Constitution de 2011 : une mise à niveau politique

Constitution de 2011 : une mise à niveau politique

lundi, 29 juillet, 2013 à 18:01

Par Khalil Hachimi Idrissi

 

 

Rabat-Il sera retenu, par les coutumiers de la chronique de la vie politique marocaine, que la fête du Trône de 2013, est célébrée alors que nous avons des ministres démissionnaires du gouvernement, un vénérable parti de la majorité parlementaire qui rue dans les brancards après avoir claqué la porte gouvernementale, un président du Parlement qui doit son poste à un équilibre politique qui n’est plus qu’un lointain souvenir, un chef du gouvernement qui mène dans une conjoncture difficile des négociations harassantes pour replâtrer sa majorité et un parti politique vainqueur aux dernières élections qui a vraiment du mal à avoir de vrais amis, et surtout à les garder, comme des alliés fiables et durables.

La photo instantanée présentée comme cela a de quoi faire frémir. On peut supposer que c’est une crise politique. Que l’exécutif a perdu la main. Et le législatif a un vague à l’âme tellement profond qu’on a le sentiment que seule une dissolution peut redonner vie à ce grand corps malade. Regardons cela de plus près !

La crise est réelle. Elle est de nature strictement gouvernementale. Mais elle ne touche ni les institutions pour justifier un recours tonitruant, comme d’aucuns le demandaient, à l’article 42 de la Constitution, ni elle ne met en cause l’équilibre constitutionnel de pouvoirs ou leur séparation, ni elle ne nécessite, au final, un arbitrage aussi solennel que majestueux, parce que simplement deux partis politiques de la même majorité ne s’entendent plus ou plus suffisamment pour faire des concessions ou pour faire passer au second plan leurs insidieuses arrières pensées électorales.

La crise est donc gouvernementale. A la bonne heure ! Alors de quoi s’agit-il au fond ? Faisons court ! Hamid Chabat, un syndicaliste madré et un homme politique roué, est sorti victorieux d’un Congrès de l’Istiqlal, douloureux et brutal, qui a vu la vieille garde Fassie mettre un genou à terre face au nouvel impétrant.

Ce nouveau rapport de force, selon Hamid Chabat, il a naturellement une nouvelle base politique légitimement impatiente d’arriver au pouvoir devait se traduire immédiatement et dans les faits par une reconnaissance, rapide et solennelle, de son pouvoir par le chef du gouvernement et par sa majorité et avoir une incidence sur la composition gouvernementale.

Sur ce dernier point les choses se sont manifestement mal passées. Hamid Chabat a donné l’impression, à tort d’ailleurs, la démocratie étant ce qu’elle est, qu’il s’est invité grâce à un coup de force partisan à la table du pouvoir. Et le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, n’a pas semblé immédiatement très à l’aise, ravi ou enthousiaste pour traiter avec “un gros calibre” istiqlalien, bagarreur de surcroît, que le destin lui a infligé. Expectative, donc.

A partir de là les choses se sont dégradées rapidement. Le ton est monté à vrai dire plus d’un côté que de l’autre. L’impatience s’est aiguisée. Et l’attente s’est transformée en amertume. Et comme nous sommes dans une région du monde où un concept aussi indéfini que ravageur comme la “hogra” (le mépris) retourne les cerveaux “virils” plus vite qu’on ne le pense, on prend alors le maquis sans coup férir. Ce fût fait. Ce qui était une ambition, somme toute légitime, est devenu une haine épaisse qui a conduit à la démission collective des ministres istiqlaliens sur ordre du Conseil national de ce parti. Alea jacta est !

Arrêtons-là le récit, et revenons à notre analyse ! Celle-ci consiste à savoir comment cette crise gouvernementale a impacté la nouvelle Constitution. Est-ce que le texte fondamental a montré des limites quelconques ? Est-ce qu’il a bien fonctionné ? Est-ce que les acteurs de la vie constitutionnelle ont été à la hauteur de la situation ? Est-ce que la classe politique a eu des réflexes d’un bon niveau ? Est-ce que cette première crise, la vie des Nations démocratiques est émaillée de crises, a été prise en charge par les dispositions explicites ou la fine ingénierie de la Constitution de 2011 ?

Attachons nous d’abord à examiner la réaction de l’Institution monarchique, une institution centrale dans la vie institutionnelle du pays, face à cette situation. A l’évidence SM le Roi, dans l’intérêt du pays, a tempéré les ardeurs des protagonistes et a joué un rôle de stabilisation et d’appel au calme. Le Souverain a veillé depuis le début de la crise pour qu’il y ait une continuité réelle et concrète de l’action gouvernementale qui n’avait pas à pâtir d’un désordre politique à l’intérieur d’une majorité, produit par les alliés politiques eux-mêmes.

