Les médias reproduisent les stéréotypes existant dans la société marocaine sur la femme (expert médiatique)

– Propos recueillis par Karima Hajji –

Rabat  – Tant que les stéréotypes sur la femme persistent encore dans la société marocaine, les médias continueront à reproduire ces clichés de manière volontaire ou intentionnelle, a souligné à Rabat l’enseignant chercheur au sein de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC), Abdelwahab Rami.
Ces stéréotypes ne sont pas uniquement les résultats de représentations négatives de la femme comparativement à l’homme, mais aussi et surtout de comportements professionnels et moraux en relation avec le contexte de la pratique médiatique et la prise de conscience du journaliste des outils de travail ainsi que la présence ou absence de références régissant le travail des journalistes, a ajouté cet expert dans le domaine du renforcement des capacités des journalistes dans une déclaration à la MAP à l’occasion de la Journée mondiale de la femme (8 mars).
Dans ce contexte, M. Rami cite à titre exemple un certain regard machiste qui engendre un traitement médiatique de la femme en tant que corps, et du point de vue de sa dépendance à l’homme, et ses charges familiales et ménagères plus que son travail.
M. Rami a, en outre, noté que l’Internet, ce nouveau-né de la technologie, a compliqué la donne, faisant des femmes un outil idéal pour la vente et l’attraction relevant que les sites électroniques d’information et les réseaux sociaux abondent de stéréotypes sur la femme et que les hommes ou les femmes elles mêmes, diffusent à une large échelle.
L’expert en médias a relevé que le nombre limité de femmes présentes sur les médias ou au niveau de la politique et de l’économie crée à lui seul des stéréotypes véhiculés sur l’incapacité de gestion stratégique de la femme, et un manque de leadership et de capacité de création de la prospérité, et qui ne font que perdurer ce statut-quo.
Pour changer la situation, M. Rami préconise une approche juridique basée sur la protection de la dignité de la femme et une autre basée sur le développement à travers le renforcement de sa participation sociale.
Il a, dans ce contexte, appelé à faire une différenciation entre la réalité des femmes, qui peut être “pitoyable” et le discours médiatique qui doit se distancier de “la misère médiatique” dans le but de rationnaliser le discours sur les femmes.
Les journalistes sont amenés aussi à se baser sur les études avisées sur les femmes et qui adoptent une approche scientifique pour sortir des représentations expéditives sur les femmes et leurs essences, leur participation ainsi que leurs réalisations.
Concernant la Charte nationale pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias, adoptée en mars 2005 dans l’objectif de renforcer sa présence dans les médias, et d’entamer une transition vers une logique traitant la femme comme une entité ayant son rôle, sa place et son autonomie et non comme un corps et une marchandise, M. Rami a estimé que cette charte n’a pas réalisé les résultats escomptés au niveau de la promotion de la femme en médias mais peut être considérée comme une plateforme de principes généraux relatifs à ce sujet.
Par ailleurs, M. Rami a salué la création de l’Observatoire pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias, institué en juin 2015, étant donné qu’il peut exercer les rôles d’observation, de diagnostic et de formulation de propositions, outre qu’il constitue à long terme un mécanisme à même de changer les mentalités sur la question de la femme.
S’agissant de la présence de la femme qualitativement et quantitativement au niveau des médias, M. Rami a noté la subsistance de disparités dans la présence des femmes dans les médias marocains, ou dans les journaux d’info par exemple, mais n’empêche qu’il existe des représentations machistes du contexte social que ces supports traitent.
Mais il faut faire la différence, ajoute M. Rami, entre le droit de la femme d’accéder aux postes de décision et les représentations qui persistent encore dans les mentalités sociales.
La femme peut accéder aux postes de décision, sans que cela implique une amélioration de sa situation dans la société, a-t-il dit, relevant que les femmes, même dans les postes de décision, n’ont pas de “visions avancées” de la situation de la femme, sans oublier que la majorité des femmes accédant aux postes de décision adoptent elles aussi une mentalité discriminatoire à l’égard des femmes.
Concernant le Guide préparé par Abdelwahab Rami pour les journalistes professionnels, considéré comme le premier du genre dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) pour une approche visant l’amélioration de l’image de la femme dans les médias, il a expliqué que ce guide aborde les points de départ et les principes fondateurs de l’approche médiatique positive à l’égard des femmes, les stéréotypes sur les femmes dans les médias, leur nature et leurs genres, les règles professionnelles et déontologiques sur lesquelles se base un traitement positif de la femme dans les médias et les missions des chefs de secrétariat pour la promotion de l’image de la femme dans les médias.
M. Rami a expliqué que ce guide vise la mise en place d’un mécanisme pour l’opération de traitement médiatique des questions de la femme et le genre social. Il constitue une analyse pratique sur la manière dont doivent se comporter professionnellement les journalistes dans la couverture de ces questions loin de l’approche théorique.
M. Rami a conclu que les médias ne peuvent, à eux seuls, promouvoir les conditions de la femme au niveau médiatique et dépasser la vision stéréotype négative et discriminatoire qui minimise son rôle et sa place réelle au sein de la société.