Addiction à la nicotine et Ramadan : C’est l’occasion ou jamais !

Addiction à la nicotine et Ramadan : C’est l’occasion ou jamais !

lundi, 15 juillet, 2013 à 12:18

Par Rachid Sami.

Mohammedia- Dans le monde, il existe une journée mondiale sans tabac mais au Maroc comme d’ailleurs dans le monde arabo-musulman, il y a encore mieux, tout un mois pendant lequel les accros à la cigarette s’astreignent à ne pas fumer le jour.

Mais si cette journée qui a lieu le 31 mai depuis déjà 25 ans à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est généralement peu suivie, voire ignorée par les fumeurs et ce, en dépit des campagnes médiatiques de sensibilisation, il n’en est pas de même pour le mois de jeûne où la prohibition de la cigarette est respectée de tous au risque d’être frappés d’anathème.

Cependant, si tous les fumeurs s’astreignent à ce régime draconien, il n’en reste moins que les humeurs sont changeantes d’une personne à l’autre. En gros, il y a ceux qui supportent tant bien que mal le manque, prenant cette astreinte avec philosophie, il y a ceux, en revanche, qui ont beaucoup de mal à contenir leur colère sans la cigarette au bec et il y a aussi, les fumeurs occasionnels, une minorité certes, pour qui cigarette ou pas, c’est du pareil au même.

Différentes humeurs, différents tempéraments et différentes situations de crise mais il n’en reste pas moins que tous les jeûneurs fumeurs ou pas, s’accordent sur un même constat : plus que le manque en nicotine, c’est la soif qui représente la plus dure épreuve pendant les longues journées de Ramadan qui s’écoulent péniblement au vu de la chaleur caniculaire qui a sévit durant les premiers jours.

Cette irrépressible sensation de manque pousse d’ailleurs les gros fumeurs à avoir des attitudes extrêmes qui se résument grosso modo, à un état de léthargie, un verrouillage complet de la personnalité pour ne pas céder à la colère. Fumer tue mais aussi oblige à se taire pour cette catégorie de personnes. L’autre cas extrême concerne les fumeurs qui affichent une agressivité démesurée, provoquant parfois des drames. Pour un oui ou un non, des bagarres se déclenchent, les violences s’exacerbent, dans la rue, dans le milieu du travail et pire encore au sein de la famille. Sur ce registre, les faits divers fleurissent dans les journaux.

L’année dernière, au mois de Ramadan, la Joutya, un marché informel situé au quartier El Alia a été le théâtre d’un drame causé par le manque de nicotine et autres psychotropes dont les effets de sevrage sont beaucoup plus importants. Une rixe pour des broutilles, peu avant la rupture du jeûne, a provoqué la mort d’un jeune tué à coups de couteau devant une foule médusée. L’auteur de cet homicide involontaire s’est lui-même présenté à la Police et ce, après avoir rompu tranquillement son jeûne.

C’est d’ailleurs toujours dans la dernière heure qui précède la rupture du jeûne que les nerfs des fumeurs sont à fleur de peau. Les violences montent d’un cran et le stress devient ingérable. Car, parfois, il suffit d’une seconde de colère pour se retrouver ensuite responsable d’un acte aux conséquences dramatiques. A ce titre et au risque de glisser dans le hors sujet, il convient de lancer un appel à la prudence à tous les automobilistes, surtout les férus de vitesse, qui, en rentrant chez eux peu avant la rupture du jeûne, appuient frénétiquement sur le champignon, se croyant dans un circuit de course automobile.

Pour ne pas tomber bêtement dans le piège de la colère, certains évitent autant que peut se faire de se mélanger avec les gens, préférant fuir tout le monde même la famille. C’est le cas de Mohamed.T, journaliste, qui au sortir de la rédaction, prend la route pour des lieux peu fréquentés. Il ne rentre chez lui qu’une fois le muezzin annonce la prière d’Al Maghrib, la levée de l’embargo. Parfois, en constatant qu’il est rentré un peu plus tôt, il reste au bas de l’immeuble.

“Si je rentre à la maison avant de griller ma tige, je risque fort de se quereller avec ma femme. La cigarette me manque tout le temps. Il m’aide à penser, les idées font de la résistance et je n’arrive que laborieusement à trouver les mots”, dit-il, visiblement consterné.

