Le Venezuela s’embourbe de plus en plus dans la crise, la société croule sous les pénuries et l’hyperinflation

Le Venezuela s’embourbe de plus en plus dans la crise, la société croule sous les pénuries et l’hyperinflation

vendredi, 10 août, 2018 à 13:29

Par Brahim Salaheddine AMHIL.

 

Caracas – Le Venezuela s’embourbe de plus en plus dans la crise alors que la société se retrouve rongée par les pénuries, la détérioration des services et l’hyperinflation qui ont fortement impacté sa vie quotidienne la poussant à la rue pour manifester contre l’érosion économique de l’un des plus gros états pétroliers au monde.

Avec une contraction du PIB attendue à 18% en 2018 et une inflation de 1.000.000% prévue d’ici la fin de l’année par le Fonds monétaire international (FMI), le Venezuela croule sous une énorme crise économique, sociale et politique alors que les services publics, de santé, de l’électricité, de l’eau ou des transports, se sont fortement dégradés.

Dans un pays qui tire 96% de ses revenus de l’exportation du pétrole, la production du brut s’est effondrée d’au moins la moitié en un an et demi, faute de liquidités pour moderniser les infrastructures pétrolières, chutant de 3,2 millions de barils par jour (mbj) en 2008 à 1,5 millions en juin dernier, selon l’OPEP.

Face à cette situation, le président Nicolas Maduro a annoncé mercredi que le Venezuela allait bientôt supprimer cinq zéros de sa monnaie, le bolivar. “Le 20 août démarre (…) le plan de redressement économique avec la reconversion monétaire, cinq zéros en moins”, a-t-il déclaré, dans une nouvelle tentative de porter secours à une économie moribonde qui frôle le black-out généralisé.

Pour les Vénézuéliens, dont le salaire minimum est de 1,5 dollars au taux du marché noir, soit l’équivalent d’un kilo de poulet, ces mesures ne freineront pas l’hyperinflation qui sévit dans le pays caribéen.

“Je recherche un médicament qui vaut actuellement 5 millions de bolivars (monnaie locale) mais il n’existe plus sur le marché”, a indiqué à la MAP Marco Estévez, un habitant de Caracas, ajoutant sur un ton amer qu’”il n’y a pas plus de médicament, de nourritures, plus rien plus rien”.

Pour Luis Trillas, la situation est bien plus grave. “Ma mère qui a 98 ans utilise un médicament qui coûtait il y deux ans 2.000 bolivars, maintenant il coûte 3 millions de bolivars”, se désole ce Vénézuélien au micro de la MAP, soulignant qu’avant la crise de l’hyperinflation “la boite de ce médicament contenait 30 pilules alors que la nouvelle boîte n’en compte que 7 pour 3 millions de bolivars”.

Pour cet habitant de la capitale, les Vénézuéliens “vivent une hyperinflation sauvage qui va anéantir le pays”.

Et de relever que “les prix sont inaccessibles pour toute personne retraitée, qui touche une pension ou qui n’a que le salaire minimum. Seuls les diplomates ou les gens qui ont un salaire en dollars peuvent se permettre de faire des courses dans un super marché, ou des gens comme moi qui sont aidés par la famille depuis l’étranger”.

“Moi par exemple j’ai 6 fils qui sont tous à l’étranger et qui m’envoient de l’argent pour survivre ici au Venezuela”, a-t-il déclaré à la MAP.

Pour une autre habitante de Caracas, “dans les super marchés, les prix sont en hausse de jour en jour. C’est totalement incroyable. Un salaire minimum, soit 5.129.000 bolivars, te permet par exemple d’acheter un kilo de viande”.

Elle a même montré à notre caméra ses courses du jour. “Je vous montre ce que je viens d’acheter. Une sauce tomate à 1,5 million de bolivars, et dans d’autres commerces ce même produit se vend à plus de 5 millions de bolivars”, donc “une bonne affaire” malgré les apparences !.

Le député de l’opposition et économiste José Guerra, a pointé du doigt l’absence de mesures fondamentales à même de faire face aux causes de l’hyperinflation.

