Colombie : vive polémique autour de la politique de sécurité

Colombie : vive polémique autour de la politique de sécurité

lundi, 11 novembre, 2019 à 15:21

Par Mohammed Ben Messaoud.

Bogotá – La Colombie est secouée par une vive polémique depuis la révélation par un sénateur de l’opposition de la mort de huit enfants tués lors d’une opération de l’armée contre un camp des dissidents de la guérilla dissoute des Farc, en août dernier.

Gardée secrète pendant plus de deux mois par le gouvernement, la nouvelle de la mort de ces mineurs, âgés de 12 à 17 ans, dans un raid aérien contre une position des dissidents des Farc dans la municipalité de San Vicente del Caguan, l’un des fiefs historiques de l’ex-puissante guérilla, relevant du département de Caquetá (sud), a suscité une vague d’indignation de la part de l’opposition et des défenseurs des droits de l’homme mettant en cause la politique de sécurité du président de droite, Ivan Duque, en fonction depuis août 2018.

L’affaire a été mise au grand jour mardi dernier par le sénateur Roy Barreras, du parti d’opposition de l’Union nationale, lors d’un débat sur une motion de censure visant le ministre de la Défense, Guillermo Botero, qui a été acculé le lendemain à la démission après ces révélations accablantes.

Suite à la démission de Botero, qui a occupé ce portefeuille stratégique pendant 15 mois, le sénateur Berreras a appelé M. Duque, qui ne dispose pas de la majorité au sein du Congrès (Parlement), à ouvrir un dialogue national avec l’ensemble des partis politiques afin de parvenir à un consensus sur les questions politiques, économiques et celles relatives au processus de paix, tout en mettant en garde contre une “implosion sociale” dans le pays.

Réagissant implicitement aux critiques de l’opposition, M. Duque, qui avait précédemment qualifié cette opération d’”impeccable et de méticuleuse”, s’est gardé de reconnaître les erreurs de son ministre. Pis encore, il a tenu à rendre hommage au ministre démissionnaire pour son “patriotisme et son action” à la tête du département de la Défense.

Au lieu de faire part de sa compassion pour la mort des huit mineurs dans cette fusillade, qui a choqué le pays, le chef de l’État a préféré fustiger le recrutement des enfants par les groupes armés qui sévissent dans le pays, suscitant la colère de la classe politique et des défenseurs des droits humains.

Après la démission de Botero, M. Duque a nommé le commandant en chef des forces armées, le général Luis Fernando Navarro, au poste de ministre intérimaire de la Défense, faisant fi des appels à la désignation d’une personne qui soit connue pour son engagement envers le respect des droits de l’homme.

Critiquant cette nomination, le sénateur Ivan Cepeda, du Pôle démocratique alternatif (PDA, gauche), a déclaré que la politique du chef de l’Etat en matière de défense s’inspire de la politique de “Sécurité démocratique” mise en place par l’ancien président ultraconservateur controversé Alvaro Uribe (2002-2010), considéré comme étant le mentor politique de M. Duque.

A ses yeux, la politique de “Sécurité démocratique” est responsable des violations massives des droits de l’homme dans le pays sud-américain.

Abondant dans le même sens, le parti Farc, issu de l’ancienne guérilla de même nom, a estimé, dans un communiqué, que la démission de Botero offre l’opportunité pour le gouvernement de “rectifier sa politique erronée en matière de sécurité et de défense”.

“La politique de sécurité actuelle, qui favorise la pratique terrifiante des +faux positifs+ (homicides de civils présentés comme des membres de groupes armés tués lors des combats, ndlr), doit être rectifiée. Les forces militaires doivent être orientées vers le respect des droits de l’homme et destinées exclusivement à préserver la souveraineté nationale”, a insisté la Farc.

Fait inédit dans l’histoire du pays, le deuxième vice-président du Sénat, Alexander López, a annoncé qu’une plainte sera déposée auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à travers la Commission d’accusation de la Chambre des représentants contre le chef de l’Etat pour violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire lors de cette opération militaire.

Le commandant de l’armée, le général Nicacio Martínez, a beau affirmer que l’armée ignorait que des enfants mineurs se trouvaient sur le site bombardé, la presse a révélé que l’institution du Défenseur du peuple, chargée de la protection des droits de l’Homme, avait adressé en janvier dernier un rapport volumineux sur la situation sécuritaire dans le département de Caqueta dans lequel elle a fait état de recrutement des mineures par des groupes armés dans la région.

Dans ce rapport de 14 pages, envoyé à la ministre de l’Intérieur, Nancy Patricia Gutiérrez, le Défenseur du peuple, Carlos Alfonso Negret, a appelé les autorités locales et centrales à mettre en place des mécanismes à même d’assurer la sécurité des mineurs, des leaders sociaux et des ex-combattants de la guérilla démobilisée des Farc en situation de réintégration dans cette région.

Pour sa part, Herner Carreño, défenseur communal des droits de l’homme de la municipalité de Puerto Rico, dans le département de Caqueta, a déclaré avoir informé en mai dernier les unités de l’armée déployées dans la région de la présence des groupes armées et du recrutement forcé des mineurs.

Suite à ces déclarations, Carreño a dû quitter la région après avoir reçu des menaces de mort anonymes.

Même le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a réagi à cette fusillade en invitant le gouvernement à mettre en œuvre “tous les standards” du droit international humanitaire pour protéger les mineurs en temps de conflit armé.

“Nous demandons à la Colombie de mettre en oeuvre toutes les normes du droit international y afférentes afin de garantir des niveaux de protection les plus élevés possibles pour les enfants et les adolescents victimes de violences”, a déclaré Alberto Brunori, représentant de l’agence onusienne à Bogotá.

Ce scandale a éclaté quelques jours avant la publication d’un sondage faisant état d’une hausse record de la cote d’impopularité du président Duque avec un taux de désapprobation de 69% de sa gestion des affaires de l’Etat.

Il s’agit du pourcentage d’opinions défavorables jamais recueilli par un président de la république depuis 1994.

Dans ce même contexte, les centrales syndicales et les organisations indigènes ont appelé à une grève nationale pour le 21 novembre pour protester contre la politique du président Duque en matière sociale et économique et fustiger la vague d’assassinats ayant récemment visé les indigènes.

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