Face à la spirale des violences, l’option sécuritaire repensée

Face à la spirale des violences, l’option sécuritaire repensée

mercredi, 28 août, 2013 à 10:53

Par Mostafa NAZIH.

Abuja – Les dernières attaques en date, perpétrées au mois d’août au nord du Nigéria et attribuées au groupe armé Boko Haram, rappellent les circonstances dans lesquelles le président nigérian, Goodluck Jonathan, avait proclamé en mai dernier l’état d’urgence, pour contenir les menaces à la sécurité, dans trois Etats du nord-est de la République fédérale, à la seule différence que les victimes des attaques étaient, alors, des sécuritaires en grande majorité, alors qu’il s’agit, à présent, de civils pour la plupart.

En effet, le mois de mai dernier était sanglant et au moment où M. Jonathan était en visite en Afrique du Sud et en Namibie, une milice armée, jusque-là non connue des médias, liée à la secte Ombatse -qui signifie le temps est venu- et qui n’est ni musulmane, ni chrétienne mais plutôt mystique, païenne et s’est donnée pour mission d’épurer la société des vices et des déviations, avait tendu une embuscade, le 7 mai à Nasarawa (centre), à une unité d’agents de police et de renseignements, d’environ 60 hommes, faisant 46 morts et des portés disparus parmi eux.

Le même jour, ladite embuscade a coïncidé avec des attaques coordonnées, dont certaines ont été revendiquées par Boko Haram, perpétrées contre des casernes de l’armée, commissariats de police et prisons à Borno (nord-est), faisant 55 tués.

Au vue de l’ampleur de cette spirale de violences, le président nigérian a écourté son voyage à l’étranger et regagné Abuja, le 9 mai, pour annoncer, le 14 mai dans un discours télévisé, l’instauration de l’état d’urgence dans les Etats de Yobe, Adamawa et Borno, qualifié par les médias de fief de Boko Haram, au même titre d’ailleurs que l’Etat de Kano (nord).

Le mois d’août, qui n’était pas moins sanglant que le mois de mai, a été marqué par des attaques spectaculaires dont celle d’une mosquée à Borno, faisant 47 morts et 36 blessés, et celle du village de Ngom, relevant également de Borno, ayant fait douze morts parmi les habitants.

Toujours à Borno, des affrontements entre l’armée et des insurgés de Boko Haram, au début du mois dans les localités de Bama et de Malam Fatori, ont fait 35 morts au total, deux soldats, un policier et 32 insurgés.

La localité de Damboa, à Borno aussi, a eu également sont lot de victimes dans une fusillade perpétrée par des membres présumés de Boko Haram, faisant 18 morts. Le village de Demba, sis non loin de la ville de Baga, à Borno, figure aussi sur la liste avec un lot de 44 tués lors d’une attaque imputée à ce groupe.

A Borno, où l’armée a lancé une vaste offensive contre Boko Haram, au même titre qu’à Yobe et Adamawa, au lendemain de la déclaration de l’état d’urgence dans ces Etats, 19 soldats et 7 policiers ont trouvé la mort, à la mi-août, dans des affrontements.

Ces violences ont fait aussi des milliers de déplacés aussi bien à Borno qu’au delà des frontières. Plusieurs milliers de personnes ont, en effet, traversé la frontière avec le Niger pour s’installer dans les départements de Bosso, Mainé Soroa et Goudoumaria, et dans la commune urbaine de Diffa, à l’extrême est du pays, à plus de 1 300 km de Niamey.

Au Cameroun, les autorités ont ouvert un camp à Minawaou, dans le nord du pays, à 65 km de la frontière avec le Nigéria, pour le transfert des réfugiés. Au Tchad, ce sont plus de 1 500 personnes qui auraient traversé la frontière.

Selon la Croix-Rouge internationale et le Croissant-Rouge, quelque 13 200 personnes touchées par les violences à Borno ont bénéficié d’une assistance sous forme de biens de première nécessité.

Qui est Boko Haram ?

La dénomination officielle de Boko Haram, nom populaire qui signifie en Hausa (l’une des trois langues locales) l’enseignement occidental est un pêché, est “Jama’atu Ahl as-Sunnah li-Da’awati wal-Jihad”. La Jama’a mène une insurrection dans le Nord du Nigéria, pays le plus peuplé du continent avec plus de 160 millions d’habitants, depuis 2009, dans l’objectif d’y instaurer un Etat prétendument islamique.

Récemment, les autorités ont déclaré que l’offensive militaire contre la Jama’a dans le Nord, majoritairement musulmane, alors que le Sud est à dominante chrétienne, était dans sa dernière phase. Mais l’armée a, parallèlement, annoncé la création d’une nouvelle division pour prendre la relève de la force opérationnelle interarmées.

La création de cette division, qui prendra la relève des opérations dans les trois Etats du nord, n’est qu’un changement dans la continuité, ce qui laisse présager que la situation n’est pas prête au dénouement, relèvent certains observateurs, d’autant que la mort présumée du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, (annoncée par un communiqué militaire au conditionnel) n’a pas mis fin aux violences et que le gouvernement, par la voix du ministre de l’Information et de la Communication, Labaran Maku, vient de réaffirmer la poursuite de sa guerre contre le terrorisme.

Dans un tel contexte, il y a lieu de rappeler l’insistance, récemment à Abuja, de Mme Wendy Sherman, sous-secrétaire d’Etat américaine chargée des affaires politiques, sur l’importance d’une approche complémentaire à la guerre contre le terrorisme et sur la nécessaire mise en place d’une stratégie de rétablissement économique en complément de la stratégie sécuritaire du gouvernement, tout en essayant de gagner le soutien des responsables du nord dans la lutte contre la pauvreté, en ce sens qu’il faut uvrer, selon sa vision, à l’équité, à la transparence, à des politiques désintéressés et à la construction d’un consensus national ainsi qu’à l’isolement des terroristes.

S’il est vrai que le Nigéria avait anticipé, en mai dernier parallèlement à l’instauration de l’état d’urgence, en créant un Comité présidentiel sur le dialogue et la résolution pacifique des défis de sécurité dans le Nord, ce comité gagne à être réactivé, car depuis la mise à prix de la tête du chef de Boko Haram par Washignton en juin dernier (7 millions de dollars, la plus grosse récompense américaine concernant les terroristes de l’Afrique de l’Ouest), ce comité semblait s’éclipser, alors qu’il était bien actif à sa mise sur pied en mai.

A s’interroger au passage si la création, en mai à Borno, dans le sillage de l’état d’urgence, des groupes de vigilance, constitués de jeunes volontaires civils, pour assister l’armée dans sa lutte contre Boko Haram, militait en faveur de l’apaisement, selon les médias qui les qualifient, désormais, de justiciers, en rapportant fréquemment le lourd tribut payé par eux et par leurs établissements scolaires.

A présent, que le n 1 de Boko Haram soit mort ou pas, la spirale de la violence continue et le péril sécuritaire plane encore. Reste, par conséquent, à réactiver le comité en tant qu’alternative à l’option sécuritaire et à agir pour atténuer la pauvreté dans le Nord (bien que le Nigéria est le premier producteur de pétrole en Afrique), d’autant qu’une annonce phare vient de marquer l’actualité dernièrement, à savoir l’offre de dialogue faite par le Comité Choura, le plus haut organe de décision de Boko Haram, pourvu que cette offre soit couronnée de succès.

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