“Il n’y a pas de mesures fondamentales pour corriger les causes de l’hyperinflation, qui sont essentiellement fiscales et monétaires, alors ces mesures ne vont pas résoudre le problème”, a-t-il déclaré jeudi sur les ondes d’une radio privée locale.

Selon cet ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale (AN, Parlement), “la solution est de déréglementer l’économie avec un plan économique cohérent”.

Le président vénézuélien avait annoncé que le bolivar, sera rebaptisé “soberano” (souverain) à partir du 20 août prochain et sera ancré au Petro, une monnaie virtuelle non reconnue lancée par l’état vénézuélien et qui est soutenue par les exportations pétrolières.

Prévue initialement le 4 juin dernier, la mise en circulation d’une nouvelle monnaie avait été reportée à la demande de la Banque centrale du Venezuela.

“Le Petro n’existe pas, il n’est pas accepté comme monnaie, c’est quelque chose qui attire l’attention à cause de l’audace avec laquelle l’on a fait ancrer une monnaie nationale à une monnaie supposée inexistante”, a fait observé M. Guerra, alors que l’État vénézuélien est accusé de mettre en circulation un nombre toujours plus grand de billets alimentant ainsi de plus en plus l’hyperinflation généralisée.

Cette situation, qui a fait basculer 87% de la population dans la pauvreté, a poussé quelque 1,6 million de Vénézuéliens à quitter leur pays depuis 2016, selon une étude des principales universités du pays.

Pour sa part, le FMI prévoit une hausse des départs qui affecteront de plus en plus les pays voisins alors que la réélection de Maduro jusqu’en 2025 n’est pas reconnue par une grande partie de la communauté internationale.

Dans la rue, les manifestations et grognes sociales se multiplient. Travailleurs de la santé, du secteur électrique, retraités, professeurs et salariés observent des sit-in ou organisent des marches tout au long de ces dernières semaines pour exiger des hausses de salaire et l’amélioration de leurs conditions de travail.

La justice américaine avait annoncé l’arrestation et l’inculpation de deux personnes dans le cadre du démantèlement d’un vaste réseau de blanchiment d’argent provenant de fonds détournés du PDVSA, le groupe pétrolier appartenant à l’État vénézuélien.

Le réseau, opéré par des membres de l’élite vénézuélienne surnommés “boliburgués”, aurait blanchi plus d’un milliard de dollars, notamment grâce à de faux investissements via un réseau d’agences immobilières de Floride, a précisé le bureau du procureur de Floride.

L’inflation cumulée au Venezuela de janvier à juin derniers se situait à 4.684,3% alors que les prix augmentent chaque jour dans ce pays pétrolier rongé par une spirale hyper-inflationniste déclenchée au second semestre de l’année dernière.

Fin juin, le président Nicolas Maduro avait annoncé une augmentation de 103% du salaire minimum national le plaçant à 5.196.000 bolivars, soit l’équivalent de 65 dollars américains, selon le taux de change officiel où un dollar coûte 80.000 bolivars.

Dernière trouvaille du pouvoir central, une mise en accusation de l’opposition pour sa prétendue implication dans “un attentat aux drones” contre la personne du Chef d’État.

Jeudi, l’Assemblée nationale du Venezuela avait condamné la “disparition forcée” du député Juan Requesens, arrêté par les autorités mardi dernier et accusé par le président Maduro d’être derrière un attentat aux drones contre sa personne.

Réuni en session extraordinaire, le Parlement vénézuélien a adopté “à l’unanimité” une décision qui qualifie de “disparition forcée” la détention de Requesens, tout en exigeant sa “libération immédiate”.

Cette décision rejette également les “actions arbitraires” menées par le gouvernement contre le député et président de l’hémicycle Julio Borges, actuellement en Colombie, qui fait face à un mandat d’arrêt émis par la Cour suprême de justice (TSJ) pour son implication présumée dans l’attaque contre Maduro.

Le pays qui fut jadis un des porte-drapeaux d’une Amérique latine en croissance semble aujourd’hui pris au piège du cercle vicieux d’une crise abyssale à l’issue incertaine et ce sont les Vénézuéliens qui en sont les victimes.

 

 

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