Dans cette classification des tempéraments qui est, faut-il le souligner, loin d’être exhaustive, il existe aussi les fumeurs qui arrêtent carrément de fumer pendant le Ramadan, un renoncement provisoire sans illusions, avec souvent l’intention de re-flirter avec la mort au premier jour de l’Aïd comme c’est le cas de Ba Larbi, gardien de voitures et qui a allègrement dépassé les soixante ans.

“C’est pour moi une vieille habitude, un décrochage nécessaire. Mais je n’ai jamais pensé à arrêter définitivement”, dit-il avant d’ajouter qu’il ne ressent aucun manque, pas la moindre gêne durant tout le mois du jeûne, ni le jour et encore moins le soir, toujours de bonne humeur.

Cela dit, il semble que les campagnes médiatiques de sensibilisation ainsi que les prêches moralisateurs dans les mosquées et les chaînes thématiques commencent à donner leurs fruits puisque les colères noires, les pugilats et le stress inutile diminuent peu à peu. Les gens surtout celles qui ont un certain degré de culture, commencent à apprendre à vivre sereinement sans la cigarette. Le fumeur d’aujourd’hui tente plutôt de recomposer son temps et de ne pas céder facilement à l’appel pressant de son organisme lorsqu’il réclame sa dose de nicotine.

Beaucoup de fumeurs interrogés par la MAP avouent qu’ils parviennent, à force d’habitude, à oublier pour un moment le souvenir de soulagement que leur procure la cigarette. Autrement, disent-ils, à quoi ça leur serviraient d’endurer l’épreuve du jeûne s’ils profèrent de gros mots ou encore commettent des actes répréhensibles à la fois par la Charia et la loi. Les fumeurs apprennent aussi à oublier ces moments si prisés, les pauses-cigarettes. Tous disent que dans cet effort d’adaptation, les trois premiers jours sont les plus durs à supporter. Après, on s’habitue.

Ismaïl et Ferdaouss, deux jeunes employés dans un centre d’appel, racontent :

“Avant Ramadan, nous avions l’habitude de prendre une pause-cigarette toutes les deux heures. Un moment tant attendu de tous pour offrir un peu de répit pour nos tympans et enlever ce casque si stressant. Dur, dur, au mois de Ramadan, de se passer de ce + plaisir+, du moins ce défouloir mais avec le temps, l’envie disparaît”.

Pour le Docteur Soundouss Seddiki, Psychiatre-addictologue au CHU Ibnou Rochd à Casablanca, l’irritabilité des fumeurs se justifie par le fait que les récepteurs nicotiniques dans le cerveau réagissent au manque, indiquant que le service d’addictologie qui dispose d’une capacité d’hospitalisation de 10 lits, est très sollicité durant le mois de Ramadan, recevant plus de trentaine de personnes par jour. Fait alarmant : la proportion grandissante des femmes accros à la cigarette qui représentent 10 pc parmi les fumeurs et aussi les adolescents séduits de plus en plus par la cigarette.

Fière d’avoir fait des études de médecine 100 pc marocaines en décrochant en 2003 son doctorat à la Faculté de Médecine de Casablanca, avant de suivre pendant 4 ans, toujours au Maroc, une formation spécialisée en addictologie à l’issue de laquelle elle a rejoint ce service à son inauguration en septembre 2009 par SM le Roi Mohammed VI, cette jeune et affable spécialiste de toutes les formes d’addiction assure que le meilleur moyen d’écraser définitivement le mégot de cigarette, c’est d’arrêter d’un seul coup en ne pensant pas à une éventuelle récidive car le risque est toujours présent quand bien même le sevrage dure de très longues années. Et le mois de Ramadan, pour elle, est l’occasion ou jamais.

Plus d’1 milliard de personnes fument dans le monde, selon les estimations de l’OMS qui prévoit que d’ici à 2020 c’est-à-dire demain, le tabac sera la principale cause de décès et d’incapacité avec plus de 10 millions de victimes par an, bien plus que la totalité des morts causées par le Sida, la Tuberculose, la mortalité maternelle, les accidents de la route, les suicides ou encore les homicides.

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