Les Sud-africains lassés du feuilleton Zuma

Les Sud-africains lassés du feuilleton Zuma

mardi, 23 février, 2021 à 14:09

Par Hamid AQERROUT

Johannesburg – Les Sud-africains et la classe politique sont interloqués par la décision de l’ancien président Jacob Zuma de défier ouvertement le jugement de la Cour constitutionnelle lui enjoignant de coopérer avec la Commission judiciaire d’enquête sur la corruption.

Une décision qui a divisé encore plus le parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC,) et mis l’ensemble de la classe politique et du système judiciaire du pays devant une rude épreuve.

D’emblée, les experts tiennent à faire savoir que la décision de Zuma de snober la Commission Zondo qui enquête sur les allégations de capture de l’État durant les deux mandats de sa présidence (2009-2018) aura des implications désastreuses pour toutes les parties impliquées, y compris l’ANC.

Dans une déclaration à couper le souffle, l’ancien président a allégué que pendant trop longtemps, la justice du pays avait rejeté la règle d’équité et rendu des décisions qui visaient uniquement à l’humilier. «Récemment, la commission s’est rendue en urgence devant la Cour constitutionnelle pour que celle-ci m’oblige à assister à ses audiences, ce qui porte effectivement atteinte à mes droits constitutionnels, y compris le droit à la présomption d’innocence», a-t-il affirmé.

Il s’est même dit prêt à aller en prison pour défendre les droits constitutionnels pour lesquels il s’est personnellement battu contre le gouvernement de l’apartheid.

Commentant cette controverse, l’expert juridique Mpumelelo Zikalala a déclaré que le refus de Zuma de comparaître devant la Commission Zondo pose un sérieux problème, car, dit-il, «l’ancien chef de l’Etat a été cité par plusieurs témoins devant ladite Commission». «Toutes les allégations faites contre lui figureront dans le rapport final de la Commission, parce qu’il ne les a pas contestées et il peut même faire l’objet d’une enquête de la part des forces de l’ordre sur la base de ces allégations”, a déclaré l’expert.

Idem pour l’ONG sud-africaine Freedom Under Law qui estime que Jacob Zuma est allé trop loin dans son mépris de la justice sud-africaine en refusant de respecter le jugement de la Cour constitutionnelle. «M. Zuma est allé trop loin. Lorsqu’il avait pris ses fonctions de président de notre pays, il a promis d’être fidèle à la République, d’obéir et de faire respecter la constitution et toutes les autres lois”, a déclaré sa directrice Nicole Fritz.

Pour tous ces observateurs, M. Zuma s’efforce à déployer des subterfuges dans une tentative désespérée d’éviter de répondre aux accusations de corruption portées contre lui. Ils disent attendre avec impatience que la loi suive son cours concernant le refus de l’ancien président de répondre à de nombreuses allégations de corruption, arguant que si Zuma est autorisé à continuer ce comportement méprisant, cela renforcera la perception qu’il est au-dessus de la loi.

Un point de vue que partage parfaitement le parti de l’Alliance Démocratique (opposition) qui a appelé la justice à faire en sorte que Zuma témoigne devant la Commission Zondo.

En réponse à ces appels incessants, la Commission judiciaire d’enquête a assuré qu’une nouvelle procédure pénale sera ouverte contre l’ancien président sud-africain, suite à son refus de coopérer avec la justice. «La décision de Zuma de défier le jugement de la plus haute juridiction sud-africaine et la convocation de la commission est particulièrement inacceptable, car la personne qui a pris une telle décision est un ancien président du pays qui devrait être un exemple dans le respect de l’Etat de droit et de la Constitution”, note-t-elle.

Ces réactions qui vont crescendo dans les rangs de l’opposition ont fait sortir le Secrétaire général de l’ANC, Ace Magashule, de son mutisme en apportant un soutien sans équivoque à l’ancien président. «Zuma n’avait rien fait de mal. Laissez le tranquille», a-t-il martelé en substance, en qualifiant de «populistes» ceux qui réclament la suspension de l’adhésion de Zuma à l’ANC.

De son côté, le porte-parole du Congrès national africain, Pule Mabe, a déclaré que bien qu’ils aient décidé au sein du parti de ne pas faire de commentaires concernant les questions relatives à la Commission d’enquête Zondo, le Comité exécutif national du parti au pouvoir devrait se réunir bientôt pour «examiner cette question délicate».

C’est dire donc que la classe politique et l’opinion publique sud-africaines sont divisées entre partisans et détracteurs du refus de Zuma de comparaître devant la justice pour témoigner des allégations de corruption portées contre lui. Une polémique qui a amené certains observateurs à remettre en question toute la Commission qui a été plongée dans le chaos, suite à la défiance de l’ancien président.

Xolani Dube, chercheurs principal à l’Institut Xubera pour la recherche et le développement à Durban, estime à ce propos que la Commission était essentiellement «un gaspillage de l’argent des contribuables en s’intéressant aux problèmes de l’ANC». «En Afrique du Sud, il n’y avait pas d’agence de services secrets, mais un Bureau de collecte d’informations de l’ANC, devenu ensuite une Agence d’État», a-t-il expliqué, relevant que le pays avait effectivement été dirigé par des commissions d’enquête en raison d’un manque de leadership.

Ce feuilleton, ou plutôt cette débâcle judiciaire, prouve donc de façon on ne peut plus clair qu’il s’agit là bel et bien d’une lutte de clans au sein du parti au pouvoir qui a pris les reines de l’Afrique du Sud postapartheid avec l’élection en 1994 de Nelson Mandela à la tête de ce pays de l’Afrique australe.

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