Sahar Khalifeh : l’écrivain doit se mettre au service de la cause au lieu de s’en servir

Sahar Khalifeh : l’écrivain doit se mettre au service de la cause au lieu de s’en servir

mardi, 2 juillet, 2013 à 11:04

-Propos recueillis par Nizar LAFRAOUI et Meriem RKIOUAK-

Assilah – L’écrivain arabe doit mettre son talent au service de la cause qu’il porte, plutôt que d’en faire son gagne-pain ou de s’en servir pour qu’elle lui rapporte du profit, a insisté la romancière palestinienne Sahar Khalifeh, lauréate du Prix Mohamed Zefzaf du roman arabe dans sa cinquième édition.

Les auteurs qui ont une vision mercantiliste vis-à-vis de la cause qu’ils sont censés plaider dans le monde ne font pas long feu et voient leurs projets littéraires condamnés à l’échec, a mis en avant Mme Khalifeh dans un entretien à la MAP en marge de la cérémonie de remise du Prix, organisée dans le cadre du 35ème Moussem culturel international d’Assilah.

Celle qu’on qualifie de pionnière de la littérature féminine dans son pays considère pourtant l’écriture comme une “profession à part entière”, en ce sens que la personne qui s’y adonne doit le faire dans les règles de l’art, loin de l’amateurisme, et s’approprier les outils de l’écriture littéraire.

Elle a invité, à ce propos, la nouvelle génération d’écrivains à “exercer l’écriture tout comme on exerce un métier” et à “développer leurs outils littéraires et leurs connaissances des courants et des techniques modernes de l’écriture littéraire, pas seulement dans la région arabe mais dans le monde entier”.

L’auteur, qui traîne derrière elle une quarantaine d’années de carrière, estime ainsi qu’écrire “c’est avant tout disposer d’un projet qu’on exécute progressivement à travers un programme quotidien de lecture et d’écriture” car “écrire n’est pas un loisir ou un caprice, c’est avant tout un engagement vis-à-vis de soi”.

“C’est aussi un engagement vis-à-vis des autres, car l’art et la littérature ne peuvent être dignes de ce nom s’ils se recroquevillent sur l’ego et ne reflètent pas fidèlement nos causes, notre environnement et notre humanité”, argue-t-elle, estimant que l’ego peut aider à une meilleure compréhension de la psychologie humaine et à humaniser le récit, mais qu’il ne saurait être considéré comme une fin en soi.

Son succès dans le monde arabe, celle qui est l’auteur palestinien le plus traduit après Mahmoud Darwich, l’impute surtout à sa capacité à élargir ses horizons et à “ne pas se confiner à tout ce qui est local”. “La dimension arabe est présente en force dans mes récits qui présentent la Palestine comme un pays faisant partie intégrante du monde arabe”, soutient-elle.

Cela fait que “le lecteur ressent une sorte de proximité avec les personnages de mes romans, ceux-ci étant des personnages qu’on peut retrouver dans n’importe quel pays arabe”, souligne l’écrivaine, pour qui “les maux des sociétés arabes sont à peu près les mêmes, abstraction faite de la spécificité de la Palestine comme pays sous occupation”.

Concernant le rôle des écrivains arabes dans l’accompagnement des mutations politiques et sociales générées par le Printemps arabe, Sahar Khalifeh est tranchante :”l’écrivain a besoin de prendre suffisamment de recul par rapport à ce Printemps qui en est encore à ses premiers balbutiements et qui ne peut donner lieu, dans un laps de temps si court, à des oeuvres littéraires d’envergure”.

La romancière palestinienne s’est dite, par ailleurs, fière de remporter le Prix Mohamed Zefzaf du roman arabe qui “me conforte dans les choix et les principes que j’ai défendus tout au long de ma carrière et pour lesquels j’ai été attaquée à plusieurs reprises”.

Rappelant qu’elle a été parmi les premières écrivaines arabes à soulever la question de la femme et à plaider sa cause dans ses romans, l’auteur de “Nous ne sommes plus vos esclaves” estime que “le concept de liberté ne se réduit pas à la lutte contre le colonisateur mais consiste surtout à lutter contre les maux qui nous rongent de l’intérieur, contre le sous-développement, l’injustice sociale et la discorde”.

Née en 1941 à Naplouse, Sahar Khalifeh compte à son actif une dizaine de romans traduits dans plusieurs langues dont “Al Sabbar” (Chronique du figuier barbare, 1978), “Moudakirat Imra’a ghair waqi’iya” (Journal d’une femme irréaliste, 1986) et “Hobi Al Awal” (Mon premier amour, 2010).

Le jury du Prix Mohamed Zefzaf du roman arabe a été présidé par le romancier et chercheur algérien Waciny Laredj et composé de l’écrivain marocain Ahmed Madini, du romancier égyptien Abdo Gobair, de l’écrivain koweitien Ismail Fahad et du Secrétaire général de la Fondation du Forum d’Assilah, Mohamed Benaïssa.

Octroyé tous les trois ans, le Prix avait primé de grands noms de la scène littéraire arabe tels que le défunt auteur soudanais Tayeb Saleh (2002), le Libyen Ibrahim Al Kouni (2005), le Marocain Moubarak Rabie (2008) et le Syrien Hana Mina (2010).

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