est la capacité du numérique à résoudre par une machine des problèmes que nous pensions réservées aux humains. La définition de l’IA change avec l’effet de surprise, celle du numérique reste fidèle aux préceptes d’Al Khawarizmi et de Turing.
5- Comment le citoyen marocain peut-il profiter du développement numérique sans en subir les conséquences ?

Je le dis souvent : le citoyen marocain possède aujourd’hui une carte encore plus importante que sa CIN, sa carte SIM. Cette dernière représente sa porte d’entrée dans le monde du numérique. Ce monde pourrait lui permettre de mieux s’instruire, de personnaliser son traitement médical (les algorithmes décèlent mieux les cancers de la peau que les meilleurs dermatos du monde par exemple), d’adapter son agriculture, de tirer parti d’un tourisme plus durable (un airbnb marocain privilégiant le logement chez l’habitant dans les belles régions du Maroc plutôt que les grands complexes), de mieux vendre ses productions (en réduisant le nombre d’intermédiaires), d’améliorer la qualité de son transport (un système blablacar pour aller au souk), d’accéder à ses documents administratifs sans jamais devoir aller à l’administration, de gérer ses paiements sans jamais manipuler d’argent liquide, etc.

Pour tout cela, il est crucial d’intervenir au moins à trois niveaux. Il y a en premier lieu la recherche dans le domaine du numérique avec en particulier comme orientations principales l’informatique mobile et répartie. En deuxième lieu, il y a le transfert des résultats de ces recherches vers le citoyen à travers des industries du numérique et des opérateurs de télécommunication. Et enfin, il y a un appui nécessaire au citoyen pour mieux lui permettre d’appréhender ce monde numérique. Après tout, la finalité c’est le citoyen.

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