L’Académie du Royaume du Maroc rend hommage à la littérature africaine
Rabat – La littérature africaine, dont les racines s’étendent bien avant l’ère coloniale, a été honorée mercredi à Rabat lors d’un colloque international sur la classification des écrivains africains, organisé par l’Académie du Royaume du Maroc dans le cadre des activités de la Chaire des Littératures et des Arts africains.
Organisé sous le thème “Approche classificatoire des littérateurs africains et afrodescendants : champ, paramètres et reconfiguration de la réception”, ce colloque est dédié à rendre hommage à l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, l’une des figures emblématiques de la littérature, de la culture et de la diplomatie en Afrique contemporaine.
Lors de cet hommage qui s’est déroulé en présence de sa fille cadette, Roukiatou Hampâté Bâ, plusieurs intervenants se sont relayés pour témoigner des différentes qualités humaines et scientifiques de cette icône de la littérature africaine.
Dans une allocution d’ouverture, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri a affirmé que par le biais de cette initiative à la double résonance académique et mémorielle, l’Académie réaffirme sa vocation celle d’une institution respectueuse de la somme des passés du grand continent africain et ouverte au débat universel des idées.
Revenant sur le parcours littéraire exceptionnel de l’écrivain malien, Amadou Hampâté Bâ, rappelé à Dieu il y a 33 ans, M. Lahjomri a souligné que l’Académie du Royaume du Maroc retient plusieurs éléments de l’héritage de cette figure de référence appelée “l’Aîné du vingtième siècle” et parmi eux, trois points fondamentaux. Primo, la reconnaissance qu’il a toujours exprimée pour les enseignements reçus, notamment par deux géants : son instructeur et maître Tierno Bokar, puis par l’initiation au métier de chercheur à l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire. Secundo, son plaidoyer à l’UNESCO en 1960, au seuil des indépendances africaines, qui défendait les traditions orales et en dernier lieu son discours à la jeunesse.
Concernant la thématique de cet événement, M. Lahjomri a relevé qu’elle invite les participants à se pencher sur les critères précis à partir desquels s’établit une réputation, ainsi que sur les fondements ou raisonnements à partir desquels s’organisent les échelles de la distinction, ajoutant qu'”il faut, certes, retourner aux œuvres des auteurs, tenir compte de leurs actes, mais aussi compter avec le jugement de l’Histoire”.
Introduisant cette séance d’ouverture, Eugène Ebodé, administrateur de la Chaire des littératures et des arts, a fait observer qu’il est question de souligner les apports, l’ancrage africain et le rayonnement de Amadou Hampâté Bâ, un écrivain passeur d’idées et de mondes qui avait de coutume de dire “Mes phrases ne sont pas de moi, mais du continent” et qui a dompté les orages du particularisme pour mieux traverser un siècle furibond.
M. Ebodé s’est dit honoré de participer à cette rencontre qui offre l’opportunité d’interroger la taxinomie littéraire, autrement dit les mécanismes de la renommée et la manière de classer les écrivains et les critiques littéraires, ajoutant que la jeunesse africaine qu’il a désigné sous l’expression “les plumes montantes” est à considérer en inversant la pyramide littéraire à la fondation de laquelle se trouve “les monstres sacrés” suivie des “figures consacrées” et des “personnalités massacrées”.
Invitée à s’exprimer sur la portée de cet hommage, Roukiatou Hampâté Bâ, Directrice exécutive de la Fondation Amadou Hampâté Bâ, a fait part de sa fierté de participer à cette louable initiative pour commémorer la mémoire de son père qui aimait à dire “Ce n’est pas moi qui parle de l’Afrique, c’est l’Afrique qui parle à moi”.
Rappelant la célèbre phrase prononcée par Amadou Hampâté Bâ à la tribune de l’UNESCO : “En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt c’est une bibliothèque inexploitée qui brûle”, Roukiatou a indiqué que l’intérêt de cette rencontre réside dans la tentative de comprendre comment optimiser la valorisation et la diffusion des œuvres à partir des échelles de la renommée.
Au cours de ce rendez-vous culturel de deux jours, universitaires, écrivains et chercheurs marocains et africains seront appelés à explorer des pistes de réponse à la question : Existe-t-il une échelle des valeurs en littérature ou devrait-on considérer la littérature en général et plus particulièrement la réception des œuvres d’esprit comme ne relevant que du domaine de la subjectivité ?
Ils seront également amenés à examiner une interrogation majeure concernant la notoriété : “peut-on définir les contours d’un panthéon des littératures africaines et afrodescendantes ? quels en seraient les critères d’admission ?
Au menu de ce colloque figurent deux séances axées sur “Critères de distinction, paramètres classiques, poétique de la transition” qui sera présidée par Ahmed Boukouss, membre de l’Académie du Royaume du Maroc avec comme intervenants, notamment Amboise Kom du Cameroun et Amine Martah du Maroc, et “Mémoire, lieux d’énonciation, reconfiguration de la faculté de distinguer” présidée par l’universitaire marocain Bouaza Benachir avec les interventions de Fouad Laroui du Maroc et Lucas Scaravelli de Silva du Brésil.
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