Le Danemark hanté par ses visons ?

Le Danemark hanté par ses visons ?

mardi, 17 novembre, 2020 à 11:49

-Par Houcine MAIMOUNI-

Copenhague – Deux semaines après avoir entamé l’abattage massif de ses visons, le Danemark semble englué dans un engrenage juridico-politique sans précédent, exacerbé par les difficultés des éleveurs et des doutes des scientifiques.

Tout au long de cette épreuve, la plus difficile pour le gouvernement minoritaire social-démocrate au pouvoir depuis juin 2019, la presse locale, les journaux télévisés, les débats radiophoniques, et les réseaux sociaux ont fait leur choux gras du “scandale des visons”.

Au risque de reléguer au second plan la deuxième vague du Covid-19, on est servi à satiété par des photos et images insoutenables donnant à voir, tantôt des milliers de visons euthanasiés charriés dans des remorques vers des fosses communes, tantôt des entrailles de ces pauvres mammifères jonchant les ruelles de sept municipalités du Nord Jutland, placées sous cloche.

Les autorités ont certes allégé, lundi, les mesures drastiques imposées au départ, en autorisant désormais le mouvement entre ces municipalités (280 mille habitants), où une mutation du coronavirus de l’animal à l’homme a été diagnostiquée chez 12 cas.

Il n’empêche; la polémique ne cesse d’enfler. Tant et si bien que les partis d’opposition et certains députés alliés du gouvernement, n’ont exigé pas moins que la démission du ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture, et de la Pêche, Mogens Jensen, pour sa gestion controversée de la crise des visons.

Les partis de l’opposition du Bloc bleu estiment que Mogens Jensen (57 ans), un des caciques du parti au pouvoir, devait être limogé pour avoir ordonné un abattage “illégal”, car ne disposant pas d’une base juridique pour le faire.

L’opération a été entamée sans aucune autorité légale pour exiger que tous les visons soient abattus s’ils sont malades ou qu’ils se trouvent dans des fermes à moins de 7,8 km d’autres élevages infectés.

“Le gouvernement a estimé que dans cette situation grave, des mesures devaient être prises en urgence. C’est pourquoi tous les visons du pays devaient être tués pour des raisons de santé publique et on ne pouvait pas attendre une nouvelle législation avant de prendre cette décision”, a-t-il écrit au Parlement.

Le ministre a beau présenter ses “excuses”, arguant de l’urgence de la situation sanitaire, rien ne prend grâce aux yeux d’une opposition très à cheval sur la juridiction.

Pris de court, le gouvernement a présenté un projet de loi rédigé à la hâte pour soutenir l’abattage, mais l’opposition a déclaré qu’elle ne permettrait pas au texte de contourner le processus législatif habituel de 30 jours.

Les négociations s’étant longtemps éternisées au Folketing, le gouvernement a remporté, lundi soir, un accord politique à l’arrachée avec l’appui de ses quatre alliés parlementaires, au grand dam des partis du Bloc bleu.

En vertu de cet accord, il sera temporairement interdit de garder des visons jusqu’au 31 décembre 2021 et il ne sera pas possible, pendant la même période, de transporter des visons vivants vers et depuis le Danemark.

Le texte prévoit que tous les visons doivent être abattus, y compris ceux qui ne sont pas déjà soumis à des restrictions en vertu de la loi sur l’élevage, alors que les éleveurs bénéficieront, en plus de la compensation de la valeur des peaux et de la perte d’exploitation, d’un bonus de 30 couronnes par vison tué avant le 19 novembre.

Jusqu’à lundi, pas moins de 8,8 millions de visons sur les 17 millions de mammifères que compte le Danemark ont été abattus dans des élevages touchés, situés dans un rayon de 7,8 kilomètres d’un troupeau infecté, selon l’Administration vétérinaire et alimentaire danoise.

Autant dire l’impact économique sur un des fleurons de l’industrie de la fourrure qui, naguère, faisait du Danemark le premier exportateur mondial de ces produits de luxe (40% de la production mondiale), principalement vers la Chine et Hong Kong.

Outre le démantèlement de 1139 fermes de visons assurant 6000 emplois, c’est toute une tradition d’élevage qui risque de péricliter, même si le gouvernement a laissé entrevoir une porte de sortie pour la poursuite de l’élevage, en proposant de sauver de la mort quelque 56 000 visons reproducteurs.

Une sortie “irréaliste”, selon Tage Pedersen, président de l’Association des éleveurs du pays, qui assure ne pas croire “à une espèce d’Arche de Noé avec quelques milliers de visons à bord. On ne sauvera pas ainsi notre branche basée sur 2,5 millions de mammifères reproducteurs et sur une grande organisation super-structurée avec ses ventes aux enchères au monde entier”.

La semaine dernière, Kopenhagen Fur (fondée en 1930), la première maison de vente aux enchères de fourrures au monde (300 employés), a annoncé qu’elle allait fermer ses portes à la suite de la décision du gouvernement d’abattre l’ensemble des visons du pays.

Une décision du reste contestée même par la communauté des scientifiques puisqu’aucune étude n’a confirmé la dangerosité de la transmission aux humains de la souche mutée du coronavirus, tant redoutée.

Mieux encore, un vaccin en cours de développement au Danemark s’est avéré efficace lors d’essais sur des animaux contre une nouvelle souche de coronavirus mutée de vison.

Les premières études de la souche virale mutée, connue sous le nom de Cluster 5, ont montré que le virus avait une sensibilité réduite aux anticorps, compromettant peut-être l’efficacité des futurs vaccins.

Dans l’entre-temps, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a déclaré dans une récente évaluation des risques qu’il y avait “actuellement une grande incertitude” sur la menace potentielle posée par la propagation du virus au vison et ses mutations potentielles aux humains.

Tout porte à croire que l’engrenage tumultueux du débat politique en cours ne saurait distraire le Danemark, pays d’entente et de compromis, de faire le distinguo entre coronavirus et corona-vison !

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