Mondial 2018 : la force de caractère des croates face au TGV français

(ES Khalid Abouchoukri)

Moscou – Après s’être sortis avec les gloires de trois matches de rang aux prolongations dans les phases à élimination directe d’une coupe du Monde, les Croates auront encore un ultime défi à relever, dimanche en finale de l’édition de Russie, face aux rapides jeunes français pour entrer de plain-pied dans l’histoire.

Avec le record en poche de matches d’affilée à prolongation, soit l’équivalent d’une rencontre supplémentaire en dix jours et scellés par des victoires au bout du suspense en étant à chaque fois menés au score, les Vatreni, qui ont ajouté une nouvelle ligne à leur carte de visite en faisant mieux que leurs ainés de 1998 (3-è), se sont forgés la réputation d’encaisseurs qui n’abdiquent pas en puisant, dans leurs réserves, cette force de caractère intrinsèque pour s’extirper, à chaque fois, dans la douleur mais aussi dans la joie de la délivrance.

Dans l’ordre, le Danemark, la Russie et l’Angleterre peuvent en témoigner pour avoir été les victimes de cette rage de vaincre collective d’une nouvelle génération exceptionnelle de joueurs au plus haut niveau européen ne manquant ni d’expérience individuelle ni de confiance, des atouts convertis en valeur ajoutée au service du collectif.

La Croatie n’a jamais été fatiguée et l’inconnue de l’équation serait l’état de forme physique avec lequel les Modric et Cie fouleront la pelouse de Loujniki Stadium d’autant que les efforts ainsi consentis ont laissé des traces: Ivan Perisic était touché à la cuisse et très incertain pour dimanche et le latéral gauche Ivan Strinic, sensé museler le rapide Mbappé, souffrirait de douleurs aux adducteurs. Dans l’autre camp, les joueurs ont bénéficié d’un jour de repos supplémentaire (demi-finale mardi).

L’édition de Russie a confirmé, si besoin est, que la valeur collective a été déterminante et les tricolores comme les Vatreni ont excellé dans ce répertoire, chaque équipe s’étant transformée d’une somme d’individualités en un monstre collectif. “La Coupe du Monde ne respecte pas le talent, seulement les équipes”, confiait Roberto Martinez, le sélectionneur espagnol la Belgique à l’élimination de ses troupes.

Défensivement et offensivement, les Français impressionnent puisqu’ils n’ont été menés au score que 9 minutes depuis le début de la compétition en huitièmes de finale contre les Argentins à 2-1 sur une réalisation de Mercado (48è) avant que Pavard (57è) ne ramène l’égalité sur l’un des plus beaux buts du tournoi.

L’équipe française “est jeune mais a de la maîtrise et peut jouer dans différents registres avec un mélange de solidité défensive et d’attaques rapides, mais aussi des connexions entre joueurs dans les espaces réduits”, a expliqué à la presse après la demi-finale Raphael Varane en décortiquant le jeu de sa sélection qui a “une belle capacité à combiner”.

La possession de balle n’est pas, non plus, la priorité de Didier Deschamps qui a opté pour la vitesse en contre-attaque, une stratégie payante avec le “TGV” de service, Kylian Mbappé dont le rush fulgurant a mis dans le vent plusieurs adversaires directs de l’Albiceleste et qui a couru trop vite même pour ses coéquipiers incapables, des fois, d’être la réception de ces centres.

Mais également des titulaires surprises du Onze, les latéraux Benjamin Pavard et Lucas Hernandez, tous deux de 22 ans, qui se sont vite imposés comme des pièces décisives, et les armes offensives Antoine Griezmann et surtout Olivier Giroud dont le compteur-but est toujours à zéro mais avec un apport au collectif et un rôle défensif des plus précieux.

Et si dimanche, les français sont à 90 minutes de réitérer, vingt ans après leur unique sacre, l’exploit du cru de Zidane et compagnie, cette ultime rencontre sera pour les Croates une revanche de la demi-finale (2-1) ayant mené les tricolores au titre en 1998.

Au dénouement du tournoi, le football livrera son verdict et choisira son camp et le capitaine invité à soulever le trophée entre Hugo Lloris pour marcher sur les traces de la génération de Deschamps, seul capitaine tricolore à avoir eu cet honneur, ou Luka Modric pour être le premier croate à l’enlacer et à le hisser au dessus de sa tête.

Dans cette opposition annoncée forte entre deux écuries prônant le collectif, les coups de pied arrêtés, qui “se sont révélés très importants depuis le début de cette coupe du Monde” avec 68 buts sur phases arrêtées en 62 matches (nouveau record, 62 buts en France 1998), pourraient être l’arme fatale.

Dans ce registre, les Croates sont plus faibles en concédant quatre buts sur coups de pieds arrêtés depuis le début de la Coupe du Monde pour trois marqués alors que leurs vis-à-vis sur la route du sacre en ont réussi quatre contre deux encaissés.