Le gouvernement devait impérativement continuer à fonctionner. C’est le sens de la fameuse communication téléphonique à Hamid Chabat et c’est sans doute la substance des recommandations données par SM le Roi au chef du gouvernement. Donc tempérance et appel au calme pour dénouer la crise.

Sur le plan Constitutionnel, et l’évolution des choses l’a clairement démontré, il s’avère que le Souverain a refusé de se laisser entraîner dans un arbitrage sur la base de l’article 42 de la Constitution. La question n’étant ni institutionnelle, ni touchant à la séparation et aux équilibres entre les pouvoirs, la mise en branle de cet article constitutionnel aurait été disproportionnée par rapport à la nature du conflit : une altercation entre des alliés politiques d’une même majorité gouvernementale au sujet de la suite à donner à leur relation dans le cadre d’un nouveau rapport de force. La messe était dite.

Abdelilah Benkirane devait donc puiser dans ses propres ressources politiques et sa propre légitimité de Chef de gouvernement démocratiquement élu pour réduire cette crise. Nous nous retrouvons au final devant un cas de figure usuel et connu : un chef de gouvernement qui procède avec l’accord du Chef de l’Etat à un remaniement ministériel à la suite d’une démission collective de ministres décidée par leur parti. Par la même, il re-profile et consolide sa majorité en invitant un nouveau partenaire à la rejoindre et passer à l’étape suivante dans l’exécution de son programme.

L’on voit alors que le texte fondamental a bien fonctionné dès lors que la saine lecture de l’article 42 a prévalu. L’écueil de faire arbitrer SM le Roi dans un litige politicien entre deux partis politiques a été salutairement évité. La ficelle était trop grosse. Et la tentative d’impliquer le pouvoir royal était si peu élégante. Le parti politique du Roi c’est le Maroc, faut-il le rappeler !

Maintenant sur le plan politique cette affaire a fait de gros dégâts. Elle a montré assez vite la difficulté de la classe politique marocaine à se couler dans la nouvelle forme constitutionnelle. Nous avons vu des hommes du passé, avec des réflexes du passé interagir avec un texte moderne, ouvert et avancé. Le réflexe spontané d’appel à l’arbitrage royal exprime parfaitement cette souffrance.

Au sein même de l’Istiqlal qui avançait à reculons vers la sortie du gouvernement avec un secrétaire général croisant le fer, finalement assez seul face à des apparatchiks silencieux ou à des jeunes loups ne sachant pas de quoi demain sera fait, l’ambiance était assez morose. On a peu vu la joie de la libération du joug d’une majorité oppressante sous la férule d’un chef de gouvernement dominateur. On n’a même pas vu, et pour cause, la joie des ministres démissionnaires, qui quitteraient le navire la tête haute avec panache et abnégation. Rien. Tout le monde faisait la grimace. Que ma joie demeure !

Au niveau du PJD les observateurs non plus n’ont pas constaté d’exaltation remarquable. On gérait la crise dans une sorte de silence gêné imposé par le chef du parti. Pas une once de doute sur la gouvernance qui a conduit à cette impasse. Mais tout le monde rétropédalait. Alors que la menace d’élections législatives anticipées était brandie pour animer la galerie, les négociations démarraient en douce avec l’ennemi absolu d’hier.

Ce sont là en politique des moments d’intense solitude. Le PJD les as vécus. Majoritaire ou pas, vainqueur d’élection ou pas. Et Abdelilah Benkirane qui court avec beaucoup de détermination après ses nouveaux partenaires doit se sentir également bien seul face à ces douze travaux d’Hercule, son chemin de croix. Il n’a jamais eu autant besoin des prières de tous ses frères.

Il est évident, au final, que le pays sortira plus fort de cette crise. Il essuie les plâtres d’une nouvelle Constitution qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Mais la mise à niveau politique que suppose justement cette Constitution semble immense et est porteuse de nombreux défis pour la Nation. Si la classe politique dans son ensemble et les partis qui l’organisent ne prennent pas au sérieux ce chantier, celui de l’autonomie, ils seront dépassés par les événements et c’est la démocratie qui, à coup sûr, en pâtira.

Aujourd’hui, SM le Roi, par son leadership et son charisme, a proposé une méthodologie de sortie de crise, il a incité les protagonistes à trouver une solution endogène à leur problème et il a mis une bonne dose de tempérance dans la gestion de cette situation. Le gouvernement de Abdelilah Benkirane est certainement redevable à Sa Majesté de cette issue à la fois pacifique, à moindre coût politique et garante de la continuité de son gouvernement. Sinon c’était la voie ouverte à toutes les aventures et notre pays n’a pas besoin de cela.

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