Les leçons de vie à tirer de la pandémie : Trois questions à la psychologue clinicienne Aziza Ziou Ziou

Les leçons de vie à tirer de la pandémie : Trois questions à la psychologue clinicienne Aziza Ziou Ziou

samedi, 14 novembre, 2020 à 15:32

– Propos recueillis par Ghita AZZOUZI –

Rabat – Dans un entretien accordé à la MAP, la psychologue clinicienne Aziza Ziou Ziou revient sur les leçons de vie que l’on pourrait tirer de la pandémie liée au nouveau coronavirus (Covid-19). En voici la teneur :
– Quelles sont, selon vous, les leçons de vie que l’on pourrait tirer de la pandémie liée au nouveau coronavirus ?

Depuis le début, cette pandémie nous a mis face à nous même, à l’enfermement, à la stupéfaction, à la peur des conséquences de ce virus, à sa propagation et à l’écoute effrénée des nouvelles et du nombre des cas.

En réflexe de survie, chaque personne a essayé de trouver un moyen de partager et de découvrir. Ceux qui ont pu vivre cette pandémie avec patience et calme ont ressenti le besoin de se retrouver, de faire des activités créatives et là d’un coup ont fleuri un bon nombre de formations en ligne, de concerts de musique gratuits et même des visites de musées virtuelles.

Les parents ont essayé tant bien que mal de jouer plusieurs rôles à la maison et surtout d’essayer comme ils peuvent d’apaiser leurs enfants parce qu’ils ressentent tout. Il reste important d’expliquer aux enfants ce qui se passe et pourquoi nous sommes confinés à la maison pour qu’ils puissent eux aussi se l’approprier et le dépasser avec leurs moyens et ils ont d’énormes potentiels pour le faire à travers le jeu le dessin la musique etc…

Ce qui nous amène à prendre conscience des moments d’angoisse aiguë est cet enfermement qui nous oblige quelque part à voir avec une loupe la moindre de nos difficultés pour meubler le vide que nous pouvons ressentir. Le fait de bouger, de sortir nous permettait de nous décentrer de nos difficultés, mais l’immobilité et l’enfermement poussent à accueillir même les parts les plus sombres et les plus douloureuses de soi et c’est dans ce sens qu’un bon nombre de cellules de soutien ont vu le jour pour pouvoir accompagner les personnes en demande de soutien.

Je reste persuadée comme l’a dit Boris Cyrulnik quand il parle de résilience, que nous avons tous en nous des ressources insoupçonnables qui nous permettent de refaire surface en cas de tourmente, des potentialités de créativité, de création d’un nouveau monde car cette crise va permettre la création d’un nouveau monde puisque l’ancien est caduc et il a montré ses limites. Cette prise de conscience peut changer notre mode de vie vers un mode de vie plus respectueux de la planète et des créatures qui l’habitent.
– Comment ce virus nous a-t-il rappelé notre impermanence et notre faiblesse (le fait que nous soyons vulnérables à la maladie et à la mort) ?

Cette crise nous a ramené à notre condition microscopique d’êtres humains. Nous vivons sur une planète que nous avons surexploitée.

La mort a toujours existé. Les autres formes de grippe tuent chaque année plus que les cas de coronavirus mais pour une raison, ce virus a mobilisé toutes nos craintes, il a forcé plusieurs pays à la fermeture.

A l’instar de l’individu, la pensée groupale s’est figée pour un moment. La question de la mort a été plus que jamais présente puisque c’est le sens que nous donnons au confinement : rester chez soi pour ne pas risquer de mourir, sortir devient un danger, notre vie telle que nous la vivions n’est plus qu’un souvenir.

En plus de la distanciation sociale, il y a eu aussi une distanciation émotionnelle puisque même les cortèges funèbres n’étaient plus suivis et les cérémonies joyeuses, les mariages ou les réunions n’avaient plus lieu.

L’être humain est depuis toujours appelé à vivre avec des épidémies de peste, de choléra ou de grippe espagnole, la mort a toujours fait partie de l’histoire de l’humanité, mais à cause ou grâce à l’avancée de la médecine, l’être humain a commencé à symboliquement se croire invincible.

La perte fait partie du processus de la vie et se le rappeler de manière aussi percutante, c’est justement nous renvoyer humblement à notre condition d’être humain.

Voir le nombre de morts et la désolation ont poussé les Italiens, à titre d’exemple, à sortir tous les soirs applaudir leurs médecins, étant les premiers à être exposés, et à chanter, danser, partager même à distance les rires et les joies pour dire que même si la mort est là, est aussi la vie.
– Comment le Coronavirus est-il parvenu à nous rappeler d’être reconnaissants pour notre santé, pour nos bénédictions, pour notre liberté, pour ce qu’on a en général ?

En réalité, à mesure que le confinement avançait, on a vu la terre guérir et les animaux revivre. Ça nous renvoie immédiatement vers une gratitude envers cette planète et envers ce qu’elle nous donne.

En voyant les pertes autour de nous, on peut également éprouver de la gratitude pour notre santé, mais cette gratitude ne s’arrête pas à nous. Là où on vit, comment on vit ne nous plonge pas dans des considérations existentielles aliénantes de comment on va vivre demain pour le moment. Il est temps d’être solidaires avec tous ceux qui vivent le confinement dans des conditions sociales précaires et douloureuses.

Comme a dit Boris Cyrulnik, cette crise construira un autre modèle de société. Le fait d’être tous embarqués dans le même bateau peut nous amener à construire, de manière plus égale, des rapports sociaux plus harmonieux et plus bienveillants.

Ce qu’on retiendra surtout ce sont les échanges, les partages, les moments de joie, la reconstruction d’un monde virtuel, ainsi que d’avatars divers. Mais pourrions-nous nous voir réellement tels que nous sommes ?

Cette crise nous aura permis de compter sur nous avec nous et de pouvoir ressentir et comprendre ce que la liberté de circuler voulait réellement dire, et de se rendre compte que ce que nous avons peut bien être une des bases de notre bonheur.

Des parents auraient mieux connu et partagé avec leurs enfants, d’autres parents seront très épuisés. Des jeunes auront des projets de vie qui pourraient prendre une tournure différente et nous serons toutes et tous avides de sourires, de regards, de câlins, de voyages, de partages, de rencontres, de simples promenades et de mains tendues de loin pour l’instant, ainsi que de rapports humains harmonieux et non craintifs de la vie, de symboles de célébration de la vie sous toutes ses coutures avec émotion et joie et de la construction d’un lendemain humain, vivant et solidaire.

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