Le Danemark en passe d’externaliser les demandes d’asile

Le Danemark en passe d’externaliser les demandes d’asile

vendredi, 7 mai, 2021 à 12:43

-Par : Houcine MAIMOUNI-

Copenhague – Le Parlement danois a entamé, jeudi, l’examen d’un projet de loi portant modification de la législation en vigueur sur le droit d’asile, qui devrait permettre au royaume scandinave d’externaliser vers un pays tiers le traitement des demandes d’asile et d’hébergement.

Intitulé “Introduction de la possibilité de transférer des personnes demandeuses d’asile pour le traitement de demandes d’asile et l’hébergement dans des pays tiers”, ce nouveau texte a été déposé au Folketing, immédiatement après une visite effectuée, fin avril au Rwanda, par le ministre danois de l’Immigration et de l’intégration, Mattias Tesfaye, et son collègue chargé de la Coopération au développement Flemming Møller Mortensen.

Au cours de ce séjour en terre africaine, les deux hommes ont signé, avec Manasseh Nshuti, secrétaire d’État rwandais aux Affaires de l’Afrique de l’Est, un “Mémorandum d’accord sur la coopération en matière d’asile et de migration”.

L’accord, tenu secret au départ, stipule que les deux parties appellent à modifier le système d’asile actuel “injuste et contraire à l’éthique”, qui, selon elles, “incite les enfants, les femmes et les hommes à entreprendre des voyages dangereux le long des routes migratoires, tandis que les trafiquants d’êtres humains gagnent des fortunes”.

Le texte, quoiqu’il ne soit pas juridiquement contraignant, précise que la vision du gouvernement danois est que “le traitement des demandes d’asile devrait avoir lieu en dehors de l’UE afin de briser la structure d’incitation négative du système d’asile actuel”.

Derrière cette déclaration de bonne intention, nombre d’observateurs ont décelé l’intention du Danemark de jeter le premier jalon d’un futur centre d’accueil des réfugiés au Rwanda.

Bien que le document ne mentionne pas explicitement le Rwanda comme éventuel pays hôte de ce centre, il rappelle que le pays d’Afrique de l’Est a déjà hébergé un “centre de mécanisme de transit d’urgence (ETM)”, qui accueille des réfugiés emprisonnés en Libye.

L’accord avec le Danemark est censé renforcer les capacités du Rwanda en matière de “détermination du statut de réfugié”, le processus juridique ou administratif par lequel les gouvernements ou le HCR déterminent si une personne sollicitant une protection internationale est considérée comme un réfugié.

Cela impliquerait également la fourniture de fonds, une “assistance technique” par des experts danois, une “aide aux moyens de subsistance pour les réfugiés”, un soutien au centre ETM du pays et des voyages d’études au Danemark pour des fonctionnaires rwandais.

Mattias Tesfaye (lui-même descendant d’un immigré éthiopien) n’a pas confirmé si son séjour africain avait permis de conclure un accord qui verrait le Rwanda accueillir des réfugiés pendant que leurs dossiers sont en cours de traitement au Danemark.

“Nous avons présenté notre idée d’une nouvelle politique d’asile à un grand nombre de pays à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe”, a-t-il déclaré.

“Et puis nous avons identifié une bonne poignée de pays avec lesquels nous allons essayer d’avoir une discussion. Nous n’allons pas nommer ces pays”, a-t-il dit, ajoutant que “d’ici là, je dois garder les secrets un peu plus longtemps”.

Dans une déclaration au radiodiffuseur DR, le ministre a réaffirmé qu’”il est exact que le gouvernement souhaite établir un nouveau système d’asile dans lequel le traitement des demandes d’asile est transféré hors du Danemark. Nous sommes en dialogue avec un certain nombre de pays à ce sujet”.

Le nouveau projet de loi présenté jeudi a reçu un accueil mitigé de la part des partis parlementaires. Applaudi par les députés du bloc bleu, traditionnellement sensible à la question migratoire, ce texte a été décrié comme “insipide”, “arrogant” et “d’un niveau nul”, selon la liste Unity, pourtant un des soutiens du gouvernement minoritaire social-démocrate.

Mais au-delà des joutes oratoires, le projet du Danemark d’envoyer des réfugiés dans un pays tiers est très controversé. En mars, le HCR a estimé que la vision du Danemark de “zéro demandeur d’asile est incompatible avec la solidarité mondiale et le partage des responsabilités”.

“Les mesures nationales unilatérales qui ne partagent pas mais transfèrent les responsabilités aux pays et régions qui accueillent déjà la grande majorité des personnes déplacées de force vont à l’encontre de la coopération et de la solidarité internationales”, a souligné l’agence onusienne dans un communiqué.

Le Conseil danois pour les réfugiés a qualifié le projet de création d’un centre d’asile offshore d’”irresponsable et antipathique”, relevant que “près de 80 millions de personnes ont été déplacées de leurs foyers alors que le Danemark a un nombre historiquement faible de demandeurs d’asile”.

Dans cette optique, poursuit le Conseil, “il est honteux que le gouvernement tente de se racheter de prendre part à la responsabilité de la protection des réfugiés via le transfert des demandeurs d’asile – cela donne un exemple dangereux”.

L’enjeu d’un tel projet de loi est la coercition et la privation de liberté des demandeurs d’asile et des droits et conditions de vie des réfugiés, selon l’ONG.

Même son de cloche du côté d’Amnesty International, dont le directeur pour l’Europe, Nils Muižnieks, a considéré que toute tentative visant à transférer des demandeurs d’asile vers le Rwanda pour l’examen de leur dossier “serait non seulement déraisonnable, mais aussi potentiellement illégale”.

Selon lui, “ces projets transfèrent la responsabilité de l’UE en matière de protection des personnes réfugiées comme jamais auparavant et créeraient un dangereux précédent en Europe et dans le reste du monde”.

L’ONG précise qu’en 2020 le Danemark a reçu 1 515 demandes d’asile, ce qui représente le nombre le plus faible depuis 20 ans, et 601 personnes ont obtenu un permis de séjour.

Soutenant que ce projet s’inscrit dans un contexte de durcissement de la politique d’asile dans le pays, elle a fait observer que près de 400 réfugiés syriens risquent d’être renvoyés en Syrie, dans une zone de guerre, après que le Danemark ait décidé de retirer leur statut de protection.

La semaine dernière, des manifestations ont eu lieu à travers le Danemark après que le gouvernement ait déclaré des parties de la Syrie “sûres” et révoqué les permis de résidence de 189 Syriens vivant au Danemark.

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